Je montre ces lignes à K.F. qui sait le grec moderne. Il m’objecte que les « lits » du temps de Jésus-Christ ne ressemblaient certainement pas aux nôtres, et que parler à leur propos de « draps » est sans doute anachronique. Je consulte le texte grec original. Le mot employé est sindona pour lequel le Bailly donne : voile de lin, mousseline, laine fine, mais pas drap. Pourtant K.F. me dit que c’est le mot employé aujourd’hui par les Grecs pour drap.
Saint Paul, Épître aux Romains : Rien n’est impur en soi. Néanmoins si quelqu’un estime qu’une chose est impure, elle est impure pour lui. Nous devons, nous qui sommes forts, supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas.
Jalousie. Il y a celle de Kant et celle de Spinoza. Il y a la jalousie sociale faite d’amour-propre et de sens de l’honneur qui agit comme un impératif catégorique. Le mari ou l’amant bafoué qui se venge fait son devoir d’homme, et la société l’absoudra du crime auquel elle l’a poussé. À l’opposé, Spinoza définit la jalousie comme la souffrance de l’homme contraint d’associer à l’image du corps de la femme qu’il aime celle des parties sexuelles d’un autre homme. Là c’est une affaire de peau et de sueur. Spinoza parle aussi de la jalousie des pigeons, soulignant par là le côté instinctif de ce sentiment. Affaire tantôt d’honneur, tantôt d’odeur.
Bernard Shaw : Ne faites pas aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent, car rien ne vous prouve qu’ils aient les mêmes goûts que vous.
Pour vivre à deux, il importe encore plus de bien dormir ensemble que de bien coucher ensemble.
Comme on pensait jadis aux U.S.A. qu’il n’y a de bon Indien qu’un Indien mort, il est couramment admis qu’il n’y a de bonne sexualité que la chasteté.
Ce n’est pas une raison parce que j’ai une poutre dans l’œil pour que je ne dénonce pas la paille qui est dans l’œil de l’autre.
Mes relations d’amour-haine avec la religion assez bien matérialisées par cette église, mon église, massive et maternelle, posée l’air protecteur à côté de ma maison, comme une poule accroupie près de son poussin. Il y a un projet qui consisterait à décorer ses murs de fresques consacrées aux Rois Mages, puisque c’est à l’ombre de son clocher que j’ai écrit Gaspard, Melchior & Balthazar. Ce serait peut-être la seule église au monde dédiée aux Rois Mages.
Et cependant… À un journaliste en visite, je montre le haut du clocher. « Savez-vous pourquoi les églises catholiques arborent à leur sommet une croix et un coq ? La croix symbolise la mort de Jésus, seul événement qui compte aux yeux des catholiques. La résurrection, ils l’oublient. Elle contrarie leur nécrophilie invétérée. Depuis des millénaires, des colonnes de pèlerins viennent adorer un tombeau dans la crypte d’une église de Jérusalem. Ils ne veulent pas savoir qu’il est vide. Quant au coq, il rappelle le triple reniement de saint Pierre, fondateur de l’Église, et ancêtre de tous les prêtres. Chaque fois que le curé monte en chaire, le coq du clocher fait cocorico pour annoncer le nouveau reniement qui se prépare. »
De l’autre côté du mur : enterrement. Je devrais peut-être vendre des chrysanthèmes et des couronnes de perles. Ou mieux, faire aubergiste. Les grosses ripailles qui suivent les funérailles ne sont pas seulement une tradition rurale. Elles correspondent à un étrange état d’esprit provoqué par un deuil cruel.
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