La peine de mort n’est pas valable tant qu’elle n’a pas été signée par le meurtrier.
LE TERRIEN : Non attendez, vous poussez un peu trop loin. Ce n’est pas aussi systématique.
LE MARTIEN : Mais ce système qui demande une importante machine judiciaire pour ne censurer la validité des lois que longtemps après qu’elles aient été mises en application, et seulement quand elles sont portées devant la Cour par des personnes privées – est-ce que cela ne crée pas une grande confusion ?
LE TERRIEN : Oui, en effet.
LE MARTIEN : Alors pourquoi est-ce que vos lois, avant d’être mises en application, ne sont pas validées, non pas par la signature de votre Président, mais par celle du Président de la Cour Suprême ?
LE TERRIEN : Il n’y a pas de précédent à une telle éventualité.
LE MARTIEN : Précédent. Qu’est-ce que c’est ?
LE TERRIEN : Il y a eu une définition faite par cinq cents légistes qui ont écrit trois volumes chacun. Comment voulez-vous le savoir ?
Exhorter v. Dans le sens religieux, passer la conscience d’autrui à la broche et la faire rissoler sur les charbons de la honte.
Exilé n. Personne qui sert son pays en résidant à l’étranger, sans être pour autant ambassadeur.
Un capitaine Anglais à qui l’on avait demandé s’il avait lu “L’Exil d’Erin,” répondit : « Non, Monsieur, mais j’y ferais volontiers escale. » Des années plus tard, alors qu’on venait de le pendre pour piraterie après une carrière d’inégalables atrocités, cette note fut trouvée sur le journal de bord qu’il tenait à l’époque de sa réponse :
« 3 août 1842. Plaisanterie à propos de l’ex-Ile d’Erin. Froidement reçue. Guerre au monde entier ! »
Existence n.
Un rêve fugitif, horrible et fantastique
Où rien en vérité n’est ce qu’il paraît être :
D’où l’on s’éveille secoué par une bourrade
De la Camarde et par un cri : « O la bonne blague ! »(3)
Expectative n. Perspective généralement médiocre. Espoir généralement défendu.
Soufflez, soufflez, vents épicés –
Sur Ceylan portez votre haleine,
Où l’on affirme que sont ouvertes
Toutes les formes d’expectatives,
N’en laissez d’autre que la mort.
Evêque Sheber.
Expérience n. Lucidité qui nous permet de reconnaître comme une fâcheuse vieille connaissance la folie que nous venons de commettre.
A celui qui, errant à travers la brume et la nuit
Dans un putride marécage, tout recouvert de boue,
L’Expérience, telle l’aube qui point, vient lui révéler
Chaque trou d’eau dans lequel il n’est pas encore tombé.
Joel Frad Bink.
Expulsion n. Excellent remède pour la maladie de péroraison. Egalement efficace dans les cas de pauvreté extrême.
1 L’eau de riz était une préparation médicale utilisée pour soigner l’entérite
2 Byron s’était rallié en 1823 aux combattants grecs contre la domination turque, il mourut l’année suivante de fièvres dans le petit port du golfe de Patras.
3 Allusion évidente aux mots amers de Macbeth :
« La vie n’est qu’un fantôme errant ; un pauvre comédien
Qui s’agite et se débat une heure sur la scène,
Et puis qu’on n’entend plus ; ce n’est qu’un récit
Fait par un idiot, plein de bruit et de fureur,
Qui ne signifie rien. »
F

Fâcheusement adv. D’une manière peu prometteuse, les auspices n’étant pas très favorables. Au temps des Romains, il était courant, avant d’entreprendre une action ou une entreprise importante, de demander aux augures ou aux prophètes d’Etat un avis sur son probable déroulement ; et le mode de divination qu’ils préféraient et qui leur inspirait le plus de confiance consistait à observer le vol des oiseaux – les augures qui en découlaient étant appelés auspices. Ce mot – toujours au pluriel – selon des journalistes et certains lexicographes mécréants, signifie aujourd’hui “patronage” ou “direction” ; comme dans les phrases « Les festivités furent organisées sous les auspices de L’honorable et Antique Ordre des Voleurs-de-Cadavres » ; ou, « Les rires fusèrent sous les auspices des Chevaliers de la Faim. »
Un jour, un esclave romain
Se présenta devant l’Augure.
« Peux-tu me dire, s’il te plaît, si – »
Mais déjà l’Augure avait fait
Un geste vif pour l’arrêter,
Et, souriant, déployé une main
Que des crispations agitaient.
Un denarius (monnaie latine)
Soigna le mal avec succès,
Alors l’esclave reprit : « Dis-moi,
S’il te plaît le choix du Destin,
Echec ou succès, de ce que
Je compte entreprendre ce soir.
Ce que c’est ? Sans importance –
Je voudrais avant tout savoir
Quel en est l’augure » – et tirant,
Dans un clin d’œil qui fit passer
Une ombre dans le ciel, un autre
Etincelant denarius,
Le glissa dans les mains expertes
De l’autre, qui lui murmura :
« Attends, tandis que j’interroge
Le Destin. » Alors le saint homme
Se releva et franchissant
La porte de l’arrière du temple
Cria « Hou hou ! » en agitant
Sa robe de cérémonie.
Aussitôt les couples sacrés
Des paons s’envolèrent en criant
Des branches où ils s’étaient perchés.
Sur le toit du temple, ils finirent
Par aller se poser ensemble,
Après quelques détours prudents
Pour examiner le danger.
Revenu à l’esclave, l’Augure
Lui dit : « Mon fils, l’estimation
Donnée par le vol des oiseaux
Va vers de fâcheux auspices. »
L’esclave se retira, déçu,
Abandonnant son plan secret –
Qui était (le rusé prophète
L’avait deviné) de sauter
La muraille et de se saisir
De l’un des oiseaux de Junon !
G.J.
Faiblesses n.p. Pouvoirs primitifs et indiscutables de la Tyrannie Féminine, à travers lesquels elle exerce une domination sur le mâle de son espèce, le contraignant au service de sa volonté et paralysant ses tentatives de rébellion.
Faire appel v. En termes de justice, demander que l’on remettre les dés dans le cornet pour un nouveau lancer.
Faire la critique d’un livre v.
Mettre votre intelligence (consistante sans aucun doute,
Quoique dans la vérité il n’y ait ni chair ni os)
A l’œuvre sur un livre – et si vous lisez à voix haute,
Vos propres capacités soudain se liront d’elles-mêmes.
Faire plaisir v. Poser les fondations d’une structure de contrainte.
Fantôme n. Signe extérieur évident d’une frayeur interne.
Il vit un fantôme.
En bordure – vision épouvantable ! –
Du chemin qu’il poursuivait.
Le temps de réagir,
Un tremblement soudain
Lui ôta l’usage de l’œil
Qui voyait le fantôme.
Il tomba comme tombent
Les bonnes intentions ;
Paralysé par la vision terrible.
D’un geste il balaya
De ses yeux les étoiles, et puis,
Il vit un poteau.
Jared Macphester.
Rendant compte du comportement singulier des fantômes, Heine mentionne l’ingénieuse théorie d’un individu qui soutient qu’ils sont aussi effrayés par nous-mêmes que nous le sommes par eux. Ce qui semble être peu probable, si j’en crois les tableaux de vitesses comparées qu’il m’a été possible d’établir à partir de mes propres expériences.
Il existe un sérieux obstacle à la croyance dans les fantômes. Un fantôme ne se montre jamais nu : il apparaît revêtu d’un suaire, ou “dans ses habits ordinaires”. Croire en lui, dès lors, revient à croire que la mort n’a pas seulement le pouvoir de les rendre visibles quand il ne reste plus rien d’eux, mais que le même pouvoir est étendu aux fabrications textiles. Supposant que les produits du métier à tisser aient ce pouvoir, comment objecter qu’ils ne soient pas tentés de l’utiliser ? Et pourquoi ne voit-on jamais se promener un costume sans fantôme dedans ? C’est une objection qu’il est difficile d’écarter, et qui n’est pas sans mettre en doute les fondements mêmes d’une conviction pourtant florissante.
Fée n. Créature douée d’accessoires et de pouvoirs variés, qui habitait autrefois dans les taillis et les forêts. D’habitudes plutôt nocturnes, elle s’adonnait aussi à la danse et au vol des petits enfants. Les observateurs supposent que la race des fées est maintenant éteinte, mais trois d’entre elles furent aperçues en 1855 près de Colchester par un prêtre anglican, qui traversait un parc après avoir dîné chez le seigneur du manoir. Cette vision le commotionna, et il demeura trop ébranlé pour être en mesure de faire une relation vraiment cohérente de son aventure. En 1807, une assemblée de fées qui rôdait dans une forêt près d’Aix enleva la fille d’un paysan, que l’on avait vue entrer dans les bois avec un paquet de vêtements. Le fils d’un riche bourgeois disparut à peu près à la même période, mais revint par la suite. Il avait assisté à l’enlèvement et lui-même avait été poursuivi. Justinien Gaux, écrivain du XIVe siècle, affirme que le pouvoir de transformation des fées est tel qu’il en vit une se changer en deux armées ennemies et engager une bataille si sanglante que, le lendemain, après qu’elle eut recouvré son aspect d’origine et se fut enfuie, il resta sept cents cadavres sur le terrain, que les villageois se virent contraints d’enterrer. Il ne mentionne pas ce qu’il advint des blessés. A l’époque d’Henri III d’Angleterre, une loi fut promulguée qui menaçait de mort toute personne qui aurait “Occis, estropié ou molesté” une fée, et cette loi fut scrupuleusement respectée.
Félicitations n.p. Politesse de la jalousie.
Félon n. Personne dont la besogne est plus grande que la discrétion, et qui, en embrassant une cause plutôt qu’une autre, n’a pas fait un choix très heureux.
Femme n. Personne du sexe opposé, ou sexe ferme.
Le Créateur, quand il eut fait la Terre,
La recouvrit d’êtres vivants.
Du serpent au mulot, et jusqu’à l’éléphant,
Tous étaient bons, car tous étaient mâles.
Survint le Diable qui lui dit :
« S’ils suivent Ta loi indéfectible
De croissance, vie et trépas,
Ils vont tôt ou tard disparaître,
Et la planète redeviendra inhabitée
Si Tu n’introduis pas quelque reproduction » –
Puis détournant la tête dans son aile,
— Il n’avait pas de cape – il ricana
En aparté de la suggestion
Qu’il venait de faire au Père Tout-Puissant.
Ce dernier réfléchit longuement,
Secoua et lança les dés
Avec lesquels tout ici-bas
Se voit pesé et décidé ;
Enfin, penchant gravement le front,
Il entérina le décret du destin.
A nouveau de toutes parts sur la terre
La native poussière vola,
Les rivières jaillirent de leurs lits,
Et se mêlèrent en une pâte.
Quand il en eut assez (juste suffisamment,
Car la Nature est économe de ses biens)
Dieu se mit à pétrir l’argile,
Tandis que le Malin,
Subrepticement, en rejetait un peu.
Toutes les formes furent modelées
Dans leurs moindres détails,
Ebauches tout d’abord, et puis, par petites touches,
De plus en plus précises, enfin parachevées,
Jusqu’à l’entière confection
Du double de chaque créature,
Double femelle au grand complet
Sauf (plus d’argile, tout à coup !) le cœur.
« Pas de problème », dit Satan ; « je reviens
Sur l’heure avec les pièces nécessaires » –
Sitôt parti, il était de retour
Avec dans sa besace le nombre suffisant.
Cette nuit-là la Terre
Retentit du vacarme des cris et des disputes –
Dix millions d’êtres mâles étaient dotés de femmes.
Cette nuit-là la Paix,
Chassée, meurtrie, survola par hasard l’Enfer –
Dix millions de démons gisaient le torse ouvert !
G.J.
Fête n. Célébration. Une fête religieuse se distingue généralement par un abus de nourriture et de boissons, assez souvent en l’honneur de quelque saint personnage qui s’était distingué par son ascétisme. Dans l’Eglise Catholique, les fêtes sont dites “mobiles” ou “immobiles”, mais les célébrants sont invariablement immobiles jusqu’à l’indigestion. Dans leurs premières manifestations, ces divertissements avaient pour prétexte les fêtes pour les morts ; il en était ainsi chez les Grecs, lors des Nemeseia, chez les Aztèques et les Péruviens, et il en est encore de même chez les Chinois ; alors que l’on aurait pu penser que les anciens morts, comme les modernes, était plutôt frugaux. Il y avait enfin, parmi les nombreuses célébrations des Romains, les Novendiales qui étaient célébrées, si l’on en croit Tite-Live, à chaque fois que des pierres tombaient du ciel.
Fiancé p.p. Par un anneau à la cheville, relié à une chaîne et à un boulet.
Fiancée n. Jeune personne qui a une belle perspective de bonheur derrière elle.
Fidélité n. Vertu particulière de ceux qui ne sont pas loin d’être trompés.
Fin n. Prise ultime de l’une ou l’autre main sur la Grande Falaise.
L’homme qui jouait du tambourin
S’affaiblissait de plus en plus :
Sur son visage pâle et blême
La mort avait posé son sceau.
« C’est la fin », dit l’homme expirant
Les doigts sans force sur l’instrument.
Et dans l’instant il était mort,
Et le tambourin en poussière.
Tinley Roquot.
Finance n. L’art ou la science de gérer des revenus ou des ressources, dans le meilleur des intérêts du gérant. La prononciation de ce mot avec un “i” prolongé et l’accent tonique sur la première syllabe est l’une des plus grandes et des plus précieuse découvertes de L’Amérique.
Fléau n. Dans les temps anciens, punition générale de tous les innocents en guise d’avertissement pour celui qui les gouverne, comme dans l’exemple bien connu de Pharaon le Rescapé. Aujourd’hui, le type de fléau que nous avons le bonheur de connaître se résume en des manifestations fortuites de la Nature, désagréables, mais démunies d’intentions.
Flibustier n. Sorte de conquérant dans une branche commerciale particulière, dont les annexions ne sont pas reconnues avec l’éclat qu’elles méritent.
Foi n. Croyance sans preuve dans ce qui est affirmé par quelqu’un qui parle sans savoir, ou qui pense sans comparer.
Foie n. Gros organe rouge intentionnellement fourni par la nature pour se faire de la bile. Les sentiments et les émotions, dont chaque anatomiste littéraire sait maintenant qu’ils résident dans le cœur, étaient autrefois supposés infester le foie ; et même Gascoygne, parlant de la facette émotionnelle de la nature humaine, l’appelait “notre part hépatique”.
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