Les Amoureuses

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Les Amoureuses

Alphonse Daudet


Publication: 1858
Catégorie(s): Fiction, Poésie, Europe continentale
Source: http://www.ebooksgratuits.com

A Propos Daudet:

Alphonse Daudet, né à Nîmes (Gard) le 13 mai 1840 et mort à Paris le 16 décembre 1897, est un écrivain et auteur dramatique français. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Alphonse Daudet naît à Nîmes le 13 mai 1840. Après avoir suivi les cours de l'institution Canivet à Nîmes, il entre en sixième au lycée Ampère. Alphonse doit renoncer à passer son baccalauréat à cause de la ruine en 1855 de son père, commerçant en soieries. Il devient maître d'étude au collège d'Alès. Cette expérience pénible lui inspirera son premier roman, Le Petit Chose (1868). Daudet rejoint ensuite son frère à Paris et y mène une vie de bohème. Il publie en 1859 un recueil de vers, Les Amoureuses. L'année suivante, il rencontre le poète Frédéric Mistral. Il a son entrée dans quelques salons littéraires, collabore à plusieurs journaux, notamment Paris-Journal, L'Universel et Le Figaro. En 1861, il devient secrétaire du duc de Morny (1811-1865) demi-frère de Napoléon III et président du Corps Législatif. Ce dernier lui laisse beaucoup de temps libre qu'il occupe à écrire des contes, des chroniques mais meurt subitement en 1865 : cet événement fut le tournant décisif de la carrière d'Alphonse. Après cet évènement, Alphonse Daudet se consacra à l'écriture, non seulement comme chroniqueur au journal Le Figaro mais aussi comme romancier. Puis, après avoir fait un voyage en Provence, Alphonse commença à écrire les premiers textes qui feront partie des Lettres de mon Moulin. Il connut son premier succès en 1862-1865, avec la Dernière Idole, pièce montée à l'Odéon et écrite en collaboration avec Ernest Manuel - pseudonyme d'Ernest Lépine. Puis, il obtint, par le directeur du journal L'Événement, l'autorisation de les publier comme feuilleton pendant tout l'été de l'année 1866, sous le titre de Chroniques provençales. Certains des récits des Lettres de mon Moulin sont restés parmi les histoires les plus populaires de notre littérature, comme La Chèvre de monsieur Seguin, Les Trois Messes basses ou L'Élixir du Révérend Père Gaucher. Le premier vrai roman d'Alphonse Daudet fut Le Petit Chose écrit en 1868. Il s'agit du roman autobiographique d'Alphonse dans la mesure où il évoque son passé de maître d'étude au collège d'Alès (dans le Gard, au nord de Nîmes). C'est en 1874 qu'Alphonse décida d'écrire des romans de mœurs comme : Fromont jeune et Risler aîné mais aussi Jack (1876), Le Nabab (1877) – dont Morny serait le "modèle" – les Rois en exil (1879), Numa Roumestan (1881) ou L'Immortel (1883). Pendant ces travaux de romancier et de dramaturge (il écrivit dix-sept pièces), il n'oublia pas pour autant son travail de conteur : il écrivit en 1872 Tartarin de Tarascon, qui fut son personnage mythique. Les contes du lundi (1873), un recueil de contes sur la guerre franco-prussienne, témoignent aussi de son goût pour ce genre et pour les récits merveilleux. Daudet subit les premières atteintes d'une maladie incurable de la moelle épinière, le tabes dorsalis, mais continue de publier jusqu'en 1895. Il décède le 16 décembre 1897 à Paris, à l'âge de 57 ans.

Disponible sur Feedbooks Daudet:

  • Lettres de mon moulin (1869)
  • Les Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon (1872)
  • Souvenirs d'un homme de lettres (1888)
  • Fromont jeune et Risler aîné (1874)
  • Le Petit Chose (1868)
  • Tartarin sur les Alpes - Nouveaux exploits du héros tarasconnais (1885)
  • Port-Tarascon - Dernières aventures de l'illustre Tartarin (1890)
  • L'Évangéliste (1892)
  • Wood'stown (1873)
  • Sapho (1884)
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    À Mme Alphonse Daudet

     

     

    Tu as pour te rendre amusée

    Ma jeunesse en papier icy…

     

    Clément Marot, à sa dame.

    AUX PETITS ENFANTS.

     

    Enfants d’un jour, ô nouveau-nés,

    Petites bouches, petits nez,

    Petites lèvres demi-closes,

    Membres tremblants,

    Si frais, si blancs,

    Si roses !

     

    Enfants d’un jour, ô nouveaux-nés,

    Pour le bonheur que vous donnez,

    À vous voir dormir dans vos langes,

    Espoir des nids

    Soyez bénis,

    Chers anges !

     

    Pour vos grands yeux effarouchés

    Que sous vos draps blancs vous cachez.

    Pour vos sourires, vos pleurs même,

    Tout ce qu’en vous,

    Êtres si doux,

    On aime ;

     

    Pour tout ce que vous gazouillez,

    Soyez bénis, baisés, choyés,

    Gais rossignols, blanches fauvettes ;

    Que d’amoureux

    Et que d’heureux

    Vous faites !

     

    Lorsque sur vos chauds oreillers,

    En souriant vous sommeillez,

    Près de vous, tout bas, ô merveille !

    Une voix dit :

    « Dors, beau petit ;

    Je veille. »

     

    C’est la voix de l’ange gardien ;

    Dormez, dormez, ne craignez rien,

    Rêvez, sous ses ailes de neige :

    Le beau jaloux

    Vous berce et vous

    Protège.

     

    Enfants d’un jour, ô nouveau-nés,

    Au paradis, d’où vous venez,

    Un léger fil d’or vous rattache.

    À ce fil d’or

    Tient l’âme encor

    Sans tache.

     

    Vous êtes à toute maison

    Ce que la fleur est au gazon,

    Ce qu’au ciel est l’étoile blanche,

    Ce qu’un peu d’eau

    Est au roseau

    Qui penche.

     

    Mais vous avez de plus encor

    Ce que n’a pas l’étoile d’or,

    Ce qui manque aux fleurs les plus belles :

    Malheur à nous !

    Vous avez tous

    Des ailes.

     

    LE CROUP.

     

    Alors Hérode envoya tuer dans Bethléem

    Et dans les pays d’alentour les enfants de

    Deux ans et au-dessous.

     

    Saint Matthieu, III.

     

    I.

     

    Dans son petit lit, sous le rayon pâle

    D’un cierge qui tremble et qui va mourir,

    L’enfant râle.

    Quel est le bourreau qui le fait souffrir ?

     

    Quel boucher sinistre a pris à la gorge

    Ce pauvre agnelet que rien ne défend ?

    Qui l’égorge ?

    Qui sait égorger un petit enfant ?

     

    Sombre nuit ! La chambre est froide. On frissonne.

    Dans l’âtre glacé fume un noir tison.

    L’heure sonne.

    Le vent de la mort court dans la maison.

     

    II.

     

    Aux rideaux du lit la mère s’accroche.

    Elle est nue. Elle est pâle. Elle défend

    Qu’on l’approche :

    Elle veut rester seule avec l’enfant.

     

    Son fils ! Il faut voir comme elle lui cause !

    « Ami, ne meurs pas. Je te donnerai

    « Quelque chose ;

    « Ami, si tu meurs, moi je pleurerai. »

     

    Et pour empêcher que l’oiseau s’envole,

    Elle lui promet du mouron plus frais…

    Pauvre folle !

    Comme si l’oiseau s’envolait exprès.

     

    Le père est debout dans l’ombre. Il se cache,

    Il pleure. On l’entend dire en étouffant :

    « Ô le lâche

    « Qui n’ose pas voir mourir son enfant ! »

     

    Dans un coin, l’aïeul accroupi par terre

    Chante une gavotte, et quand on lui dit

    De se taire,

    Il répond : « Hé ! hé ! j’endors le petit. »

     

    III.

     

    Le cierge s’éteint près du lit qui sombre…

    Un râle de mort, un cri de douleur,

    Et dans l’ombre

    On entend quelqu’un fuir comme un voleur.

     

    Qui va là ? Qui vient d’ouvrir cette porte ?…

    Courons ! C’est un spectre armé d’un couteau,

    Il emporte

    Le petit enfant dans son grand manteau.

     

    Oh ! je te connais, – ne cours pas si vite,

    Massacreur d’enfants ! Je t’ai reconnu

    Tout de suite

    À ton manteau rouge, à ton couteau nu.

     

    Hérode t’a fait ce legs effroyable.

    Tu portes sa pourpre et son yatagan.

    Vas au diable

    Comme Hérode, spectre, assassin, forban !

     

    LA VIERGE À LA CRÈCHE.

     

    Dans ses langes blancs, fraîchement cousus,

    La vierge berçait son enfant-Jésus.

    Lui, gazouillait comme un nid de mésanges.

    Elle le berçait, et chantait tout bas

    Ce que nous chantons à nos petits anges…

    Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas.

     

    Étonné, ravi de ce qu’il entend,

    Il rit dans sa crèche, et s’en va chantant

    Comme un saint lévite et comme un choriste ;

    Il bat la mesure avec ses deux bras,

    Et la sainte vierge est triste, bien triste,

    De voir son Jésus qui ne s’endort pas.

     

    « Doux Jésus, lui dit la mère en tremblant,

    « Dormez, mon agneau, mon bel agneau blanc.

    « Dormez ; il est tard, la lampe est éteinte.

    « Votre front est rouge et vos membres las ;

    « Dormez, mon amour, et dormez sans crainte."

    Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas.

     

    « Il fait froid, le vent souffle, point de feu…

    « Dormez ; c’est la nuit, la nuit du bon dieu.

    « C’est la nuit d’amour des chastes épouses ;

    « Vite, ami, cachons ces yeux sous nos draps,

    « Les étoiles d’or en seraient jalouses. »

    Mais l’enfant-Jésus ne s’endormait pas.

     

    « Si quelques instants vous vous endormiez,

    « Les songes viendraient, en vol de ramiers,

    « Et feraient leurs nids sur vos deux paupières,

    « Ils viendront ; dormez, doux Jésus. » Hélas !

    Inutiles chants et vaines prières,

    Le petit Jésus ne s’endormait pas.

     

    Et marie alors, le regard voilé,

    Pencha sur son fils un front désolé :

    « Vous ne dormez pas, votre mère pleure,

    « Votre mère pleure, ô mon bel ami… »

    Des larmes coulaient de ses yeux ; sur l’heure,

    Le petit Jésus s’était endormi.

    TROIS JOURS DE VENDANGES.

     

    Je l’ai rencontrée un jour de vendange,

    La jupe troussée et le pied mignon ;

    Point de guimpe jaune et point de chignon :

    L’air d’une bacchante et les yeux d’un ange.

     

    Suspendue au bras d’un doux compagnon,

    Je l’ai rencontrée aux champs d’Avignon,

    Un jour de vendange.

     

    * * *

     

    Je l’ai rencontrée un jour de vendange.

    La plaine était morne et le ciel brûlant ;

    Elle marchait seule et d’un pas tremblant,

    Son regard brillait d’une flamme étrange.

     

    Je frisonne encore en me rappelant

    Comme je te vis, cher fantôme blanc,

    Un jour de vendange.

     

    * * *

     

    Je l’ai rencontrée un jour de vendange,

    Et j’en rêve encore presque tous les jours.

    ………

    Le cercueil était couvert en velours,

    Le drap noir avait une double frange.

     

    Les sœurs d’Avignon pleuraient tout autour…

    La vigne avait trop de raisins ; l’amour

    A fait la vendange.

    À CÉLIMÈNE.

     

    Je ne vous aime pas, ô blonde célimène,

    Et si vous l’avez cru quelque temps, apprenez

    Que nous ne sommes point de ces gens que l’on mène

    Avec une lisière et par le bout du nez ;

    Je ne vous aime pas…depuis une semaine,

    Et je ne sais pourquoi vous vous en étonnez.

     

    Je ne vous aime pas ; vous êtes trop coquette,

    Et vos moindres faveurs sont de mauvais aloi ;

    Par le droit des yeux noirs, par le droit de conquête,

    Il vous faut des amants.