– Je
deviens la maîtresse du prince. – Effort pour justifier ma mauvaise
vie. – Riches cadeaux du prince. – Il me donne un collier de
diamants. – Réflexions sur le penchant mauvais de la nature. – Je
suis enceinte. – Le prince assiste aux couches. – Idées révoltantes
sur le châtiment des crimes. – Retour à Paris après les couches. –
Découverte remarquable ; identité constatée. – Amy trouve son
ancien maître. – Elle lui raconte les peines de sa
maîtresse.
Un matin, Amy était en train de m’habiller, –
car j’avais alors deux servantes, et Amy était ma femme de
chambre.
« Chère madame, me dit-elle, eh
quoi ! n’êtes-vous pas encore enceinte ?
» – Non, Amy, lui dis-je, et il n’y
a aucun signe que je le sois.
» – Dieu, madame, reprit Amy, que
faites-vous donc ? À quoi bon être mariée depuis un an et
demi ? Je vous garantis que notre maître m’en aurait fait deux
pendant ce temps-là.
» – Possible, Amy, dis-je. S’il
essayait ? Voulez-vous ?
» – Non, répondit-elle. Vous me le
défendriez maintenant. Autrefois, je vous ai dit qu’il pourrait le
faire, et de tout mon cœur. Mais je ne veux pas, maintenant qu’il
est tout à vous.
» – Oh ! Amy, repris-je, je
donnerai volontiers mon consentement. Cela ne me fera rien du tout.
Mieux encore : je vous mettrai dans son lit moi-même une nuit
ou l’autre, si vous voulez.
» – Non, madame, non, dit Amy ;
non, pas maintenant qu’il est à vous.
» – Eh ! sotte que vous êtes,
ne vous ai-je pas dit que je vous mettrais dans son lit
moi-même ?
» – Ah ! ah ! dit Amy, si
vous me mettez dans son lit, c’est une autre affaire. Je crois que
je ne m’en relèverai pas de sitôt.
» – J’en courrai l’aventure, Amy,
lui dis-je ? »
Le même soir, après souper, et avant d’avoir
quitté la table, Amy étant à portée, je lui dis, à lui :
« Écoutez donc, M. ***,
savez-vous que vous devez coucher avec Amy, ce soir ?
» – Non, ma foi, répondit-il. Et, se
tournant vers Amy :
« Est-ce vrai ?
» – Non, monsieur, dit-elle.
» – Eh ! ne dites pas cela,
petite sotte ; ne vous ai-je pas promis de vous mettre dans
son lit ? »
Mais la fille répéta non, et cela passa.
Le soir, lorsque nous fûmes sur le point de
nous mettre au lit, Amy entra dans la chambre pour me déshabiller,
et son maître se glissa dans le lit le premier. Je me mis alors à
lui raconter tout ce qu’Amy m’avait dit sur ce que je n’étais pas
encore enceinte, tandis qu’elle aurait eu deux enfants depuis ce
temps-là.
« Ah ! Miss Amy, dit-il, je le crois
aussi. Venez ici, et nous allons essayer. »
Mais Amy ne bougea pas.
« Allez donc, sotte, lui dis-je. Qui vous
empêche ? Je vous en donne volontiers la permission, à tous
deux. »
Mais Amy ne voulait pas.
« Allons, catin, vous disiez que si je
vous mettais dans son lit, vous le voudriez de tout votre
cœur. »
Et en même temps, je la faisais asseoir, je
lui tirais ses bas et ses souliers, et tous ses vêtements, morceau
par morceau. Puis je la conduisis vers le lit.
« Voilà, dis-je. Essayez ce que vous
pouvez faire avec votre servante Amy. »
Elle fit quelque résistance, et elle ne
voulait pas d’abord me laisser lui enlever ses vêtements. Mais le
temps était chaud et elle n’était pas fort couverte ;
particulièrement, elle n’avait pas de corset. À la fin, quand elle
vit que c’était sérieux, elle me laissa faire ce que je voulais. Je
la mis donc nue, bel et bien, et ouvrant le lit, je la poussai
dedans.
Je n’ai pas besoin d’en dire davantage. Ceci
suffit pour convaincre tout le monde que je ne considérais pas cet
homme comme mon mari, que j’avais rejeté tout principe et toute
pudeur et réellement étouffé ma conscience.
Amy, je crois bien, commençait à se repentir,
et serait volontiers sortie du lit ; mais il lui
dit :
« Non, Amy ; vous voyez que c’est
votre maîtresse qui vous a mise ici ; c’est elle qui a tout
fait ; c’est à elle qu’il faudra vous en prendre. »
Et il la retint de force. La fille était nue
dans le lit avec lui ; il était trop tard pour reculer ;
elle resta donc tranquille, et le laissa faire d’elle ce qu’il
voulut.
Si je m’étais considérée comme une épouse,
vous ne pouvez pas supposer que j’eusse voulu laisser mon mari
coucher avec ma servante, et surtout sous mes yeux ; car je
restai près d’eux tout le temps. Mais, me regardant comme une
catin, je ne puis ne pas avouer qu’il y avait dans ma pensée une
sorte de résolution de faire que ma servante fût une catin aussi,
et n’eût pas la possibilité de me reprocher ce que j’étais.
Cependant Amy, moins vicieuse que moi, fut, le
lendemain matin, pleine de douleur et hors d’elle-même.
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