Une grande attention doit être portée à sa parfaite exécution ; des conséquences déplorables et fâcheuses peuvent survenir si ce n’est pas le cas. Il y a fort longtemps, un homme perdit la vie dans un duel.

Cette manie des duels est un vilain défaut

De la haute société et je souhaite ardemment

De ma vie ne jamais séjourner trop longtemps

Dans ce type de pays où il est convenant

D’étriper un rival comme on vide un poisson,

De couper le mari d’une belle en rondelles,

Ou bien sur un débiteur en difficulté

Déjà tout résigné de finir à la morgue,

De décharger incontinent son pistolet.

Beaux sires que voilà, je brûle de vous avoir

Au bout d’une arme à feu ou d’une bonne rapière

Bien effilée pour vous apprendre un peu à vivre

Et à vous inculquer quelques bonnes manières

Je les vois, ces coquins, cette foule de coquins,

C’est comme s’il arrivaient ici pour me défier,

Crânement, musique en tête et bannières flottantes !

Xamba Q. Dar.

E

E

Eau de riz n. Boisson mystérieuse(1) secrètement utilisée par nos plus populaires poètes et romanciers pour régler l’imagination et anesthésier la conscience. Elle est réputée pour être riche à la fois en crétinite et en léthargine ; elle est élaborée les nuits de brouillard par une grosse sorcière du Marais Lugubre.

Ecouter aux portes v. Accéder secrètement au catalogue des vices et des crimes d’un autre que vous-même.

Une femme écoutait, l’une de ses oreilles

Collée au trou de la serrure, les confidences

De deux autres commères qui se croyaient toutes seules.

Elle faisait quant à elle les frais du bavardage.

« Je pense, » disait l’une, « et mon mari aussi,

Que ce n’est qu’une peste curieuse et indiscrète ! »

L’intéressée, sans en entendre davantage

Retira son oreille avec indignation.

« Je ne vais pas rester, » dit-elle dans une moue,

« Pour entendre parler de ma propre personne ! »

Gopete Sherany.

Ecrevisse n. Petit crustacé qui ressemble au homard, en plus indigeste.

Je tiens ce petit habitant aquatique pour un parfait symbole de l’expression de la sagesse humaine ; car à l’instar de l’écrevisse qui ne se meut qu’à reculons, et n’est capable que d’un examen rétrospectif, ne voyant rien d’autre que les dangers déjà passés, de même l’esprit humain est incapable d’éviter les folies qui jalonnent l’existence, mais seulement d’en reconnaître a posteriori la nature.

Sir James Merivale.

Ecrivailleur n. Ecrivain professionnel dont les vues ne s’accordent pas avec les nôtres.

Ecrouelles n. Maladie qui était miraculeusement guérie par l’attouchement du souverain, et qui doit aujourd’hui être traitée par les médecins. Ainsi “le très pieux Edouard” d’Angleterre avait l’habitude d’étendre sa main royale sur ses sujets malades –

une foule de misérables,

Qui attendent de lui guérison : leur maladie défie

La meilleure maîtrise de l’art ; mais à son toucher,

Car telle est la vertu que le Ciel a donnée à sa main,

Ils sont guéris sur le champ.

comme le dit le Docteur dans Macbeth. Cette utile propriété de la main royale avait la faculté, semble-t-il, d’être transmise avec les autres possessions princières ; si l’on s’en réfère à Malcolm,

il est dit

Qu’il laissera à la royale succession

La bénédiction de guérir.

Mais le don à un certain moment dut s’échapper de la ligne de succession : les derniers souverains d’Angleterre ne sont plus des guérisseurs tactiles, et le mal que l’on saluait autrefois du nom de “mal du roi” porte lui-même différents vices ; individu qui manipule les éclairs fracassants et les coups de tonnerre du blâme jusqu’à évoquer les crépitements des petits pétards de carnaval ; et qui s’adonne ensuite à de doux et murmurants propos, mélodieux comme le beuglement d’un âne saluant à sa façon l’étoile du berger. Maître des solennités et prince de la loi, porté aux nues sur le trône de la pensée, la figure baignée des sombres splendeurs de la Transfiguration, les jambes croisées et la morgue aux lèvres, l’éditeur répand ce qu’il veut bien sur du papier, et coupe quand il lui plaît d’adapter. Et, à intervalles réguliers, de derrière le voile du temple, se fait entendre l’auguste voix demandant trois pouces d’esprit et six lignes de sainte méditation, ou ordonnant qu’il lui soit livré une mesure de sagesse ou un boisseau de sentimentalité.

O, le Seigneur de la Loi sur le Trône de la Pensée,

N’est qu’un imposteur doré.

De lambeaux et de pièces ses tuniques sont faites,

Sa couronne est en laiton,

Lui-même n’est qu’un sot,

Et sa puissance n’est que de la zézette.

Vieux coq bariolé il babille,

Stupide plumitif déguisé en Monarque.

Démagogique absolument,

Tonnant, tâtonnant, pillant en liberté,

Précieux

Disgracieux,

Douteux

Impudent,

Mais respecté de tous !

J. H. Bumbleshook

Education n. Ce qui révèle, dans les manières et les façons d’un imbécile, son manque d’intelligence.

Effet n. Le second de deux phénomènes qui apparaissent toujours ensemble et dans le même ordre. Le premier, appelé cause, est censé générer l’autre – ce qui n’est pas mieux démontré que par cette personne qui, n’ayant jamais vu de chien auparavant que dans la poursuite d’un lapin, déclare que le lapin est la cause du chien.

Egoïste adj. Dénué de respect pour l’égoïsme des autres.

Egotiste n. Personne de goût médiocre, plus intéressée par elle-même que par moi.

Megaceph, élu pour servir l’Etat

Dans son institution législative,

Se présenta un jour à l’Assemblée.

A la réception l’huissier regarda
L’éminent égotiste et, soupirant,
Avec une grimace, lui déclara :
« Allez vous-en, nous débattons ici
De sujets ardus, de questions complexes.
Et l’Assemblée ne peut pas se permettre,
Quand sur une question, le Président
Demande à chaque élu sa position
Résumée par les termes “oui” ou “non”,
Qu’il y ait une personne pour voter : “moi”. »

Electeur n. Personne qui apprécie le distingué privilège de voter pour l’homme du choix d’un autre homme.

Electricité n. Pouvoir qui est la cause de tous les phénomènes naturels qui ne sont pas notablement produits par autre chose. La foudre fait partie des manifestations de l’électricité, et sa fameuse tentative pour frapper le Docteur Franklin est l’un des pittoresques incidents qui ont marqué la carrière de cet excellent homme. La mémoire du Docteur Franklin est à juste titre l’objet d’une grande considération, particulièrement en France où une représentation en cire fut récemment présentée, accompagnée de ce touchant résumé de sa vie et sa contribution à la science :

« Monsieur Franklin, inventeur de l’électricité.

Cet illustre savant, après avoir effectué de nombreux voyages autour du monde, mourut aux îles Sandwich où il fut dévoré par les sauvages, ce qui fait qu’on ne retrouva jamais de lui aucun fragment. »

L’Electricité semble devoir prendre une place importante dans l’art et l’industrie. Avec certaines applications, la question de sa rentabilité est encore incertaine, mais l’expérience a déjà prouvé qu’elle est plus efficace pour tirer une voiture qu’un réverbère à gaz, et qu’elle donne plus de lumière qu’un cheval.

Elégie n. Composition versifiée dans laquelle, en excluant toute forme d’humour, l’auteur tente de transmettre à l’esprit du lecteur l’expression de la plus affligeante tristesse. Un exemple parmi les meilleurs commence à peu près comme ceci :

Un chien perdu sonnait le glas de la journée qui tombe ;

Les troupeaux erraient lentement sur la lande désertée ;

Pesamment le vieillard rentrait chez lui ; et quant à moi,

Je perd mon temps à versifier des niaiseries poétiques.

Eloges n.p. Tribut que nous payons à des résultats qui, s’ils n’égalent pas les nôtres, leur ressemblent cependant.

Eloquence n. Art de convaincre les imbéciles par la parole de ce que le cheval blanc d’Henri IV est effectivement blanc. Cela inclut le talent de prouver que le cheval blanc est également de n’importe quelle autre couleur.

Elysée n. Imaginaire pays de délices où les anciens croyaient dans leur stupidité que résident les âmes des hommes de bien. Cette dangereuse et ridicule assertion a heureusement été balayée de la face du monde par les premiers Chrétiens – bénis soient-ils au Royaume des Cieux !

Emancipation n. Changement de tutelle de la tyrannie d’autrui au despotisme de soi-même.

Esclave était-il : écrasé de servitude,

Et le collier de fer lui fouaillant la chair.

La Liberté effaça le nom de son maître,

Resserra les rivets et inscrivit le sien.

G.J.

Embaumer n. Léser la végétation en bloquant le processus de fermentation dont elle se nourrit. En embaumant leurs morts et par là en dérangeant la balance naturelle entre la vie animale et la vie végétale, les Egyptiens firent de leur pays fertile et surpeuplé une pauvre terre incapable de supporter sa maigre population. Le cercueil métallique moderne est un pas dans la même pernicieuse direction, et nombre d’individus qui devraient aujourd’hui orner la pelouse du voisin sous la forme d’un arbre, ou enrichir sa table d’une botte de radis, sont voués à une longue inutilité. Ce n’est que partie remise, mais en attendant, les roses et les violettes se languissent d’une petite bouchée de gluteus maximus !

Emeute n. Divertissement populaire donné pour des militaires par des spectateurs innocents.

Emotion n. Etat de prostration causé par une emprise du cœur sur la tête. S’accompagne quelquefois d’une copieuse décharge de chlorure de sodium hydraté dans les yeux.

Empaler v. Dans l’usage populaire, percer avec une arme qui demeure fichée dans la plaie. Le véritable sens est un peu différent ; empaler signifie très exactement envoyer à la mort en enfonçant un pieu aiguisé dans le corps, la victime étant maintenue dans une position assise. Ce fut un type de supplice assez répandu dans de nombreuses civilisations de l’antiquité, et il est encore très en faveur en Chine et dans d’autres parties de l’Asie. Au cours du XVe siècle, il fut d’une importance prépondérante pour ramener à la foi les hérétiques et les schismatiques. Wolcraft l’appelait la “chaise du repentir”, et la populace disait avec humour qu’il faisait “chevaucher le cheval à une jambe”. Ludwig Salzmann nous informe qu’au Tibet, l’empalement est considéré comme le châtiment le plus approprié pour les crimes contre la religion ; et bien qu’en Chine il soit employé pour des affaires ordinaires, il est néanmoins très prisé dans les cas de sacrilèges. En fait, il importe assez peu à la personne qui expérimente dans l’inconfort le processus d’empalement que la sentence soit d’ordre civil ou religieux ; mais sans nul doute il ne se défendrait pas d’une certaine fierté, s’il lui était loisible de se contempler lui-même dans la posture du coq ornant la flèche de la Véritable Eglise.

Encre n. Vil composé de tanin, de noir de fumée, de gomme arabique et d’eau, principalement utilisé pour faciliter la contagion de la bêtise et promouvoir le crime intellectuel. Les propriétés de l’encre sont particulières et contradictoires : elle peut faire des réputations et les défaire ; elle peut les noircir et les blanchir ; mais elle est surtout largement utilisée en guise de mortier pour lier les pierres d’un monument à la gloire de quelqu’un, puis en guise de badigeon pour cacher la mauvaise qualité des matériaux de base.