D. E. F. G. H. I. J. K. L. M. N.
O. P. Q. S. T. U. V. W. X. Y. Z. Auprès de ces lettres majuscules, un dessin grossier figurait un homme, ayant au front deux jets de flamme à
côté duquel le chiffre 1 était placé juste au-dessus du chiffre 5. J'étais en présence d’un rébus, mais je m'aperçus vite qu'il ne s'agissait nullement d'un de ces rébus insignifiants, que l’on trouve encore dans certains journaux, et que déchiffrent le soir, au café, les œdipes provinciaux. Le rébus, que j'avais devant les yeux, dénotait un art ancien. Celui qui l'avait composé était au courant de la symbolique populaire qui a donné
naissance à ces rébus de Picardie, où les pamphlétaires du moyen âge figuraient par peintures ce qu'ils n'auraient pas osé dire ouvertement et que le peuple, ne sachant pas lire, ne pouvait connaître que par l’image.
N’ayant plus, grâce à l'instruction obligatoire, les mêmes raisons pour écarter les lettres et les chiffres, le rédacteur de mon rébus s’en était servi, mêlant à l’art picard les procédés des lettrés de la Renaissance où
se marque déjà une décadence du rébus. Je connus ainsi qu'il ne 37
s’agissait point, pour déchiffrer un tel rébus, de rechercher un rapport exact de prononciation entre les signes que je voyais et ce qu'ils exprimaient. Bref, je remarquai que toutes les lettres de l'alphabet avaient été inscrites sur le papier, sauf l’R, que l'homme ayant au front deux cornes de feu représentait Moïse et que l’1 sur 5 indiquait suffisamment, à cause de sa position à droite du législateur hébraïque, qu'il était question du premier livre du Pentateuque, et le rébus se lisait évidemment de cette façon : R n’est là, genèse, ce qui signifiait sans aucun doute : Ernest La Jeunesse.
Ainsi cette bizarre aventure aboutissait au nom de l'auteur des Nuits et Ennuis de nos plus notoires Contemporains, de l’Imitation de notre maître Napoléon, de Cinq ans chez les sauvages, et de bien d'autres ouvrages pleins d'une verve subtile.
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