Sa grande scène de bal se situait au cinquième acte.
22- Le peintre, sculpteur et caricaturiste Honoré Daumier (1808-1879).
23- Le caricaturiste Paul Gavarni (1804-1866) qui est considéré par Gautier comme un artiste « complètement, exclusivement moderne » (La Presse, 2 juin 1845).
24- Le Freyschütz, opéra de Carl Maria von Weber, créé à Berlin en 1821 et à Paris en 1824, au théâtre de l’Odéon. Souvent repris, à l’Opéra-Comique en 1835, à l’Opéra de Paris en 1841 dans une version revue par Berlioz, et à la salle Ventadour en 1842. Gautier avait une admiration particulière pour cet opéra. Il cite souvent l’air d’Agathe (probablement celui de l’acte II) : « L’orchestre déchaîné peint le désordre de la nature violée dans ses lois par des maléfices sacrilèges. Sur ce fond ténébreux voltige comme une blanche colombe la phrase ailée, séraphique, divine, enivrée d’amour et de lumière, qui représente la pensée d’Agathe » (Le Moniteur universel, 17 décembre 1866).
25- Le compositeur Giacomo Meyerbeer (1791-1864), auteur de Robert le diable (1831) et des Huguenots (1836).
26- Le compositeur Félicien David (1810-1876), que Gautier admirait : « Il y a dans tous ces chants quelque chose de nocturne, de somnambulique, de vaporeux », écrit-il dans La Presse le 20 janvier 1845. David mit en musique quelques poèmes orientaux de Gautier.
27- Raymond-François-Léon Pillet (1803-1868), directeur de l’Opéra de Paris.
28- Auguste-Eugène Vatel, directeur du Théâtre-Italien.
29- La chaste nymphe Syrinx, réfugiée sur les rives du fleuve Ladon pour échapper aux ardeurs du dieu Pan, fut transformée en roseaux. D’où la flûte de Pan.
30- Dans le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, Puck change la tête de Bottom en tête d’âne.
31- Un mythe indien raconte que le dieu Ganesa eut la tête coupée par Shiva, puis remplacée par celle d’un éléphant.
32- Roue ou moulin activé par le mouvement humain, utilisée dans les prisons britanniques.
33- Il s’agit probablement de la statue de Daphné par Guillaume Coustou (1677-1746), aujourd’hui conservée au musée du Louvre.
34- La tour de Babel.
35- Giovanni Battista Piranesi (1720-1778), graveurs des Vues de Rome et des Prisons.
36- Un piano produit par la maison de Sébastien Érard (1752-1831).
37- « La cérémonie faite/chacun s’en fut coucher » (Malbrough s’en va-t-en guerre, chanson populaire qui remonte au xviiie siècle).
La Pipe d’opium
38- Ami de Gautier, l’homme de lettres Alphonse Karr (1808-1890) était rédacteur en chef du Figaro et de la revue satirique Les Guêpes.
39- Alphonse Esquiros (1812-1876) avait publié en 1838 le roman Le Magicien, dont le titre était devenu son surnom.
40- J. W. Goethe, Faust, chap. « Cabinet de travail ».
41- Charles Nodier avait imaginé la « mandragore qui chante » dans La Fée aux miettes en 1832.
42- Cette statue d’Isis en marbre noir et en albâtre, conservée au musée du Louvre, est l’œuvre de Antoine-Guillaume Grandjacquet (1731-1801), exécutée pour la Villa Borghese en 1779-1781. Elle fut acquise par Napoléon en 1807 et transportée à Paris en 1810.
43- La mezzo-soprano Maria Malibran, morte en 1836 à l’âge de vingt-huit ans.
44- Il s’agit sans doute d’une jeune femme appelée « la Cydalise », qui fut la maîtresse de Gautier avant de mourir en 1836.
45- À l’époque où il écrit La Pipe d’opium, Gautier ne connaissait pas encore Carlotta Grisi (1819-1899), la danseuse dont il sera plus tard amoureux. Dans un feuilleton de La Presse, le 10 décembre 1843, il opère pourtant un rapprochement a posteriori entre la danseuse et le personnage de La Pipe d’opium. Racontant une traversée en bateau pour se rendre à Londres, où Carlotta dansait La Péri, le deuxième ballet qu’il a écrit pour elle, il évoque la vision d’un pied sortant d’un plafond, qui rappelle celui de la nouvelle, même si le rêve auquel il appartient est attribué au hachich et non à l’opium. Puis il raconte un autre épisode où Carlotta Grisi est blessée par un clou lors d’une représentation en janvier 1843 : il découvre dans le pied réel de la danseuse l’incarnation du pied fantasmatique de la Carlotta imaginée en 1838.
Le Hachich
46- Le docteur Jacques Moreau de Tours (voir note 5, p. 55 et postface).
En attendant l’hallucination
Pourquoi prenait-on du hachich à l’hôtel Pimodan en 1845 ? La question fera sourire les usagers d’aujourd’hui, pour lesquels la réponse va de soi. Mais on n’a pas toujours consommé de la drogue pour les mêmes raisons, selon les mêmes aspirations ou les mêmes préjugés. Le groupe d’écrivains, artistes, médecins, qui se retrouvait à l’hôtel Pimodan à l’époque du Club des hachichins, ne cherchait pas dans la drogue la même chose que les hippies américains des années 1960. Ils ne poursuivaient pas un modèle de vie alternatif, mais une expérience qui devait enrichir leur réflexion sur la poésie et sur l’imagination.
Il faut se représenter ces réunions. Dans un superbe hôtel particulier de l’île Saint-Louis, 17, quai d’Anjou, construit au milieu du xviie siècle par le financier Gruÿn des Bordes, ayant appartenu au sulfureux duc de Lauzun, au marquis de Richelieu, puis aux Pimodan, étaient logés par le sympathique propriétaire d’alors, Jérôme Pichon, plusieurs artistes et poètes qui campaient en bohèmes parmi les boiseries dorées et les splendides peintures de style Louis XIV. Le principal appartement était occupé par Fernand Boissard de Boisdenier, un peintre qui pratiquait aussi la poésie et la musique ; Charles Baudelaire, toujours en train de déménager, y logea lui aussi assez longtemps, entre 1843 et 1845. Gautier y habitera plus tard, fin 1848.
En 1845, le médecin Jacques Moreau de Tours, élève du grand Esquirol, l’un des fondateurs de la psychiatrie en France, organise des séances chez Boissard pour faire l’expérience du hachich : y participent non seulement les locataires, mais aussi leurs amis écrivains : Honoré de Balzac, Alphonse Karr, Henri Monnier, les artistes Honoré Daumier, Ernest Meissonnier, Tony Johannot, James Pradier et peut-être même Eugène Delacroix. Depuis quelques années, Moreau de Tours, qui a voyagé en Orient, utilise le hachich, d’abord comme thérapeutique (ainsi que son collègue Louis-Rémy Aubert-Roche l’avait essayé), puis et surtout comme moyen d’investigation du fonctionnement psychique. Son idée est simple, mais capitale : sous l’effet de la drogue, l’homme entre dans un état second comparable à la folie, ce qui fait de lui, momentanément, un sujet idéal pour l’étude psychologique. Mais il y a plus : la folie artificielle et provisoire n’est pas seulement analogue à la folie pathologique et chronique, elle s’inscrit dans un continuum qui relie toute une série de phénomènes : le simple rêve nocturne, le délire du fiévreux, la vision du fanatique, l’hallucination du drogué, la crise du furieux, la maladie du maniaque. C’est pourquoi connaître l’un de ces états, c’est les connaître tous, ou du moins entrer dans le domaine inexploré de ce qui contredit la raison, mais peut néanmoins faire l’objet de son analyse : l’irrationnel constitue le nouvel objet, et le nouveau défi, de la raison arrivée à sa maturité. Les visions des mystiques ne sont plus des lubies ou des complots ; les délires des fous cessent d’être considérés comme des moments d’absence du sujet pensant ; les hallucinations de la drogue fournissent un matériel aussi précieux que les fantaisies analogiques des poètes : elles révèlent, elles aussi, une anti-logique dont on veut découvrir le fonctionnement.
Nous savons qu’entre l’automne 1845 et le printemps 1846, Moreau et Boissard organisèrent plusieurs séances hachichines à l’hôtel Pimodan ; grâce à quelques lettres, nous en connaissons trois dates certaines : le 3 novembre et le 22 décembre 1845, le 27 avril 1846. Le 27 octobre 1845, Gautier recevait une invitation de Boissard : « Mon cher Théophile, il se prend du hachich lundi prochain 3 novembre sous les auspices de Moreau de Tours et d’Aubert-Roche, veux-tu en être ? dans ce cas, arrive entre 5 et 6 h au plus tard. Tu prendras ta part d’un modeste dîner, et tu attendras l’hallucinationI. » Gautier donna sans doute une réponse positive et fit le lendemain la promenade dans l’île Saint-Louis par laquelle s’ouvre Le Club des hachichins. Ce n’était pas la première fois qu’il goûtait à la confiture verte : deux ans plus tôt il avait déjà rendu compte d’une expérience hachichine par un article dans La Presse du 10 juillet 1843. Il n’est pas attesté que Gautier ait goûté le hachich avant cette date. Toutefois, il est possible qu’il ait été initié dans le cadre des séances organisées depuis 1840 par Ajasson de Grandsagne, en présence d’Esquirol lui-même et d’un autre médecin aliéniste, Brierre de Boismont : Karr et Boissard étaient de la partieII. Un point est sûr : bien avant, il avait connu l’opium, dont il raconte les rêves dans La Pipe d’opium en 1838.
Pourquoi cet attrait de l’hallucination, promise par Moreau aux adeptes ? Pourquoi ce besoin, aussi, de réfléchir sur l’expérience visionnaire ? L’hallucination était un diagnostic nouveau.
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