Ignorant sans doute cette circonstance, un bataillon de ligne attaquait cette position… Surpris à l’improviste, les insurgés se défendent en héros ; la plupart sont tués, un petit nombre fait prisonnier… Confondus avec eux, ainsi que plusieurs hommes de ma compagnie, nous avons été pris et considérés comme insurgés. Si je ne suis pas devenu fou d’horreur, ainsi que plusieurs de mes amis, prisonniers comme moi dans le souterrain des Tuileries pendant trois jours et trois nuits ! si j’ai conservé ma raison, c’est que j’étais par la pensée avec ma femme et mes enfants… Traduit devant le conseil de guerre, j’ai dit la vérité ; l’on ne m’a pas cru… Sans doute, quelques misérables haines de quartier, quelques basses délations de voisins avaient aggravé mon dossier… J’ai été envoyé ici… Vous le voyez, monsieur, l’on ne m’accorde pas une grâce ; on me rend une justice tardive… Cela ne m’empêche pas de vous savoir gré des démarches que vous avez faites pour moi… Ainsi donc je suis libre ?

– Monsieur le commissaire de la marine va venir vous confirmer ce que je vous annonce, monsieur. Vous pouvez sortir d’ici, aujourd’hui… à l’heure même.

– Eh bien, monsieur, puisque vous êtes si parfaitement en cour… républicaine, – reprit M. Lebrenn en souriant, – soyez assez obligeant pour demander au commissaire une faveur qu’il me refuserait peut-être.

– Je suis, monsieur, tout à votre service.

– Vous voyez cet anneau de fer que je porte à la jambe, et qui soutient ma chaîne ? Cet anneau de fer, je voudrais être autorisé à l’emporter… en le payant, bien entendu.

– Comment !… cet anneau… Vous voudriez ?…

– Simple manie de collectionneur, monsieur… Je possède déjà quelques petites curiosités historiques… entre autres, le casque dont vous avez bien voulu me faire hommage il y a dix-huit mois… J’y joindrai l’anneau de fer du forçat politique… Vous voyez, monsieur, que pour moi et ma famille ce rapprochement dira bien des choses…

– Rien de plus facile, je crois, monsieur, que de satisfaire votre désir. Tout à l’heure j’en ferai part au commissaire. Mais permettez-moi une question, peut-être indiscrète.

– Laquelle, monsieur ?

– Je me rappelle qu’il y a dix-huit mois, et bien souvent depuis j’ai songé à cela, je me rappelle que, lorsque je vous ai prié de conserver mon casque, en souvenir de votre généreuse conduite envers moi, vous m’avez répondu…

– Que ce ne serait pas la seule chose provenant de votre famille que je possédais dans ma collection ? C’est la vérité.

– Vous m’avez aussi dit, je crois, monsieur, que les Néroweg de Plouernel…

– S’étaient quelquefois rencontrés, dans le courant des âges et des événements, avec plusieurs membres de mon obscure famille, esclave, serve, vassale ou plébéienne, reprit M. Lebrenn.

– Cela est encore vrai, monsieur.

– Et à quelle occasion ? dans quelles circonstances ? comment avez-vous pu être instruit de faits passés il y a tant de siècles ?…

– Permettez-moi de garder ce secret, et excusez-moi d’avoir inconsidérément éveillé chez vous, monsieur, une curiosité que je ne peux satisfaire Mais encore sous l’impression de cette journée de guerre civile et de l’étrange fatalité qui nous avait mis, vous et moi, face à face… une allusion au passé m’est échappée… Je le regrette ; car, je vous le répète, il est certains souvenirs de famille qui ne doivent jamais sortir du foyer domestique.

– Je n’insisterai pas, monsieur, – dit M. de Plouernel.

Et après un instant d’hésitation il reprit :

– Un mot encore, monsieur… Encore une question indiscrète, sans doute…

– J’écoute, monsieur.

– Que pensez-vous de moi… en me voyant servir la république ?

– Une telle question, monsieur, appelle une réponse d’une entière franchise.

– Vous ne pouvez m’en faire d’autre, monsieur, je le sais.

– Eh bien ! vous ne croyez pas à la durée de la république ; vous pensez vous servir utilement, pour l’avenir de votre parti, de l’autorité que vous confie, ainsi qu’à tant d’autres royalistes, un pouvoir parjure… Vous espérez enfin, à un moment donné, user de votre position dans l’armée pour favoriser le retour de votre maître, ainsi que vous appelez, je crois, ce gros garçon, le dernier des Capets et des rois franks par droit de conquête… Le gouvernement de monsieur Bonaparte met entre vos mains des armes contre la république… Vous les acceptez, c’est de bonne guerre, à votre point de vue.

– Et au vôtre ?

– Au mien ?

– Oui…

– Je ne ferais pas cela, monsieur… Je hais la monarchie pour les maux affreux dont, pendant des siècles, elle a écrasé mon pays, où elle s’est établie en conquérante, par la violence, le vol et le meurtre ! Oui… je la hais ! je l’ai combattue de toutes mes forces… mais jamais je ne l’aurais servie… avec l’intention de lui nuire… Jamais je n’aurais porté sa livrée, ses couleurs.

– Je ne porte pas la livrée de la république, monsieur ! – dit vivement M. de Plouernel. – Je porte l’uniforme de l’armée française !…

– Allons, monsieur, – reprit le marchand en souriant, – avouez, sans reproche, que, pour un soldat, c’est peut-être un peu… un peu… prêtre… ce que vous dites là… Mais passons… chacun sert sa cause à sa façon. Et, tenez, nous sommes tous deux ici… vous, revêtu des insignes du pouvoir et de la force ; moi, pauvre homme, portant la chaîne du forçat, ni plus ni moins que mes pères portaient, il y a quinze cents ans, le collier de fer de l’esclave : votre parti est tout-puissant et considérable ; il a les vœux et il aurait au besoin l’appui des armes étrangères ; il a la richesse, il a le clergé ; de plus, les trembleurs, les repus, les cyniques, les ambitieux de tous les régimes se sont ralliés à vous dans l’effroi que leur cause la souveraineté populaire ; ils disent tout haut qu’ils préfèrent à la démocratie la royauté de droit divin et absolu d’avant 89, appuyée, s’il le faut, par une armée cosaque et permanente… Eh bien, moi et ceux de mon parti, nous sommes pleins de foi dans la durée de la république et dans les prochaines et excellentes conséquences du suffrage universel, qui ne se laissera pas égarer deux fois de suite ; aussi, croyez-moi, vous n’atteindrez jamais le but auquel vous croyez cependant toucher, à savoir : la restauration de ce gros garçon de droit divin et conquérant. Cela vous fait sourire… Soyez tranquille, monsieur : qui vivra verra, et, comme je l’espère, vous vivrez longtemps, très-longtemps… vous verrez.

L’entrée du commissaire de marine mit fin à l’entretien du général et du marchand ; celui-ci obtint facilement, par l’intervention de son protecteur, la permission d’emporter son anneau de fer, sa manille, comme on dit au bagne.

Dans la soirée du même jour, M. Lebrenn se mit en route pour Paris.

Chapitre 12

 

Ce qu’était devenue la famille de M. Lebrenn pendant son séjour au bagne, et d’une lettre qu’elle reçut un soir.

 

Le 10 septembre 1849, deux jours après que le général de Plouernel était allé porter à M. Lebrenn sa grâce pleine et entière, la famille du marchand se trouvait réunie dans le modeste salon de l’appartement du premier étage.

On avait fermé la boutique depuis une heure environ ; une lampe, placée sur une grande table ronde, éclairait les différentes personnes qui l’entouraient.

Madame Lebrenn s’occupait des écritures commerciales de la maison ; sa fille, vêtue de deuil, berçait doucement sur ses genoux un petit enfant endormi, tandis que Georges Duchêne, vêtu de deuil comme sa femme (le grand-père Morin était mort depuis quelques mois), dessinait sur une feuille de papier l’épure d’une boiserie ; car depuis son mariage, et d’après le désir de M. Lebrenn, Georges avait établi, sur les bases de l’association et de la participation, un vaste atelier de menuiserie dans le rez-de-chaussée d’un des bâtiments dépendant de la maison de son beau-père.

Sacrovir Lebrenn lisait un traité de mécanique appliqué au tissage des toiles, et de temps à autre prenait des notes dans ce livre.

Jeanike ourlait des serviettes, tandis que Gildas, placé devant une petite table chargée de linge, pliait et étiquetait à leur numéro de vente divers objets destinés à la montre du magasin.

La physionomie de madame Lebrenn était pensive et triste ; telle eût été sans doute aussi l’expression des traits de sa fille, alors dans tout l’éclat de sa beauté, si à ce moment elle n’avait doucement souri à son petit enfant qui lui riait.

Georges, un instant distrait, de son travail par ce rire enfantin, contemplait ce groupe maternel avec un ravissement inexprimable.

On sentait vaguement qu’un chagrin, pour ainsi dire de tous les instants, pesait sur une famille si tendrement unie ; c’est qu’en effet il ne se passait pour ainsi dire pas d’heure où l’on ne se souvînt avec amertume que le chef si aimé, si vénéré de cette famille lui manquait…

Disons en quelques mots comment le fils et le gendre de M. Lebrenn n’avaient pas imité sa conduite lors de l’insurrection du mois de juin 1848, et conséquemment partagé son sort.

Vers le commencement de ce mois, madame Lebrenn, se rendant en Bretagne, afin d’y faire différentes emplettes de toile, et d’y voir quelques personnes de sa famille, était partie accompagnée de sa fille et de son gendre, voyage de plaisir pour les deux jeune mariés. Sacrovir Lebrenn était, de son côté, allé à Lille pour les intérêts du commerce de son père. Il devait revenir à Paris avant le départ de sa mère ; mais, retenu en province par quelques affaires, il apprit, lors de son retour à Paris, l’arrestation de son père, alors prisonnier au fort de Vanvre, comme insurgé.

À cette funeste nouvelle, madame Lebrenn, sa fille et Georges étaient en toute hâte revenus de Bretagne.

Est-il besoin de dire que M. Lebrenn reçut dans sa prison toutes les consolations que la tendresse et le dévouement de sa famille pouvaient lui offrir ? Sa condamnation prononcée, sa femme et ses enfants voulurent le suivre et aller s’établir à Rochefort, afin d’habiter au moins la même ville que lui, et de le voir souvent ; mais il s’opposa formellement à cette résolution pour plusieurs motifs de convenance et d’intérêts de famille ; puis enfin son principal argument contre un déplacement considérable et fâcheux fut… (cette fois son excellent jugement le trompa) fut sa foi complète à une amnistie générale plus ou moins prochaine. Il fit partager cette conviction à sa famille ; les siens avaient trop besoin, trop envie de le croire pour ne pas accepter cette espérance. Aussi, les jours, les semaines, les mois, se passèrent dans une attente toujours vaine, et toujours renaissante.

Chaque jour le condamné recevait une longue lettre collective de sa femme et de ses enfants ; il leur répondait aussi chaque jour, et, grâce à ces épanchements quotidiens, ainsi qu’au courage et à la sérénité de son caractère si fermement trempé, M. Lebrenn avait supporté sans faiblesse la terrible épreuve dont on venait de voir le terme.

* *

*

La famille du marchand était toujours silencieusement occupée autour de la table ronde. Madame Lebrenn cessa un moment d’écrire et appuya son front sur sa main, pendant que son autre main, qui tenait la plume, s’arrêtait immobile.

Georges Duchêne, s’apercevant de la préoccupation de sa belle-mère, fit un signe à Velléda. Tous deux regardèrent silencieux madame Lebrenn. Sa fille, au bout de quelques instants, lui dit tendrement :

– Ma mère, tu parais inquiète, soucieuse ?

– Depuis bientôt treize mois, mes enfants, – répondit la femme du marchand, – voici le premier jour que nous ne recevons pas de lettre de votre père…

– Si monsieur Lebrenn eût été malade, ma mère, – dit Georges, – et hors d’état de vous écrire, il vous l’eût fait savoir, grâce à une main étrangère, plutôt que de vous inquiéter par son silence. Aussi, comme nous le disions tantôt, il est probable que pour la première fois sa lettre aura subi quelque retard.

Georges a raison, ma mère, – reprit la jeune femme ; – il ne faut pas t’alarmer ainsi.

– Et puis, qui sait ? – ajouta Sacrovir Lebrenn avec amertume, les règlements de police sont si étranges, si despotiques, qu’il se peut qu’on ait voulu priver mon père de sa dernière consolation… Les gens qui nous gouvernent ont tant de haine contre les républicains !… Oh ! nous vivons dans de tristes temps…

– Après avoir rêvé l’avenir si beau !… – dit Georges en soupirant, – le voir sombre, presque désespéré !… M. Lebrenn ! lui ! lui ! condamné ! traité ainsi !… Ah ! cela ferait croire que le triomphe des honnêtes gens… n’est jamais qu’un accident !

– Ah ! frère ! frère ! je sens qu’il s’amasse en moi de terribles ferments de haine et de vengeance ! – dit d’une voix sourde le fils du marchand. – Avoir un jour… un seul jour !… et faire justice… dût ma vie entière se passer dans les tortures !

– Patience, – frère ! dit Georges, – patience… À chacun son heure !

– Mes enfants, – reprit madame Lebrenn d’une voix grave et mélancolique, – vous parlez de justice… n’y mêlez jamais de pensées de haine, de vengeance… Votre père, s’il était là… et il est toujours avec nous… vous dirait que le bon droit ne hait pas… ne se venge pas… La haine, la vengeance, donnent le vertige ; témoins ceux qui ont poursuivi votre père et son parti avec acharnement… Méprisez-les… plaignez-les… mais ne les imitez pas.

– Et cependant, voir ce que nous voyons, ma mère ! – s’écria le jeune homme. – Penser que mon père… mon père !… l’homme d’honneur, de courage, de patriotisme éprouvé, est à cette heure au bagne ! et qu’on l’y laisse… et que nos ennemis éprouvent une joie féroce de l’y savoir !…

– Qu’est-ce que cela fait à l’honneur, au courage, au patriotisme de votre père, mes enfants ? – dit madame Lebrenn. – Est-ce qu’il est au pouvoir de personne au monde de flétrir ce qui est pur ? d’abaisser ce qui est grand ? de faire d’un honnête homme un forçat ?… Est-ce que vous croyez que votre père injustement condamné sera moins honoré de l’empreinte de la chaîne qu’il traîne que de ses cicatrices de 1830 ? Est-ce qu’au jour de la justice il ne sortira pas de leurs bagnes encore plus aimé, encore plus vénéré que par le passé ? Que prouvent ces persécutions, mes enfants ? que la haine et la vengeance peuvent devenir encore plus ridicules qu’elles ne sont odieuses ! Et l’on ne doit avoir que dégoût et pitié pour l’odieux et le ridicule !… Ah ! mes enfants ! pleurons l’absence de votre père… mais songeons que chaque jour de son martyre le grandit et l’honore !…

– Tu as raison, ma mère, – dit Sacrovir en soupirant. – Les pensées de haine et de vengeance sont mauvaises au cœur.

– Ah ! – reprit tristement Velléda, – pauvre père ! le jour de demain était attendu par lui avec tant d’impatience !…

– Le jour de demain ? – demanda Georges à sa femme. – Pourquoi cela ?

– Demain est l’anniversaire de la naissance de mon fils, – reprit madame Lebrenn. – Demain, 11 septembre, il aura vingt-et-un ans ; et pour plusieurs raisons cet anniversaire devait être pour nous une fête de famille.

Madame Lebrenn achevait à peine ces mots, que l’on entendit sonner à la porte de l’appartement.

– Qui peut venir si tard ? Il est près de minuit, – dit madame Lebrenn. – Voyez ce que c’est, Jeanike.

– J’y vais, madame ! – s’écria héroïquement Gildas en se levant. – Il y a peut-être du danger.

– Je ne le pense pas, – reprit madame Lebrenn ; – mais allez toujours ouvrir.

Au bout d’un instant, Gildas revint, tenant une lettre qu’il remit à madame Lebrenn, en lui disant :

– Madame, c’est un commissionnaire qui a apporté cela… Il n’y a pas de réponse.

À peine la femme du marchand eut-elle jeté les yeux sur l’enveloppe, qu’elle s’écria :

– Mes enfants !… une lettre de votre père !…

Georges, Sacrovir et Velléda se levèrent spontanément et se rapprochèrent de leur mère.

– C’est singulier ! – reprit celle-ci en examinant avec inquiétude l’enveloppe qu’elle décachetait. – Cette lettre doit venir de Rochefort comme les autres, et elle n’est pas timbrée…

– Peut-être, – dit Georges, – monsieur Lebrenn aura-t-il chargé quelqu’un partant de Rochefort de vous la faire parvenir.

– Et telle aurait été la cause du retard, – reprit Sacrovir. – C’est probable.

Madame Lebrenn, assez inquiète, se hâta de lire à ses enfants la lettre suivante :

« Chère et tendre amie, embrasse nos enfants au nom d’une bonne nouvelle, dont vous allez être aussi heureux que surpris… J’ai espoir de vous revoir bientôt… »

Ces mots étaient à peine prononcés par la femme du marchand, qu’il lui fut impossible de continuer sa lecture. Ses enfants l’entourèrent et sautèrent à son cou avec des exclamations de joie impossible à rendre, tandis que Gildas et Jeanike partageaient l’émotion de la famille.

– Mes pauvres enfants ! soyons raisonnables, ne triomphons pas trop tôt, – dit madame Lebrenn. – Ce n’est qu’un espoir que votre père nous donne… Et Dieu sait combien notre espérance d’amnistie a été souvent déçue !

– Alors, mère, lis vite… bien vite… achève, – dirent les enfants d’une voix impatiente. – Nous allons voir si cet espoir est sérieux.

Madame Lebrenn continua la lettre de son mari :

« J’ai l’espoir de vous revoir bientôt… plutôt même que vous ne pouvez le croire… »

– Vois-tu, mère ! vois-tu ?…

Dirent les enfants d’une voix palpitante et les mains jointes, comme s’ils eussent prié.

– Achève ! achève !

– Mon Dieu ! mon Dieu ! serait-il possible !… Nous le reverrions bientôt ! – dit madame Lebrenn en essuyant les pleurs qui obscurcissaient sa vue ; et puis elle continua :

« Quand je dis espoir, chère et tendre amie, c’est plus qu’un espoir, c’est une certitude… J’aurais dû commencer ma lettre en te donnant cette assurance ; mais, quoique certain de la fermeté de ton caractère, j’ai craint qu’une trop brusque surprise ne vous fît mal, à toi et à nos enfants… Vous voici donc déjà familiarisés avec l’idée de me revoir prochainement… très-prochainement, n’est-ce pas ? Je puis donc vous… »

– Mais, ma mère ! – s’écria Georges Duchêne en interrompant la lecture, – monsieur Lebrenn doit être à Paris !

– À Paris ! – s’écria-t-on tout d’une voix.

– La lettre n’est pas timbrée, – reprit Georges ; – monsieur Lebrenn est arrivé… il l’aura envoyée par un commissionnaire.

– Plus de doute ! Georges a raison, – reprit madame Lebrenn.

Et elle lut rapidement la fin de la lettre :

« Je puis donc vous promettre que nous fêterons en famille le jour de l’anniversaire de la naissance de mon fils… Ce jour commence ce soir à minuit… Je serai donc à minuit au milieu de vous, peut-être avant ; car aussitôt le commissionnaire descendu, je monterai l’escalier et j’attendrai… Oui, j’attends à la porte, là, près de vous. »

Ces mots à peine achevés, madame Lebrenn et ses enfants se précipitaient à la porte de l’appartement.

Elle s’ouvrit.

En effet, M. Lebrenn était là.

* *

*

Il faut renoncer à peindre les transports de cette famille en retrouvant ce père adoré.

Chapitre 13

 

Comment le jour anniversaire de la naissance de son fils M. Lebrenn lui ouvre cette chambre mystérieuse qui causait tant d’étonnements à Gildas Pakou, le garçon de magasin. – Comment Sacrovir Lebrenn et Georges Duchêne, son beau-frère, désespéraient du salut de la république et du progrès de l’humanité.