« Mise en mouvement » à mon arrivée. Ils circulent dix par dix accompagnés par un surveillant. Intelligence brillante de certains. Niveau nettement plus élevé que celui des Rotary ou Lions-clubs où j’ai été invité.

 

Parole de mère : « Je déteste ton livre (Les Météores) mais je déteste encore plus ceux qui le détestent. »

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Mains. On appelait jadis quadrumanes certains mammifères doués de quatre mains qu’on préfère désigner aujourd’hui sous le nom de primates, et que le bon peuple, lui, a toujours appelés des singes. Étrange paradoxe qui veut que l’homme de son côté soit appelé non un bimane, mais un bipède. Comme si le privilège de l’homme, c’était d’avoir non seulement deux mains, mais surtout deux pieds, ce qui le situe à mi-chemin du chien quadrupède et du singe quadrumane.

Ainsi donc si l’homme doit une bonne part de son humanité à ses deux mains, ce serait pour lui tomber au niveau du singe, si un caprice de la nature le dotait de deux autres mains à la place de ses pieds. Des mains donc… mais point trop n’en faut ! En vérité, ce qui fait l’homme, c’est la station debout. Comme les membres supérieurs de l’homme sont très brefs, en comparaison de ses membres inférieurs, ses mains se trouvent surélevées, sublimées, projetées dans l’espace. Le pied apporte à la main un précieux contrepoids, une sorte d’alibi qui la dispense – et même lui interdit – de participer à la marche. Toute la dignité humaine se lit dans cet édifice qui superpose un tronc doué de bras courts et de mains à des jambes fines, droites, rapides, terminées par des pieds.

C’est pourquoi il n’est pas d’art qui célèbre la main plus noblement que la danse. On parle volontiers des pieds des danseurs et des danseuses. Ils renvoient toujours dans chacune de leurs positions et figures aux mains, ces petites images d’eux-mêmes, ailées et aériennes.

La démonstration inverse s’administre par la rupture de la solidarité de la main et du corps. C’est l’image de la main coupée, vision d’horreur, et pire encore : la main coupée demeurée vivante, et qui court sur ses doigts. On a reconnu l’araignée dont la malédiction est d’être assimilée à une petite main sèche, amputée, mais douée d’une vélocité de cauchemar.

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Main et corps. Pour elle, active, déliée, curieuse, exploratrice, sensuelle, titilleuse, tantôt caressante, tantôt cruelle, le corps est un objet privilégié, son territoire de prédilection, son souffre-douleur, son joui-plaisir, son jouet.

Masturber = manus turbare. Troubler avec la main. On disait aussi jadis : se manier.

Mais il n’y a pas que le sexe. On pourrait longuement décrire la relation particulière qu’entretient la main avec chacune des autres parties du corps.

Pied : le tireur d’épine (bronze célèbre du musée du Vatican).

Yeux : se frotter, se boucher, se protéger les yeux. La main peut figurer une visière ; les deux mains une lorgnette, une longue-vue. Elles fournissent aux yeux ce qu’ils ont à examiner de près, tiennent le livre ou le journal à la bonne distance. Ramassent un caillou pour l’offrir au regard, etc.

Cheveux : la main avec ses doigts joue à être un peigne. Elle sert aussi d’oreiller quand le corps est couché sur la dure.

Jeux de mains : les services que la droite rend à la gauche et réciproquement.

La main, comédienne à tout faire. Le membre-frégoli du corps.

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Enfant. Il est aveugle de naissance, et je lui fais la lecture à haute voix. Cependant sa main se pose sur mon bras, ou vient se loger dans la mienne. Parfois, timidement, je l’interroge sur ce qu’évoquent certains mots dans son esprit : lumière, ombre, soleil, verdure, feu. Il me dit : « Je sais ce que c’est que l’obscurité : c’est quand je ne te touche plus. » La phrase paraît d’abord échapper à mon attention. Mais peu à peu, me revenant sans trêve ni relâche, elle grandit, grossit, prend des proportions effrayantes. C’est que je me sens de plus en plus indigne de l’entendre.

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Le test de l’arbre.