Puis, elle sonna pour dire à sa
femme de chambre, Mrs. Adams, de me montrer ma chambre.
Elle était si petite que, sans doute, ce devait
avoir été une cellule. Les murs étaient blanchis à la chaux, le lit était de
basin blanc. Il y avait un petit tapis rouge de chaque côté du lit et deux
chaises. Dans un retrait à côté se trouvait la table et les ustensiles de
toilette. Quelques versets de l’Écriture sainte étaient peints sur le mur en
face de mon lit, surmontant une gravure, très répandue à l’époque, représentant
le roi George et la reine Charlotte[2],
avec leurs nombreux enfants et, au-dessous, la petite princesse Amelia dans une
voiture d’enfant. De chaque côté, une autre petite gravure : à gauche
Louis XVI, à droite Marie-Antoinette. Sur la cheminée, un briquet et un Prayer
Book[3].
Je ne me rappelle pas qu’il y eût autre chose dans la chambre. À cette
époque, on ne rêvait pas de table à écrire, d’encrier, de sous-main, de
fauteuil et de je ne sais quoi encore. Nous étions habituées à n’aller dans nos
chambres que pour y faire notre toilette, dire nos prières et dormir.
Ensuite, on m’appela pour le souper. Je suivis la
jeune fille qu’on avait envoyée me chercher, jusqu’au bas de l’escalier aux
marches larges et douces qui aboutissait au grand hall où j’étais déjà passée
pour atteindre la chambre de Lady Ludlow. Il y avait là quatre autres
jeunes filles, toutes debout et silencieuses qui me firent la révérence à mon
entrée. Elles portaient une sorte d’uniforme : bonnets de mousseline
attachés autour de leurs têtes avec des rubans bleus, foulards également en
mousseline, tabliers de linon, et robes brunes. Elles étaient toutes groupées
ensemble à une petite distance de la table, où étaient posés deux poulets
froids, une salade et une tarte aux fruits. Une table ronde plus petite était
placée sous le dais, et supportait un pot à lait en argent et un petit pain. À
côté, se trouvait une chaise dont le dossier sculpté était surmonté d’une
couronne comtale. Je pensais qu’on allait m’adresser la parole. Mais elles
étaient intimidées et moi aussi ; peut-être y avait-il quelque autre
raison ; mais, enfin, une minute à peine après mon entrée dans le hall,
par la porte basse, Sa Seigneurie entra par une porte donnant directement sous
le dais. Nous nous inclinâmes toutes avec une profonde référence, moi suivant
l’exemple des autres. Elle s’arrêta, et promena un moment ses regards sur nous.
— Jeunes filles, dit-elle, faites bon
accueil, parmi vous, à Margaret Dawson.
Là-dessus, elles m’adressèrent la parole avec
toute l’amabilité due à une étrangère, mais sans sortir des banalités auxquelles
donnait lieu le repas. Quand il fut terminé, et que l’une de nous eut dit les
grâces, milady agita sa sonnette et l’on vint desservir. Puis, l’on apporta un
pupitre qu’on plaça sous le dais et toute la maisonnée étant assemblée, milady
appela une de nos compagnes pour lire les psaumes et les leçons du jour. Je me
rappelle combien j’aurais eu peur d’être à sa place. Il n’y eut pas de prières,
milady trouvait schismatique de prier en dehors de l’office et elle aurait
plutôt prêché elle-même un sermon dans l’église paroissiale que de permettre
des prières dites dans une maison privée par quelqu’un qui ne fût pas au moins
un doyen. Et encore, je ne suis pas sûre qu’elle l’aurait toléré.
Elle
avait été fille d’honneur de la reine Charlotte : c’était une Hanbury, de
cette grande vieille famille qui florissait au temps des Plantagenet[4] et l’héritière de
tout ce qui restait actuellement de ces grands domaines qui s’étendaient jadis
sur quatre comtés. Hanbury Court lui appartenait en propre. Elle avait épousé
lord Ludlow et, pendant de longues armées, l’avait suivi dans ses différentes
résidences, loin de sa demeure ancestrale. Elle avait perdu tous ses enfants,
sauf un, et la plupart étaient morts à des endroits différents : et je
crois pouvoir dire que cela avait contribué à la dégoûter des déplacements et à
augmenter son désir de retourner vivre à Hanbury Court, où elle avait été si
heureuse pendant sa jeunesse. Je crois que ç’avait été le meilleur temps de sa
vie ; car, maintenant, lorsque j’y réfléchis, beaucoup de ses opinions,
quand je la connus, pouvaient paraître singulières, mais prévalaient sans
conteste cinquante ans plus tôt. Par exemple, pendant mon séjour à Hanbury
Court, la campagne en faveur de l’éducation commençait. Mr. Raikes avait
fondé ses écoles du dimanche[5] ;
et un certain nombre d’ecclésiastiques étaient tout acquis à l’idée d’enseigner
l’écriture et l’arithmétique en même temps que la lecture.
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