P. »
« Ah ! murmura Coloquinte... M. T. P. ! les trois lettres inscrites sur votre poitrine, monsieur Balthazar. »
Il prit un air détaché.
« Tiens, oui, en effet!... Drôle de corrélation! »
Vraiment il n'y avait pas là de quoi s'ébahir. Un promeneur se divertit à tracer sur une borne trois lettres dont on a la poitrine tatouée... Détail insignifiant... Petit bout de laine de la tapisserie...
Et il continua d'avancer d'un pas guilleret en fauchant avec sa canne des têtes de pissenlit et de moutarde sauvage.
Ils passèrent devant l'auberge où ils revirent, par une fenêtre ouverte, l'homme assis et qui buvait une consommation.
« Peut-être, nota Coloquinte, est-ce le même motif que nous qui l'attire. Il a donné rendez-vous à un camarade, et ils vont chercher le trésor. »
Balthazar déplia le plan topographique établi par son père. En vingt minutes, ils arrivèrent au rond-point « dont un orme touffu occupe le centre ».
Selon les instructions qui accompagnaient le plan, ils marchèrent à reculons, en suivant une certaine ligne. Balthazar, les mains sur les épaules de Coloquinte, l'entraînait avec la gravité croissante d'un monsieur qui poursuit une expérience de suggestion à l'état de veille. Des racines et des souches les faisaient trébucher. Deux fois ils tombèrent. Et soudain Balthazar, qui, pour rien au monde, n'eût consenti à tourner la tête, heurta du dos le tronc d'un arbre.
« Parfait, dit-il ému. Le programme s'exécute. »
Ils pivotèrent sur eux-mêmes comme des automates et filèrent à droite. Quatre cents pas plus loin, il devait y avoir un chêne creux, protégé par une plaque de zinc sous laquelle le trésor était caché.
Ils comptèrent quatre cents pas. Il n'y avait point de chêne.
Du coup ils lâchèrent pied. Balthazar proclama qu'il n'entendait rien à toutes ces idioties de roman policier et qu'il s'en félicitait.
« Cependant... observa Coloquinte.
— Flûte! Le trésor serait à deux pas de moi, que je ne bougerais pas. »
Il se coucha sur un tapis de mousse, et il se disposait à allumer sa pipe, lorsque Coloquinte lui saisit le bras vivement. Un bruit de paroles venait du rond-point. Ils s'aplatirent sous les feuillages, et ils avisèrent deux hommes qui marchaient à reculons, les mains de l'un sur les épaules de l'autre, exactement comme ils l'avaient fait eux-mêmes. L'un d'eux était l'homme au béret basque.
Celui-là, comme Balthazar, se cogna le dos au tronc d'un arbre. Mais, contrairement à Balthazar, il vira tout de suite sur la gauche ainsi que son camarade.
Cinq minutes plus tard, on entendait le bruit d'un marteau qui frappe une plaque de zinc.
« Il fallait tourner à gauche, dit la jeune fille. Ils vont s'emparer du portefeuille. »
Aucune puissance au monde n'eût induit Balthazar à s'y opposer. Mais les circonstances lui furent propices. Deux chevaux avançaient par une route qui traversait les bois à quelque distance. Des gendarmes apparurent. Le bruit du marteau avait cessé. Coloquinte se leva prudemment, puis appela Balthazar.
Dérangés dans leur besogne, les deux individus s'éloignaient sur la route à cent pas en avant des gendarmes.
« Dépêchons-nous, dit-elle, dans dix minutes, ils seront de retour. »
Elle courut et atteignit un chêne dont le tronc se divisait à hauteur d'homme, en trois branches maîtresses. Le creux ainsi formé était recouvert d'une plaque de zinc qui empêchait les eaux de croupir.
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