Et je dis : Par ici, si vous voulez bien vous donner la peine. Je suis le concierge, c’est tout. Je sais tout de ces deux portes-là mais je ne sais rien sur quoi que ce soit d’autre. Ne m’interrogez pas sur autre chose. Qu’est-ce que vous voulez que je vous réponde ?
PETRUS. —
Mais vous n’êtes quand même pas assis tout le temps à cet endroit-là ? Vous ne mangez pas ici, vous ne dormez pas ici, il faut quand même bien que vous viviez quelque part ailleurs !
LE CONCIERGE. —
Je reste ici jusqu’à minuit. Alors je ferme cette table à clé pour que personne ne puisse se servir des boutons, je sors dans la rue, je marche dans celle-ci et dans quelques autres pendant un moment et puis je rentre pour retrouver mon lit, dans un cagibi, je me laisse tomber sur le lit et je m’endors immédiatement, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, que ce soit l’hiver ou l’été, que quelqu’un soit mort ici pendant la journée ou bien que tous aient survécu.
PETRUS. —
Alors, je vais attendre jusqu’à minuit.
LE CONCIERGE. —
Pour quoi faire ?
PETRUS. —
Je peux aussi bien attendre qu’autre chose. Je peux aussi bien vous attendre, vous, que n’attendre personne.
LE CONCIERGE. —
Eh bien alors, asseyez-vous sur ce banc. En fait, ce n’est pas autorisé, mais puisque vous insistez. Mais il ne fait pas chaud ici.
PETRUS. —
Je n’ai pas froid.
LE CONCIERGE. —
Mais, quoi qu’il puisse se passer ici ce soir, il ne faudra rien dire ! Vous me le promettez ?
PETRUS. —
Je vous le promets.
(Il ouvre son livre. A ce moment, on frappe à la porte. Entrent deux journalistes.)
LE CONCIERGE. —
Oui, vous désirez ?
PREMIER JOURNALISTE. —
Eh bien, nous devons rencontrer ici, ce soir, un condamné à mort, ou plutôt : un ancien condamné à mort. Il s’appelle Vilhelm Streng. C’est un petit homme brun dans les quarante ans.
LE CONCIERGE. —
Les condamnés à mort, ce n’est pas ce qui manque ici. Impossible de savoir qui vous voulez dire si vous ne me le décrivez pas un peu mieux que ça. Le nom ne me dit rien, ici les noms ne disent jamais rien. Si vous pouviez me dire son numéro ce serait différent, parce qu’ici on a des numéros, pour savoir à qui c’est le tour.
PREMIER JOURNALISTE. —
Alors, comme ça, vous n’avez pas lu les journaux du soir ?
LE CONCIERGE. —
Et qu’est-ce qu’il y a dans les journaux du soir ?
SECOND JOURNALISTE.
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