Exerce ton corps avant la journée, comme le musicien accorde son instrument avant le concert.

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Chateaubriand, Vie de Rancé : Saint Jérôme portait, pour noyer ses pensées dans ses sueurs, des fardeaux de sable le long des steppes de la mer Morte. Je les ai parcourues moi-même ces steppes, sous le poids de mon esprit. Au demeurant ledit Rancé nous donne un bel exemple d’inversion de toutes les valeurs, préférant la douleur au plaisir, l’ignorance au savoir, la bêtise à l’intelligence, la maladie à la santé, et en bloc la mort à la vie.

 

 

Enfant. Pierre (huit ans) se plonge dans Play Boy. Il me demande :

« Tu as déjà vu une femme nue en vrai ?

— Bien sûr. À mon âge, ce serait inquiétant.

— Moi jamais. Tu m’en feras montrer ? »

 

 

Jean Cocteau sortant d’un dîner disait : « Qu’est-ce que je me serais ennuyé si je n’avais pas été là ! » Ce n’est pas seulement vrai des dîners. Comme la vie serait ennuyeuse si je n’étais pas là avec cette substance grise qui ne cesse de fermenter dans mon crâne et ce drôle de sexe entre mes cuisses !

 

Sur la plage où se mêlent nudistes et « textiles », il y a donc comme pour les plantes les phanérogames – qui montrent leur sexe – et les cryptogames – qui le cachent.

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En consultant mes souvenirs, je m’avise avec stupeur que dans les cas assez rares où on m’a aimé, c’était principalement – mais ne faut-il pas dire exclusivement ? – pour des motifs physiques. Pourtant il me semble que c’est plutôt par la comprenette que je vaux quelque chose ? Ma première réaction est de dénoncer la stupidité d’autrui. Et puis, à la réflexion, je m’accuse d’avoir une intelligence repoussante, un esprit qui émet des ondes négatives, de telle sorte qu’il ne me reste pour séduire que la maigre ressource de mes fesses et de mes biceps. Tout cela est triste et déprimant.

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Enfants. À la suite de mon petit conte La Mère Noël, j’apprends que dans certaines tribus les femmes ayant accouché sont bien vite renvoyées aux travaux des champs par les hommes, lesquels se chargent d’allaiter le bébé, ayant pour ce faire mangé le placenta. Effet galactogène du placenta, bourré d’hormones féminines. Les chattes mangent leur propre placenta, faute de quoi elles ne pourraient allaiter.

 

 

Bernard Shaw : J’appelle égoïste un homme qui ne pense pas à moi.

 

Après la lecture que je lui ai faite de l’Ancien et du Nouveau Testament, Damien (neuf ans) parle de se faire baptiser. Je lui dis :

« As-tu choisi un parrain ?

— Oui, de préférence toi.

— J’ai un grand-oncle qui était curé. Après tous les sujets de scandale que je lui ai donnés, il doit maintenant me bénir du haut du ciel d’amener un enfant au baptême. »

Le plus curieux, c’est que je ne plaisante qu’à moitié.

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Dans une basse-cour, la poule blessée est férocement déchiquetée par les autres poules. Grand principe : ne saigne jamais en public !

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Le Sosie de Dieu
Conte

 

Dieu ayant fait le premier homme à son image et à sa ressemblance, rien ne le distinguait de lui. Adam était le Sosie de Dieu. Les anges, les voyant ensemble aller et venir en devisant dans les allées du Paradis, croyaient voir deux frères jumeaux, et bien malin aurait été celui qui aurait pu dire à coup sûr lequel était Dieu, lequel Adam.

À propos de malin, Lucifer, le plus beau des anges, était ulcéré de jalousie à cause de cette ressemblance, et il ne cessait de réfléchir au moyen d’y mettre fin.

Sa première idée fut tout simplement de tuer Adam d’un coup de son épée de flammes. Un jour qu’il le voyait seul sommeiller sous les palétuviers, il abattit son arme sur lui assez fort pour le couper en deux. Mal lui en prit ! Ce n’était pas Adam, c’était Dieu ! Lucifer ne put jamais se laver de l’accusation de tentative de déicide, et c’est ainsi qu’il devint le Prince des Ténèbres.

Mais sa jalousie à l’égard du premier homme ne fit que s’exaspérer, et il continuait à chercher un moyen de le perdre.

Jusqu’au jour où il eut trouvé. Ce jour-là, il souffla à l’oreille de Dieu qu’il n’était pas bon qu’Adam fût seul. Alors Dieu créa Ève. L’affaire était dans le sac.

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Dîner au restaurant avec Hans Peter. Entre la poire et le fromage, une femme américaine se précipite sur lui, croyant reconnaître un de ses amis. Elle s’excuse, très confuse. « Ça recommence ! » gémit Hans Peter. Il m’explique ensuite que ce genre de méprise est devenu courant et l’indispose passablement. Les gens qui nous côtoient nous bombardent sans arrêt d’images-souvenirs que nous rejetons, sauvegardant ainsi notre quant-à-soi. Hans Peter a donc la curieuse infirmité d’accueillir au contraire ces images-souvenirs, et de provoquer ainsi des réflexes de reconnaissance aberrants.