—
Mais oui, tout à fait, c’est notre homme.
LE CONCIERGE. —
Vous voulez dire que c’est celui que vous attendez ?
PREMIER JOURNALISTE. —
C’est lui et personne d’autre.
LE CONCIERGE. —
Alors, comme ça, vous n’avez toujours pas découvert ce qu’elle a de remarquable, cette porte ?
PREMIER JOURNALISTE. —
Ce qu’elle a de remarquable, cette porte ? Ce qu’a de remarquable une petite porte en chêne, une petite porte tout à fait ordinaire à huit carreaux dont l’un vient d’être remplacé après une tentative d’évasion malheureuse, une porte avec une serrure peut-être un peu plus solide que la normale et une poignée en cuivre tout ce qu’il y a de plus banal — non, qu’est-ce qu’il peut bien y avoir de remarquable dans tout ça ?
LE CONCIERGE. —
Eh bien alors, je vais vous le dire, moi. Tenez, j’appuie sur ce bouton. Si vous voulez bien aller ouvrir la porte. Et maintenant, examinez bien les deux poignées. Comparez-les. Qu’est-ce que vous voyez ? Vous ne remarquez pas une certaine différence entre la poignée extérieure et la poignée intérieure ? Vous remarquez peut-être qu’alors que la poignée extérieure est usée, qu’elle est tachée, qu’elle porte des marques très nettes de mains et de doigts, la poignée intérieure est parfaitement lisse et brillante. On jurerait qu’elle est neuve. Mais non, voyez-vous, elle n’est pas neuve du tout. Elle est aussi ancienne que l’autre. Elle s’est toujours trouvée sur cette porte, en tout cas depuis que je suis ici.
SECOND JOURNALISTE. —
En effet, c’est curieux, c’est vraiment très curieux. Expliquez-nous un peu ça.
PREMIER JOURNALISTE. —
Attendez une seconde ! Je crois que je commence à comprendre. Maintenant, je vois ce que vous voulez dire. Quand nous vous avons demandé si c’était bien la sortie, vous nous avez dit que c’était l’entrée. C’est bien ce que vous nous avez dit ?
LE CONCIERGE. —
Si mes souvenirs sont exacts.
PREMIER JOURNALISTE. —
Vous avez été très étonné que nous puissions croire que quelqu’un allait sortir par là. Vous ne vouliez pas le croire.
LE CONCIERGE. —
Et je ne le veux toujours pas.
PREMIER JOURNALISTE. —
Vous savez, j’ai cru que vous disiez ça parce que c’était pour ainsi dire votre métier. Parce qu’il y a des maladies professionnelles qui prennent la forme d’un cynisme qui va en s’accentuant. Je vous dois des excuses d’avoir pu croire cela.
LE CONCIERGE. —
Je vous en prie. Vous savez, il y a des erreurs qui n’appellent pas d’excuses, parce qu’il serait indécent de deviner immédiatement la vérité.
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