Rivette ne représenta son film, en 1967, qu’au prix de diverses précautions, dont un changement de titre lui retirant toute inscription dans une actualité subversive en faisant retour vers l’origine : Suzanne Simonin, La Religieuse de Diderot. Restent le visage fermé et le jeu inquiétant d’Anna Karina, icône de la Nouvelle Vague dont l’angélisme glacé et décalé, à l’instar de la Jeanne d’Arc de Robert Bresson interprétée par Florence Delay129, leste du poids des révoltes de la jeunesse soixante-huitarde et de leur désir d’absolu le théâtre d’ombres de Diderot.
Florence LOTTERIE.
1- Elle existait vraiment et rencontra Mme d’Épinay plus tard, en 1768.
2- Voir J. Catrysse, Diderot et la mystification, Nizet, 1970, p. 28 sq., et P. Chartier, « Diderot ou le rire du mystificateur », Dix-Huitième Siècle, 32, 2000, p. 145-164.
3- Diderot, Correspondance, éd. G. Roth, Minuit, 1957, t. III, p. 19.
4- Ceux du cardinal de Retz, par exemple.
5- Voir, par exemple, le roman libertin, très lu alors, de Duclos, Les Confessions du comte de *** (1741), fortement inspiré par Crébillon.
6- De nombreux critiques ont fait le lien avec la figure de Cendrillon. Le scénario de persécution paradoxale de la mal-aimée trop aimable se rejoue d’ailleurs au couvent de Longchamp, en particulier dans la scène où Suzanne est privée de réfectoire et où on mêle ses aliments avec de la cendre (infra, p. 81).
7- Si toutefois on accepte que le moine de la fin (qui tente de violer Suzanne) et le doux Morel, qui remplace le sévère père Le Moine comme confesseur à Longchamp, soient une seule et même personne : le texte est ici assez allusif.
8- Voir Dossier, infra, p. 235 sq.
9- Voir la Note sur le texte, infra, p. LI.
10- Voir Appendice, infra, p. 225 : ce passage est en particulier nécessaire pour comprendre à qui fait référence le démonstratif dans « Ce charmant marquis », qui constitue l’attaque de la version diderotienne.
11- Voir Chronologie, infra, p. 277 sq.
12- Voir Appendice, infra, p. 226.
13- Sur le contexte de cette affaire et la production satirique et pamphlétaire qui en résulta, on consultera avec profit l’anthologie commentée de O. Ferret, Palissot. La comédie des Philosophes et autres textes, Publications de l’université de Saint-Étienne, « Lire le XVIIIe siècle », 2002.
14- Sous l’Ancien Régime, la censure repose sur trois niveaux : le privilège (autorisation officielle), la « permission tacite » (autorisation officieuse) et la « tolérance simple » (le pouvoir ferme les yeux et ne dit rien, mais se réserve le droit d’intervenir s’il estime que l’ordre public est menacé). Malesherbes, chargé de la gestion politique du monde du livre (d’où son titre – la « Librairie » désigne toute la chaîne du livre et ses acteurs, de la fabrication technique à la vente) et sympathisant des idées des Lumières, joua sur ces ambiguïtés pour laisser paraître l’Encyclopédie privée de privilège.
15- Pour une analyse de ce qui est aussi une discussion poétique sur la définition et les usages des « ridicules » dans le genre comique, voir O. Ferret, « Mises en scène satiriques des encyclopédistes : autour de la querelle des philosophes », dans Le Philosophe sur les planches. L’image du philosophe dans le théâtre des Lumières : 1680-1815, dir. P. Hartmann, Strasbourg, Presses de l’université de Strasbourg, 2003, p. 113-128.
16- Pour l’essentiel, sans doute, le trio composé de Grimm, Diderot et Mme d’Épinay.
17- T. Belleguic, « Suzanne ou les avatars matérialistes de la sympathie : figures de la contagion dans La Religieuse de Denis Diderot », dans Les Discours de la sympathie. Enquête sur une notion de l’âge classique à la modernité, dir. T. Belleguic, E. Van der Schueren et S. Vervacke, Sainte-Foy, Presses de l’université Laval, 2008, p. 260.
18- Voir l’émouvante lettre qu’il écrit à Antoinette en janvier : « Je me suis jeté par les fenêtres la nuit du dimanche au lundi. J’ai marché jusqu’à présent que je viens d’atteindre le coche de Troyes qui me transportera à Paris. Je suis sans linge » (Correspondance inédite, éd. A. Babelon, Gallimard, 1931, t. II, p. 37).
19- Voir Appendice, infra, p. 225. Ce drame en trois actes et en vers ne sera représenté qu’en 1791.
20- On pourra, à titre d’illustration exemplaire de ce dispositif cruel, parce que la cible de la plaisanterie est une femme à la fois malade et délaissée par son amant, lire le conte justement intitulé Mystification (1768-1769), que Diderot n’a pas publié et qui développe, sur le mode d’un dialogue fictif, une de ses tromperies du moment.
21- Diderot, Essais sur la peinture. Salons de 1759, 1761, 1763, Hermann, 1984, p. 57 (nous soulignons). Le texte a été écrit pour servir de suite au Salon de 1765.
22- Voir l’extrait de ce texte donné dans le Dossier, infra, p. 262.
23- Voir la « lettre ostensible » datée du 16 février 1760 dans la pseudo-correspondance, infra, p. 206.
24- C’est aussi le nom de la sœur de Diderot devenue religieuse et morte folle en couvent en 1748 : il envisagea d’abord de le donner à son héroïne.
25- E. Bourguinat, Le Siècle du persiflage, 1734-1789, PUF, 1998.
26- L.S. Mercier, Tableau de Paris, éd. J.-C. Bonnet, Mercure de France, 1994, t. II, p. 384. Notons que le chapitre qui suit immédiatement « Du persiflage » s’intitule « Mystifier. Mystification ».
27- Voir Appendice, infra, p. 227.
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