Le Maître de Ballantrae

Le Maître de Ballantrae
Robert Louis Stevenson
(Traducteur:
Théo Varlet)
Publication: 1889
Catégorie(s): Fiction
Source: http://ebooksgratuits.com
A Propos Stevenson:
Robert Louis (Balfour) Stevenson (November 13, 1850–December 3,
1894), was a Scottish novelist, poet, and travel writer, and a
leading representative of Neo-romanticism in English literature. He
was the man who "seemed to pick the right word up on the point of
his pen, like a man playing spillikins", as G. K. Chesterton put
it. He was also greatly admired by many authors, including Jorge
Luis Borges, Ernest Hemingway, Rudyard Kipling and Vladimir
Nabokov. Most modernist writers dismissed him, however, because he
was popular and did not write within their narrow definition of
literature. It is only recently that critics have begun to look
beyond Stevenson's popularity and allow him a place in the canon.
Source: Wikipedia
Disponible sur Feedbooks
Stevenson:
L'Île au
trésor (1883)
L'Étrange Cas du
Dr Jekyll et de Mr Hyde (1885)
Nouvelles Mille et
une nuits (1882)
Voyage avec un âne
dans les Cévennes (1879)
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Dédicace
Voici une histoire qui s’étend sur de nombreuses années et
emmène le lecteur dans bien des pays. Grâce à des circonstances
particulièrement favorables l’auteur la commença, la continua et la
termina dans des décors éloignés les uns des autres et très
différents. Avant tout, il s’est très souvent trouvé en mer. Le
personnage et le destin des frères ennemis, le château et le parc
de Durrisdeer, le problème du drap de Mackellar et de la forme à
lui donner pour les grandes migrations ; tels furent ses
compagnons sur le pont, dans bien des ports où l’eau reflétait les
étoiles, telles furent les idées qui traversèrent souvent son
esprit au chant de la voile qui claque et furent interrompues
(quelquefois très brutalement) à l’approche des requins. Mon espoir
est que l’entourage ayant ainsi présidé à la composition de cette
histoire réussisse dans une certaine mesure à lui assurer la faveur
des navigateurs et des amoureux de la mer que vous êtes.
Et au moins, cette dédicace vient de très loin : elle a été
écrite sur les rivages hauts en couleur d’une île subtropicale à
près de dix mille milles de Boscombe Chine et du Manoir : décors
qui m’apparaissent tandis que j’écris, en même temps que je crois
voir les visages et entendre les voix de mes amis.
Eh bien, me voilà une fois de plus reparti en mer ; sans
aucun doute il en est de même de Sir Percy. Envoyons le signal
B.R.D. !
R. L S
Waikiki, 17 mai 1889.
Chapitre 1
Ce qui se passa en l’absence du Maître
Tout le monde aspire depuis longtemps à connaître la vérité
vraie sur ces singuliers événements, et la curiosité publique lui
fera sans nul doute bon accueil. Il se trouve que je fus intimement
mêlé à l’histoire de cette maison, durant ces dernières années, et
personne au monde n’est aussi bien placé pour éclaircir les choses,
ni tellement désireux d’en faire un récit fidèle. J’ai connu le
Maître. Sur beaucoup d’actions secrètes de sa vie, j’ai entre les
mains des mémoires authentiques ; je fus presque seul à
l’accompagner dans son dernier voyage ; je fis partie de cette
autre expédition d’hiver, sur laquelle tant de bruits ont
couru ; j’assistai à sa mort. Quant à mon feu Durrisdeer, je
le servis avec amour durant près de trente ans, et mon estime pour
lui s’accrut à mesure que je le connaissais mieux. Bref, je ne
crois pas convenable que tant de témoignages viennent à disparaître
: je dois la vérité à la mémoire de Mylord, et sans doute mes
dernières années s’écouleront plus douces, et mes cheveux blancs
reposeront sur l’oreiller plus paisiblement, une fois ma dette
acquittée.
Les Duries de Durrisdeer et de Ballantrae[1]
étaient une grande famille du Sud-Ouest, dès l’époque de David
Ier[2] Ces vers qui circulent encore dans le
pays :
Chatouilleuses gens sont les Durrisdeer,
Ils montent à cheval avec plusieurs lances[3] ,
portent le sceau de leur antiquité. Le nom est également cité
dans une strophe que la commune renommée attribue (est-ce avec
raison, je l’ignore) à Thomas d’Ercildoune lui-même, et que
certains ont appliquée (est-ce avec justice, je n’ose le dire) aux
événements de ce récit :
Deux Durie à Durrisdeer,
Un qui harnache, un qui chevauche.
Mauvais jour pour le mari
Et pire jour pour l’épousée[4] .
L’histoire authentique est remplie également de leurs exploits,
lesquels, à notre point de vue moderne, seraient peu
recommandables ; et la famille prend sa bonne part de ces
hauts et bas auxquels les grandes maisons d’Écosse ont toujours été
sujettes. Mais je passe sur tout ceci, pour en arriver à cette
mémorable année 1745, où furent posées les bases de cette
tragédie.
À cette époque, une famille de quatre personnes habitait le
château de Durrisdeer, proche Saint-Bride, sur la rive du
Solway[5] , résidence principale de leur race
depuis la Réforme. Le vieux Lord huitième du nom, n’était pas très
âgé, mais il souffrait prématurément des inconvénients de l’âge. Sa
place favorite était au coin du feu. Il restait là, dans son
fauteuil, en robe de chambre ouatée, à lire, et ne parlant guère à
personne, mais sans jamais un mot rude à quiconque. C’était le type
du vieux chef de famille casanier. Il avait néanmoins
l’intelligence fort développée grâce à l’étude, et la réputation
dans le pays d’être plus malin qu’il ne semblait. Le Maître de
Ballantrae, James, de son petit nom, tenait de son père l’amour des
lectures sérieuses ; peut-être aussi un peu de son tact, mais
ce qui était simple politesse chez le père devint chez le fils
noire dissimulation. Il affectait une conduite uniment grossière et
farouche : il passait de longues heures à boire du vin, de plus
longues encore à jouer aux cartes ; on le disait dans le pays
« un homme pas ordinaire pour les filles » ; et on le voyait
toujours en tête des rixes. Mais, par ailleurs, bien qu’il fût le
premier à y prendre part, on remarquait qu’il s’en tirait
immanquablement le mieux, et que ses compagnons de débauche étaient
seuls, d’ordinaire, à payer les pots cassés. Ce bonheur ou cette
chance lui suscita quelques ennemis, mais, chez la majorité,
rehaussa son prestige ; au point qu’on augurait pour lui de
grandes choses, dans l’avenir, lorsqu’il aurait acquis plus de
pondération. Une fort vilaine histoire entachait sa
réputation ; mais elle fut étouffée à l’époque, et la légende
l’avait tellement défigurée dès avant mon arrivée au château, que
j’ai scrupule de la rapporter.
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