Ils envahissent la cuisine et mangent tout ce qui leur tombe sous la main. Je leur arrache un paquet de biscuits au son, destinés, dit l’emballage, « à faciliter le transit intestinal ». Je dis : « Ça, c’est pour ceux qui veulent faire demain matin de beaux étrons blonds et dodus. »

Ils crient tous : « Moi, moi, moi ! »

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Mon puisard. Depuis toujours, des pluies abondantes entraînaient dans ma cave la formation d’une flaque, qui devenait mare, qui noyait parfois la chaudière. À force de tarabuster mon plombier, le voilà qui creuse au centre de ma cave un trou, aux parois cimentées, d’un mètre de profondeur et de quarante centimètres de côté (donc de cent soixante litres de contenance). C’est ce qu’on appelle un puisard. Définition du dictionnaire : égout vertical sans écoulement. J’admire cette définition exacte, mais doublement contradictoire : un égout est un conduit horizontal, servant à l’écoulement des eaux. Depuis, je ne me lasse pas d’observer l’eau qui chaque jour monte ou descend au fond du trou. C’est un miroir noir où se reflète ma tête, et que parcourent parfois de mystérieux frémissements. Une semaine, il s’est trouvé complètement à sec, et j’ai pu voir, et même à grand-peine palper, les viscères fauves de ma maison. Plus tard, peu s’en est fallu qu’il déborde. C’est beaucoup mieux qu’un thermomètre ou un baromètre. C’est l’anus, ou le vagin, ou l’intestin de la maison. Et il faut tenir compte de l’identification que j’ai toujours vécue entre ma maison et moi. Étrange narcissisme qui me fait descendre parfois en pleine nuit pour observer mon puisard. Une fois, rentrant d’un dîner, j’ai trouvé une sorte de bêche dans un chantier à proximité. Elle avait la forme et la longueur voulues pour atteindre le fond du puisard. J’ai peiné deux heures pour tirer du trou par quantités infimes un sac d’une très belle terre rousse probablement tout à fait stérile. Je me demande si je parviendrais à m’y glisser tout entier comme un fœtus. Il faudrait qu’auparavant une retraite sévère me réduise considérablement. Il y a un couvercle de ciment. Si je le rabattais sur ma tête, qui donc viendrait me chercher là ?

Le plombier a parlé de placer au fond une pompe électrique qui évacuerait l’eau dès qu’elle atteindrait un certain niveau. Je n’aimerais pas cette violence mécanique infligée à ma maison dans ce qu’elle a de plus intime et de plus humide.

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Enfant. Je remarque un petit pendentif accroché à son pull. Il m’explique : « C’est ma boucle d’oreille. Je la porte là, parce que mon père gueulerait si je la mettais à mon oreille. »

 

Annie Fratellini : Quand je me grime en Auguste, j’ai l’impression de me faire belle.

 

G.T. me fait observer que les Noirs américains, qui excellent dans toutes les disciplines sportives, n’ont jamais obtenu de résultats en natation. On explique cela par une densité physique supérieure à celle des Blancs qui les désavantagerait. Il y a dans cette explication quelque chose d’un peu fou qui me ravit.

 

Une petite élève de sixième me demande : « Quand on est un poète, comment fait-on pour le faire savoir aux autres ? »

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Livre.