Trois autres tiraient des deux mains sur la voiture qui fit un brusque virage et s’arrêta au milieu de la chaussée. La circulation, qui était intense, s’immobilisa. Des policemen se précipitèrent de toutes parts ; l’un d’eux enleva de son siège le jeune conducteur de l’auto. Celui-ci était complètement étourdi ; du sang coulait de derrière son oreille et son teint était crayeux. Les deux autres occupants se trouvaient repliés sur eux-mêmes, dans le fond de la voitures… Les « Tireurs » de Tony étaient des virtuoses.
Perelli revint furieux du commissariat de police. Un de ses meilleurs gardiens était mort, et la vue des cadavres des deux adversaires, attendant leur identification sous des toiles, ne lui offrait aucune compensation.
« C’étaient des gens de Funey, naturellement, de Shaun O’Donnell ? »
Minn Lu, tendrement, étendait de la teinture d’iode sur une de ses jointures écorchées.
« Voilà comment ça se passe, Jimmie, dit-il. Ce matin, Shaun m’avait envoyé un démarcheur pour m’inviter à une conversation pacifique. Cet après-midi, il m’envoie une de ses torpédos pour me rendre plus pacifique encore, sans doute. Et il a parlé de Minn Lu d’une façon indigne ; si vous saviez ce qu’il a dit d’elle… »
Jimmie le regarda avec de grands yeux :
« Pourquoi ? demanda-t-il avec chaleur, Minn Lu ne lui a fait aucun mal !
– Voilà comment ça se passe, dit simplement Tony. Je désire avoir, tout à l’heure, une conversation avec vous. »
Tout à l’heure, c’était tout de suite, Perelli amena Jimmie sur le balcon.
« Vous irez voir O’Donnell, dit-il. Si vous téléphonez, il viendra, je pense.
– Mais qu’est-ce que je peux faire ?… »
Tony l’interrompit d’un geste.
« Dites-lui que vous voulez mettre les choses au point. Demandez-lui jusqu’où il veut aller. Appelez-le au téléphone ; expliquez-lui que vous voulez tout arranger entre lui et moi, et que j’ignore que vous lui avez téléphoné. Je ne veux pas d’histoires, Jimmie, et vous êtes le seul qui puissiez mettre les choses au point, comme je vous l’ai déjà dit. »
Shaun était l’homme le plus difficile à rencontrer. Il évitait toute compagnie et, à plus forte raison, les rues sans protection. Bien que Jimmie Mac Grath ne s’en doutât pas, il était certainement un des hommes ayant vu le plus souvent Shaun, au pays du « gang ».
Il eut O’Donnell au bout du fil après deux heures de recherches. L’accueil ne fut pas encourageant.
« Si ce n’était vous, Jimmie, je lui dirais d’aller se faire f… en enfer. Il fait de vous son démarcheur à présent ?… Et quand je pense que la semaine dernière il criait partout que vous étiez…
– Pouvons-nous nous rencontrer quelque part ? » demanda Jimmie.
Il y eut un silence.
« Perelli ne croit-il pas que je suis pour quelque chose dans la fusillade de tout à l’heure ? dit enfin Shaun.
– Mais si… fit Jimmie, hésitant. Je crois qu’il le pense, Shaun… »
La droiture de la réponse mit O’Donnell hors de garde.
« Très bien. Je vous rencontrerai. Venez ce soir à dix heures, au coin de Michigan et de la 48e Avenue. Ne prenez personne avec vous ; j’y compte absolument. Je crois que rien n’arrivera. »
Jimmie rendit compte de sa conversation à Tony. Celui-ci lui frappa dans le dos.
« Vous êtes un chic garçon, dit-il. Vous prendrez votre petite voiture et vous attendrez Shaun au coin de l’Avenue. Conn pourra rester assis dans le fond de la bagnole pour qu’on ne le voie pas. Et après tout, peut-être n’aurez-vous pas besoin de Conn. »
Jimmie écoutait, interdit.
« Comment cela, dit-il, que voulez-vous que je fasse ? »
Perelli fixa sur lui un regard froid ; ses yeux luisaient étrangement. Il sortit de sa poche un joli petit revolver Colt et le tendit au jeune homme.
« Voilà, fit-il. Mettez-le sous votre bras et faites-lui son affaire ; donnez-lui en abondamment et le mieux possible. »
Il y eut un grand silence.
« Que désirez-vous que je fasse ? Le visage de Mac Grath était blanc.
– Il ne s’agit pas de ce que je désire que vous fassiez, mais de ce que je vous ordonne de faire, dit Perelli, la voix dure. Vous allez descendre Shaun O’Donnell… »
CHAPITRE VII
Machinalement, Jimmie Mac Grath ouvrit la porte de sa chambre, sans savoir comment il y était venu.
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