Ils s’étaient contentés d’imiter des cris d’animaux, peut-être pour le faire sortir de son refuge et l’égarer pendant la nuit. – Une autre fois, pensa-t-il, ils diront tout ce qu’ils voudront, je ne bougerai mie, je ne me perdrai plus dans la dune, je la connais à présent, et, si les lutins entrent dans ma grotte, je les battrai ; mon oncle l’a dit, il me poussera des ailes de courage.
IV
Il se mit à chercher de l’eau à boire. L’eau ne manquait pas, il en sortait de tous les côtés. Il remarqua que plus il montait, plus elle était douce ; cependant elle avait un goût terreux qui n’était point agréable. Enfin il découvrit un petit filet qui sortait de l’endroit rocheux et qui sentait le thym sauvage ; mais cette bonne eau tombait goutte à goutte, comme si elle eût voulu se faire prier, et il eût fallu un vase pour la recueillir. Il avisa en plusieurs endroits de grandes huîtres de pierre qui étaient engagées dans les marnes ; elles étaient presque toutes cassées ; la mer avait monté jusque-là autrefois, et les avait roulées. En cherchant mieux, il en trouva plusieurs très larges et entières. Il les adapta bien adroitement les unes au-dessus des autres dans le passage du filet d’eau, de manière qu’elles pussent se remplir toutes et lui fournir une provision toujours prête et toujours renouvelée. Il attendit et en emporta une bien pleine pour déjeuner dans son jardin. Il n’avait que du pain sec, mais il n’était pas habitué aux confitures et savait fort bien s’en passer. Il ne trouva pas la journée longue. Il faisait un temps charmant, et il s’amusa à regarder les plantes qui poussaient dans son gazon et qui ne ressemblaient pas à celles des herbages de la plaine. Il y en avait de désagréables, tout hérissées d’épines et de dards, mais il leur pardonna ; c’était comme des gardiens chargés de le défendre contre les visites fâcheuses. Il y en avait d’autres très jolies qui lui plurent beaucoup et sur lesquelles il eut soin de ne pas marcher ni s’asseoir, car elles égayaient les alentours de son refuge et il se serait reproché de les abîmer.
Ce jour-là, par le trou pratiqué dans le vieux pan de mur au flanc de la falaise et qu’il appela sa fenêtre, il se rassasia de regarder la mer. Il la trouva plus belle qu’il ne l’avait encore vue. Il contempla au loin des embarcations de différentes grandeurs ; aucune n’approchait des Vaches-Noires, l’endroit était réputé dangereux. Aujourd’hui on y va de tous côtés recueillir des moules. Dans ce temps-là, la côte était déserte, on n’y voyait pas une âme. Cette grande solitude l’enhardit. Vers le soir, il alla ramasser des coquillages sur la grève pour son souper et il regarda bien si du dehors on pouvait voir sa fenêtre. Cela était impossible ; elle était trop haute, trop petite, le mur était trop bien caché par la végétation. Il ne put la retrouver avec ses yeux. Cette nuit-là, il dormit bien tranquille. Il avait tant marché, tant grimpé pour connaître tous les recoins du désert qu’il n’eut aucun besoin d’être bercé. Si les lutins s’amusèrent à crier et à parler comme la veille, il ne les entendit pas. Le troisième jour fut employé à explorer le bas de la dune, afin d’avoir là une bonne cachette en cas de surprise sur la plage. Il en trouva dix pour une, et, tout étant ainsi arrangé et prévu, il se sentit aussi libre qu’un petit animal sauvage qui connaît son lieu de promenade et son terrier. Il pensa aussi à faire sa provision de coquillages pour avoir de quoi déjeuner ou dîner dans sa grotte, s’il ne lui plaisait pas de redescendre pour chaque repas à la mer. Il y avait beaucoup de joncs sur la côte, des genêts, des saules nains, des arbustes flexibles ; il en emporta les rameaux et travailla chez lui (il disait déjà chez moi) à se faire un beau grand panier assez solide. Il se fit aussi un lit excellent avec des algues que la mer apportait sur le rivage.
1 comment