Alors, tout d’un coup, il a fait une clarté aveuglante. Le soleil a fait son apparition dans le ciel. Les oiseaux se sont mis à chanter. Une longue file de voitures est passée à côté de moi. Les gens riaient par les fenêtres ouvertes. Une marchande de fleurs m’a mis cette rose-là dans la main. J’ai sorti le livre et j’ai lu sur la couverture : QUEL EST LE SENS DE LA MORT, OU : POURQUOI VIVONS-NOUS ?
LE CONCIERGE. —
Pourquoi vivons-nous ?
PETRUS. —
J’ai pensé à ce qui venait d’arriver. Qu’est-ce que cela signifie ? me suis-je demandé. Est-ce marcher dans le soleil, puis soudain dans l’obscurité et ensuite dans le soleil à nouveau ? Ou bien avoir peur comme je l’ai eu et puis, tout d’un coup, ne plus avoir peur ? Ou bien être sans cesse plongé dans la frayeur la plus profonde, puis en être libéré et pourtant savoir pendant tout ce temps qu’il est impossible d’être véritablement libéré, aussi bien de la frayeur que du calme ? A ce moment-là, il était six heures.
LE CONCIERGE. —
Et maintenant il est six heures et demie. Les prisonniers ont fini de manger. Les gardiens font le tour des cellules pour rechercher les plats, les cuillers et les quarts. Vous ne les entendez pas marcher au-dessus ?
PETRUS. —
Alors je me suis tout à coup trouvé devant la prison. Oui, parce que je sais fort bien quel endroit c’est, ici.
LE CONCIERGE. —
Vous le savez déjà !
PETRUS. —
Oh, un vieil avocat, qu’est-ce qu’un vieil avocat ne sait pas ? C’est un endroit pour les condamnés à mort, me suis-je dit, ne viennent ici que ceux qui sont sûrs de mourir. S’il y a un endroit au monde où l’on doit savoir, ou sinon savoir du moins avoir une réponse à me donner, c’est bien ici. Et je suis entré.
LE CONCIERGE. —
Je suis le concierge. Je suis chargé de ces portes-là. Quand quelqu’un frappe à la grosse porte d’entrée, j’appuie sur un bouton sur cette table-ci et celui qui veut entrer peut l’ouvrir. Ensuite, celui qui a frappé pénètre dans le hall et vient me trouver, parce que tout le monde est obligé de me parler pour pouvoir passer, et, pour celui qui veut poursuivre son chemin, j’appuie sur un autre bouton et la porte qui se trouve derrière moi s’ouvre. A celui qui veut entrer je dis : Par ici, si vous voulez bien vous donner la peine. La plupart du temps cependant, ce ne sont pas des gens qui veulent entrer mais qui y sont bien forcés. Pour ceux-là, c’est la même chose, je ne fais pas de différence. J’appuie sur le bouton de la grande porte d’entrée. J’appuie sur le bouton de cette porte-ci.
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