Qui bavarde sur le chantier est un fainéant. Laissé à lui-même, l’homme du peuple aurait la même conception du pouvoir que l’aristocrate auquel il ressemble d’ailleurs par tant de traits. Le pouvoir est à qui le prend, à qui se sent la force de le prendre. C’est pourquoi il ne donne pas au mot de dictateur exactement le même sens que nous. La classe moyenne appelle de ses vœux un dictateur, c’est-à-dire un protecteur qui gouverne à sa place, qui la dispense de gouverner. L’espèce de dictature dont rêve le peuple, c’est la sienne. Vous me répondrez que les politiciens feront de ce rêve une réalité bien différente. Soit. La nuance n’en est pas moins révélatrice.

Encore une fois, je n’écris pas ces pages à l’intention îles gens du peuple, qui d’ailleurs se garderont bien de les lire. Je voudrais faire clairement entendre qu’aucune vie nationale n’est possible ni même concevable dès que le peuple a perdu son caractère propre, son originalité raciale et culturelle, n’est plus qu’un immense réservoir de manœuvres abrutis, complété par une minuscule pépinière de futurs bourgeois. Que les élites soient nationales ou non, la chose a beaucoup moins d’importance que vous ne pensez. Les élites du douzième siècle n’étaient guère nationales, celles du seizième non plus. C’est le peuple qui donne à chaque patrie son type original. Quelques fautes que vous puissiez reprocher à la Monarchie, ce régime avait su, du moins, conserver intact le plus précieux de son héritage, car même en plein dix-huitième siècle, alors que le clergé, la noblesse, la magistrature et les intellectuels présentaient tous les symptômes de la pourriture, l’homme du peuple demeurait peu différent de son ancêtre médiéval. Il est affolant de penser que vous avez réussi à faire du composé humain le plus stable une foule ingouvernable, tenue sous la menace des mitrailleuses.

On ne refera pas la France par les élites, on la refera par la base. Cela coûtera plus cher, tant pis ! Cela coûtera cc qu’il faudra. Cela coûtera moins cher que la guerre civile. Les classes moyennes bien-pensantes, paraissent trouver très naturel que les démangeaisons impérialistes de M. Mussolini contraignent la France et l’Angleterre à d’énormes dépenses d’armement. Elles n’en veulent nullement à M. Mussolini. Ce n’est pas lui qu’elles tiennent pour responsable de l’accroissement de nos malheurs, les réformes sociales sont cause de tout. « Mais le peuple est entre les mains de dangereux aventuriers. – Que faites-vous pour l’arracher de leurs mains ? – Cela viendra plus tard. Le temps nous manque, et d’ailleurs puisque les gauches exploitent la terreur que leur clientèle a du fascisme, nous exploitons la terreur que la nôtre a du communisme, c’est naturel. Au reste, le peuple ne croit guère à notre sincérité. En nous rapprochant de lui nous perdrions infiniment plus de voix bourgeoises que nous ne gagnerions de voix prolétariennes. – Bref, vous agissez momentanémentvis-à-vis de la classe ouvrière, ensemencée par le virus moscovite, comme les services d’hygiène à l’égard des populations contaminées. En attendant d’avoir réglé la question du Capitalisme, de la Production, de la Vie chère, décide entre la formule de l’Autarcie et celle de la Liberté Douanière, de l’Étalon-Or ou de l’Étalon-Argent, assuré la Paix Universelle sans parler d’autres problèmes à peine moins importants, vous laisserez le peuple cuire dans son jus ? – C’est vous qui parlez un langage démagogique. On n’entreprend pas des réformes sociales avec des caisses vides. – Il fallait donc commencer lorsqu’elles étaient pleines. – Pardon. Nous ne demeurons pas inactifs. Nous redoublons dcpropagande.