C’était un bon élève qui me donnait toute satisfaction. Quand il recevait une réprimande, il ne se révoltait jamais. C’était un enfant plutôt docile. »

À onze ans, Marcel obtenait son certificat d’études et quittait l’école. Ses parents lui cherchèrent une place. Un peu frêle pour entrer chez des étrangers, ce fut chez son oncle, M. Louis Bouyer, cultivateur à la Bonnière, à deux kilomètres de Landreau, qu’il débuta comme gardien de bestiaux. Bien sage, ni paresseux ni boudeur, son oncle le garda trois ans à son service et n’eut qu’à se féliciter de lui.

Après avoir travaillé dix mois dans sa famille, Marcel Redureau entrait en juin dernier comme domestique à la ferme Mabit, où il remplaçait son frère aîné qui partait au régiment. Ses gages annuels étaient de trois cent soixante francs.

« Il était si peureux, déclare son père, qu’il n’osait pas sortir le soir. »

Que s’est-il passé durant ces trois derniers mois pour que ce timide, ce doux, ce craintif se métamorphose en une brute ivre de sang ?

Dès la découverte du crime, on pensa que le vol en était le mobile. Dimanche dernier, M. Mabit avait encaissé trois mille francs, produit de la vente d’une partie de ses vendanges. La somme, qui était cependant à portée du meurtrier, a été retrouvée intacte. Marcel a donc (!) tué uniquement par vengeance.

Maintenant que la vision d’horreur du crime commence à s’estomper, les gens parlent et les langues se délient à Landreau comme au village du Bas-Briacé, et de ces on-dit se dégage une version inattendue.

Marcel Redureau n’aurait pas été insensible aux charmes naissants de Marie Dugast, la jeune bonne des fermiers. Comme lui, depuis trois mois, Marie était au service des époux Mabit.

Or on dit au hameau que, dans la journée du crime, Marcel Redureau aurait tenté d’abuser de la jeune domestique, qui avait quinze ans comme lui, et son geste lui aurait attiré une verte semonce de Mme Mabit. Le fermier aurait joint ses admonestations sévères et justifiées à celles de sa femme. Mais est-ce bien exact ?

Quoi qu’il en soit, la parole est maintenant à l’enquête judiciaire. M. Mallet, Juge d’instruction, chargé d’instruire le crime, a écrit au bâtonnier de l’ordre de Nantes pour lui demander de désigner un avocat pour assister Marcel Redureau. Me Abel Durand a été désigné par le bâtonnier.

Henry Barby. (Le Journal, samedi 4 octobre 1913.)

2° Le correspondant du Temps écrit à son journal :

Les obsèques des victimes du crime de Landreau ont été célébrées hier à trois heures, au milieu d’une assistance nombreuse. Le juge de paix a apposé les scellés dans la maison funèbre.

Le maire de Landreau a déclaré qu’il connaissait beaucoup Redureau et que rien n’indiquait chez ce jeune homme une telle prédisposition. Il n’était pas sournois, ni solitaire comme on se plaît maintenant à le prétendre. Il avait même des amis. Il ne buvait pas.

Depuis quelque temps cependant, Redureau s’était attiré quelques observations de la part de son patron. Peut-être ces observations l’ont-elles irrité au point de lui faire perdre la tête.

D’autre part, l’ancien maître d’école de Redureau déclare que celui-ci, quoique d’intelligence moyenne, était un bon élève, qui lui donnait toute satisfaction. Il a passé avec succès son certificat d’études. L’instituteur, lui aussi, a été très surpris par la nouvelle du crime.

Les médecins légistes déclarent avoir rarement rencontré un tel acharnement. Il leur est impossible de se rendre compte, sur certains cadavres, de l’ordre des coups et de leur nombre. Redureau a dû frapper cinquante ou soixante fois les sept personnes qu’il a tuées.

L’arme dont il s’est servi est une serpe à raisins mesurant cinquante centimètres. Le manche est plus long que la lame. Cette lame est recourbée comme un sabre turc et ressemble à un yatagan.

L’assassin a passé une nuit très calme à la prison de Nantes. N’ayant pas encore de défenseur, il ne sera probablement pas interrogé avant lundi.

(Le Temps, le 4 octobre 1913.)

3° Le Temps encore publie l’information suivante :

Notre correspondant de Nantes nous écrit :

Le bâtonnier de l’ordre des avocats a désigné Me Abel Durand comme défenseur de Marcel Redureau. Redureau tombe sous l’application des articles 66 et 67 du Code pénal, ainsi conçus :

Art. 66.