Diderot préserve également ces caractérisations dans ses corrections.
28- Jean Catrysse propose ainsi de ranger cette mystification dans la catégorie des « mensonges par amitié » (Diderot et la mystification, op. cit., p. 40) : à l’intérieur d’une communauté d’égaux, persiflés et persifleurs doivent pouvoir échanger leurs qualités à tout moment, une complicité latente les unissant toujours.
29- Nous soulignons.
30- Croyant éclairé, animé d’une piété douce et tolérante, Croismare incarnait sans doute, pour les philosophes, le « bon » chrétien, loin des manifestations de fanatisme et de superstition qu’ils s’étaient donné pour tâche de dénoncer et de combattre.
31- Jean 20, 29.
32- Diderot, Contes et romans, éd. M. Delon, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2004, p. 903. Diderot énumère les protagonistes du roman par lettres qui raconte la séduction de la vertueuse Clarisse par le libertin Lovelace, et s’achève sur la mort de l’héroïne et le chagrin spectaculaire de son amie, miss Howe. Succès foudroyant, le livre de Richardson inspira La Nouvelle Héloïse de Rousseau (1761) comme Les Liaisons dangereuses de Laclos (1782).
33- Tous, cependant, ne sont pas frappés, puisqu’il y a de « mauvaises mères » qui résistent (Mme Simonin, la mère Sainte-Christine) et qui ont les moyens d’entraîner autrui…
34- Roger Kempf la définit bien comme « femme-spectacle » (Diderot et le roman ou le Démon de la présence, Seuil, 1964, p. 167).
35- Avec cette différence qu’elle peut se mettre alors au service d’une apologie du genre.
36- Remarquons que c’est à Diderot que l’on doit les articles « Apparition » et « Fantôme » de l’Encyclopédie.
37- Nous soulignons. La question angoissée de la supérieure, quelques lignes plus loin (« Vous l’avez vue ? », p. 187), confirme l’assimilation de Suzanne non seulement au Christ, mais à Dieu lui-même ; si on veut lire cette scène de délire religieux du point de vue d’une satire philosophique blasphématoire, on peut aussi y voir un souvenir de Rabelais et de son évocation des « papimanes » dans le célèbre chapitre XLVIII du Quart Livre, où les sectateurs du pape lui rendent un culte qui le confond avec la divinité : « Dès qu’ils eurent rejoint notre navire, ils demandèrent tous ensemble à hauts cris : L’avez-vous vu, messieurs les voyageurs ? L’avez-vous vu ? » (Rabelais, Les Cinq Livres, éd. J. Céard, G. Defaux et M. Simonin, LGF, « La Pochothèque », 1994, p. 1117. Nous modernisons l’orthographe.). L’épisode parodie aussi l’Évangile de Jean.
38- « N’est-il pas vrai que personne n’a la même douceur ? comme elle marche ! Quelle décence ! Quelle noblesse ! » (p. 187). L’esthétisation de Suzanne est bien sûr indissociable de son assimilation au Christ (sur ce lien entre l’art et la religion, voir le Dossier, infra, p. 254 sq.).
39- Voir la réplique très racinienne « Je tremble, je frissonne, je suis comme un marbre… », dans la scène nocturne où la supérieure tente de s’immiscer dans le lit de Suzanne (p. 152).
40- Voir supra, p. II. Nous soulignons.
41- Nous reviendrons plus loin sur l’ambivalence de cette réaction, qui n’est pas seulement compatissante.
42- Contes et romans, op. cit., p. 908. Nous soulignons : ce soi-disant « ami » est probablement Diderot lui-même.
43- R. Kempf, Diderot et le roman ou le Démon de la présence, op. cit., p. 34.
44- Il les met aussi en scène, à l’instar de Dorval dans les Entretiens sur le Fils naturel.
45- Diderot, Salons de 1761 et 1763, op. cit., p. 158.
46- Voir J. Chouillet, Diderot, SEDES, 1977.
47- Diderot, Correspondance, op. cit., p. 40. Noter le possessif : « ma religieuse » – signe parmi d’autres de ce que Diderot se réapproprie ce qui était d’abord une création collective. Le passage au roman engage un transfert d’auctorialité.
48- Ibid., p. 221. Les « choses fortes » peuvent désigner à la fois les audaces philosophiques (celles des « esprits forts », formulation qui désigne à l’âge classique les penseurs affranchis de la tutelle de la religion) et les libertés de la représentation érotique. Elles recouvrent ainsi les deux sens du mot « libertin » à cette époque.
49- C’est ici le moment de remarquer que Diderot livre, entre 1780 et 1782, les deux romans coup sur coup à la Correspondance littéraire, et qu’il a tenu à ce qu’on les lise en regard l’un de l’autre.
50- Diderot, Salon de 1765, Hermann, 1984, p. 201.
51- Sous l’entrée « Génie » d’un article célèbre de l’Encyclopédie, Diderot écrit que « dans la chaleur de l’enthousiasme, il ne dispose ni de la nature ni de la suite de ses idées ; il est transporté dans la situation des personnages qu’il fait agir ; il a pris leur caractère » (Œuvres esthétiques, éd. P. Vernière, Classiques Garnier, 1994, p. 10).
52- C’est, là encore, la thèse du Paradoxe du comédien.
53- Le Discours sur la poésie dramatique date de 1758.
54- Cette capacité de Diderot à démystifier les manifestations de l’« âme sensible » a quelque chose à voir avec la lucidité du matérialiste qui écrit plaisamment à Damilaville, toujours en 1760 (le 3 novembre), qu’« il y a toujours un peu de testicule au fond de nos sentiments les plus sublimes »…
55- Nous nous permettons de reprendre l’écho au roman célèbre de Henry James, What Maisie knew, proposé naguère par V. Mylne, « What Suzanne knew : lesbianism and La Religieuse », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 208, 1982, p. 167-173.
56- A. Coudreuse, « Pour un nouveau lecteur : La Religieuse de Diderot et ses destinataires », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, no 27, 1999, p. 52-53.
57- Nous signalons l’essentiel de ces décalages dans les notes.
58- Sur le topos du couvent libertin, voir le Dossier, infra, p. 342 sq.
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