Fidèle au rendez-vous, elle attendait Joe.
De nouveau, le petit garçon la ramena chez lui. En chemin, il tira des plans pour gagner la cause de Lassie. Pour Joe, la marche à suivre était simple, il fallait faire ressortir la fidélité inlassable de la chienne : touchés par tant de dévouement ses parents finiraient par la garder. Mais Joe savait qu’il serait difficile de les persuader.
Suivi du chien, le petit garçon monta lentement l’allée et ouvrit la porte. Rien n’avait changé dans la maison. Sa mère préparait le repas du soir ; son père, assis devant le feu, était absorbé dans ses pensées – Sam avait coutume de méditer ainsi pendant des heures depuis qu’il était sans travail.
« Elle… Elle est revenue de nouveau », dit Joe. Mais tous les espoirs de l’enfant s’évanouirent dès que sa mère ouvrit la bouche.
« Non, non, non et non. Je n’en veux pas. Tu peux la ramener. Inutile de me supplier et de m’agacer. Tu vas la ramener immédiatement. À l’instant même. »
Les paroles de Mme Carraclough ne trahissaient nulle faiblesse et s’abattaient sur Joe comme une avalanche. Élevé sévèrement dans cette famille du Yorkshire à la bonté rude, l’enfant se permettait rarement de répondre à ses parents. Mais, cette fois, il sentait qu’il devait essayer, qu’il devait leur faire comprendre.
« Mais maman, juste un tout petit peu, je t’en prie. Laisse-moi la garder un petit moment ! »
Joe pensait que la présence de Lassie attendrirait ses parents ; peut-être la chienne le comprit-elle aussi : tandis que l’enfant parlait, elle entra et reprit sa place habituelle sur le tapis devant le feu ; elle se coucha, regardant tour à tour chacun des Carraclough dont la voix, d’ordinaire si calme, avait maintenant un ton rauque.
« Inutile, Joe. Plus tu la garderas, plus tu auras de peine à t’en séparer. Et il faut absolument qu’elle s’en aille !
— Mais, maman, papa, regardez, je vous en prie. Elle ne va pas bien, on ne la nourrit pas convenablement. Ne croyez-vous pas que… » Le père de Joe se leva et fit face à son fils. Le visage de Sam était impassible et résolu, mais sa voix était pleine de compréhension.
« Tu ne nous attendriras pas, cette fois, Joe, dit-il calmement. Tu vois, mon petit, c’est inutile. Il faudra emmener Lassie dès que nous aurons pris le thé.
— Non, vous allez la conduire tout de suite chez le duc, s’écria Mme Carraclough ; sinon ce Hynes va revenir, et je ne veux pas le voir entrer dans ma maison comme s’il était chez lui. Allons, mets ton chapeau et pars.
— Elle reviendra encore, maman. Ne vois-tu pas qu’elle reviendra ? Elle est à nous, cette bête… »
Joe s’arrêta, car sa mère se laissait tomber sur sa chaise avec lassitude. Mme Carraclough regarda son mari ; celui-ci approuva de la tête, donnant ainsi raison à son fils.
« Tu comprends, elle revient pour le petit, murmura-t-il.
— Je n’y peux rien, Sam. Il faut qu’elle s’en aille, dit lentement Mme Carraclough. Si elle revient pour l’enfant, emmène-le avec toi. Qu’il la conduise dans son chenil et lui dise d’y rester. Alors, s’il lui ordonne de ne pas s’échapper, peut-être comprendra-t-elle.
— Oui, tu as raison, dit l’homme. Prends ta casquette, Joe, et viens avec moi. »
D’un air malheureux, Joe prit sa casquette, et Sam siffla doucement.
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