Là elle prit un formulaire pour annonce et y écrivit d’une main ferme :

« SECRÉTAIRE

Une jeune dame de retour des colonies cherche un poste de secrétaire, de préférence logée. Prétentions modestes. Sténo et dactylographe. »

Elle laissa en blanc les numéros et lettres pour la réponse, porta la feuille au guichet des annonces, la paya et sortit.

De retour à sa chambre à l’heure du thé, ce fut la logeuse elle-même qui lui apporta son plateau.

– Miss Drummond, dit-elle, j’ai quelques mots à vous dire…

– Dites-les, répliqua froidement la jeune fille.

– J’ai besoin de votre chambre pour la semaine prochaine.

– Ce qui signifie que vous me mettez à la porte.

– Effectivement. Je ne peux recevoir dans ma maison que des personnes respectables, honorablement connues… comme je vous croyais…

– Continuez à le croire.

La logeuse ne se démonta pas.

– Ce serait difficile, dit-elle, maintenant que vous avez été en prison. Vous pensiez peut-être que je ne le savais pas… mais les journaux ont raconté vos beaux exploits.

– Je n’en doute pas. Eh bien ! je partirai la semaine prochaine.

– Je vous dirai aussi…

– Dites-le sur le palier, interrompit la jeune fille en ouvrant la porte à son interlocutrice indignée.

La nuit tombait. Thalia alluma une lampe et se mit en devoir de se manucurer avec le plus grand soin. Elle n’avait pas terminé lors de la distribution postale du soir. Sa logeuse lui monta une lettre.

– Vous feriez bien d’avertir vos correspondants de ne plus vous écrire ici, dit-elle en soufflant.

– Je ne leur ai jamais dit que je logeais dans un endroit aussi affreux, répliqua la jeune fille sans s’émouvoir.

Thalia referma la porte avant que la propriétaire ait pu trouver une réponse suffisamment acerbe.

Elle eut un sourire énigmatique en considérant sa lettre : l’adresse était en caractères d’imprimerie ; elle regarda le timbre postal avant de l’ouvrir, puis elle se décida et sortit de l’enveloppe une carte assez grande, épaisse et carrée. Son visage changea d’expression lorsqu’elle aperçut le large cercle rouge qui y figurait. À l’intérieur du cercle, toujours en caractères typographiques, se trouvait écrit :

« Nous avons besoin de vous. Montez dans l’auto qui vous attendra demain soir à 10 heures au coin de Steyne Square. »

Elle posa la carte sur la table et la considéra longuement.

Le Cercle Rouge avait besoin d’elle !

Elle s’attendait à cet appel, mais il arrivait un peu plus tôt qu’elle ne le prévoyait.

11

L’AVEU

À 9 h 57 le lendemain soir, une auto passa devant Steyne Square et stoppa au coin de Clarges Street. Quelques instants plus tard, Thalia Drummond sortit elle-même du square, portant un grand manteau noir et un petit chapeau sur lequel elle avait passé une légère écharpe nouée sous le menton.

Sans hésitation aucune, elle s’approcha, ouvrit la portière et entra dans la voiture. Il faisait nuit noire et elle devinait à peine la présence indistincte du chauffeur. Il ne détourna pas la tête. Le moteur continuait à ronronner doucement.

– Vous avez comparu hier devant le tribunal de simple police, dit le chauffeur sans préambule. Vous aviez volé une statuette en or. Hier soir, vous avez fait insérer une annonce affirmant que, récemment revenue des colonies, vous cherchez une place de secrétaire. Afin, sans doute, d’y poursuivre vos recherches d’objets d’art…

– Très intéressant, dit Thalia sans la moindre émotion, mais je suppose que vous ne m’avez pas convoquée pour me raconter ma vie. En recevant votre lettre, j’ai pensé que je pourrais faire l’affaire. Mais d’abord j’ai une question à vous poser.

– Je ne vous promets pas d’y répondre.

– Je comprends cela, dit-elle profitant de l’ombre pour sourire. Eh bien ! que serait-il arrivé si j’avais communiqué à la police votre convocation et si Mr Parr ou Mr Yale s’étaient tenus dans les environs ?

– Il ne serait rien arrivé du tout, dit l’homme en ricanant, car depuis un bon moment vous seriez étendue morte sur le trottoir, ma petite. Mais trêve de plaisanterie, miss Drummond : je viens vous offrir de gagner beaucoup d’argent avec plaisir et facilité. Je ne m’inquiète pas de savoir si vous continuez votre collection d’objets d’art : votre tâche principale sera de me servir… Compris ?

Thalia fit un signe affirmatif, puis, songeant que son interlocuteur ne pouvait la voir, elle répondit nettement :

– Oui.

– Vous serez très bien payée pour tout ce que vous ferez ou terriblement punie si vous essayiez jamais de me trahir. J’aurai toujours l’œil sur vous. Compris ?

– Parfaitement bien.

– Votre travail sera très simple, poursuivit le chauffeur. Vous vous présenterez demain à la banque Brabazon. Brabazon a besoin d’une secrétaire…

– Mais m’acceptera-t-il ? interrompit-elle. Dois-je me présenter sous un faux nom ?

– Gardez votre nom, fit l’homme avec impatience. Ne m’interrompez pas.