Cette femme coupa
souvent à des hommes les parties naturelles et la peau du ventre,
et brûla à des femmes avec des lames rougies au feu les parties les
plus secrètes de leurs corps. » (Liv. VIII, p. 231,
tom. 3.)
« Le neveu de l’évêque, ayant fait mettre
l’esclave à la torture, il dévoila toute l’affaire : – J’ai
reçu, dit-il, pour commettre le crime cent sous d’or de la reine
Frédégonde, cinquante de l’évêque Mélanthius et cinquante
autres de l’archidiacre de la ville. » (T. 3, liv. VIII,
p. 235.)
« Salone et Sagittaire
furent évêques, le premier d’Embrun, le second de Gap ; mais
une fois en possession de l’épiscopat, ils commencèrent à se
signaler avec une fureur insensée, par des usurpations, des
meurtres, des adultères et d’autres excès ; quittant la table
au lever de l’aurore, ils se couvraient de vêtements moelleux et
dormaient ensevelis dans le vin et le sommeil jusqu’à la troisième
heure du jour. Ils ne se faisaient pas faute de femmes pour se
souiller avec elles. » (Liv. V, p. 263.)
« L’évêque Oconius était adonné
au vin outre mesure ; il s’enivrait souvent d’une manière si
ignoble qu’il ne pouvait faire un pas. » (Liv. V,
p. 313).
« Nous avons appris, – dit le concile de
589, – que les évêques traitent leurs paroisses non épiscopalement,
mais cruellement. Et tandis qu’il a été écrit : Ne
dominez pas sur l’héritage du Seigneur, mais rendez-vous les
modèles du troupeau, ils accablent leurs diocèses de
pertes et d’exactions. »
Un autre concile, tenu en 675, dit :
« Il ne convient pas que ceux qui ont
déjà obtenu les degrés ecclésiastiques, c’est-à-dire les prêtres,
soient sujets à recevoir des coups, si ce n’est pour des
choses graves ; il ne convient pas que chaque évêque, à son
gré et selon qu’il lui plaît, frappe de coups et fasse souffrir
ceux qui lui sont soumis. »
Un autre concile de 527 : – « Il
nous est parvenu que certains évêques s’emparent des choses
données par les fidèles aux paroisses ; de sorte qu’il ne
reste rien ou presque rien aux églises. »
Le concile de 633 est non moins formel :
« Ces évêques, ainsi que l’a prouvé une enquête, accablent
d’exactions leurs églises paroissiales, et pendant qu’ils vivent
eux-mêmes avec un riche superflu, il est prouvé qu’ils ont
réduit presque à la ruine certaines basiliques. Lorsque l’évêque
visite son diocèse, qu’il ne soit à charge à personne par la
multitude de ses serviteurs, et que le nombre de ses voitures ne
soit pas de plus de cinq. »
M. Guizot, dans son admirable
ouvrage : Histoire de la civilisation en France,
après avoir cité des preuves nombreuses, irréfragables de la
hideuse cupidité de l’épiscopat et de son implacable ambition,
ajoute : « En voilà plus qu’il n’en faut sans doute pour
prouver l’oppression et la résistance, le mal et la tentation d’y
porter remède ; la résistance échoua, le remède fut
inefficace ; le despotisme épiscopal continua de se
déployer ; aussi au commencement du septième siècle,
l’Église était tombée dans un état de désordre presque égal à
celui de la société civile… Une foule d’évêques se
livraient aux plus scandaleux excès ; maîtres des
richesses toujours croissantes de l’Église, rangés au
nombre des grands propriétaires, ils en adoptaient les intérêts et
les mœurs ; ils faisaient contre leurs voisins des
expéditions de violence et de brigandage, etc., etc. »
(P. 396, v. 1.)
« Cautin, devenu évêque, se
conduisit de manière à exciter l’exécration générale ; il
s’adonnait au vin outre mesure, et souvent il se plongeait
tellement dans l’ivresse, que quatre hommes avaient peine à
l’emporter de table. Il en devint épileptique ; il était en
outre excessivement livré à l’avarice, et quelle que fût la terre
dont les limites touchaient à la sienne, il se croyait mort s’il ne
s’appropriait pas quelque partie des biens de ses voisins,
l’enlevant aux plus forts par des procès et des querelles,
l’arrachant aux plus faibles par la violence. » (L. IV,
p. 29, v. 2.)
Dans son amour pour le bien d’autrui, l’évêque
Cautin fit un autre tour fort longuement raconté par saint
Grégoire. Il s’agissait d’un prêtre nommé Anastase, qui,
par une charte de la reine Clotilde, possédait une propriété ;
ce bien, l’évêque Cautin le convoita ; il le demanda à
Anastase ; celui-ci refusa de se déposséder ; l’évêque
l’attire alors chez lui sous un prétexte, le renferme et lui
signifie qu’il le laissera mourir de faim s’il ne lui abandonne ses
titres de propriété ; Anastase persiste dans ses refus ;
alors, dit Grégoire de Tours :
« Anastase est remis à des gardiens et
condamné par Cautin, s’il ne remet les chartes, à mourir de
faim ; dans la basilique de saint Cassius, martyr, était une
crypte antique et profonde ; là se trouvait un vaste tombeau
de marbre de Paros, où avait été déposé le corps d’un grand
personnage dans le sépulcre. Anastase (par l’ordre de Cautin) est
enseveli avec le mort ; on met sur lui une pierre qui servait
de couvercle au sarcophage, et on place des gardes à l’entrée du
souterrain. »
Entre autres détails que donne Grégoire de
Tours sur cette torture atroce, il cite celui-ci :
« … Des os du mort, – c’est Anastase qui
le racontait ensuite, – s’exhalait une odeur pestilentielle, et il
aspirait, non-seulement par la bouche et par les narines, mais, si
j’ose le dire, par les oreilles même cette atmosphère
cadavéreuse. » (L. IV, p. 31)
Au bout de quelques heures, Anastase put
soulever la pierre du sépulcre, appela à son aide, et fut délivré.
Quant à l’évêque Cautin, il songea à d’autres tours, et conserva
bel et bien son évêché.
Certes, il y eut des évêques purs de ces
crimes abominables ; mais les plus purs de ces prêtres
achetaient, vendaient, exploitaient des esclaves, crime inexpiable
pour un prêtre du Christ ; aucune puissance humaine, morale ou
physique, ne pouvait les forcer à conserver leur prochain en
esclavage ; mais les plus purs de ces prêtres étaient enrichis
des dépouilles ensanglantées de leurs concitoyens ; mais les
plus purs de ces prêtres se rendaient complices des conquérants
pour asservir la Gaule, leur patrie ; mais le nombre de ces
évêques, moins coupables que l’universalité de leurs confrères,
était bien minime. Citons encore l’histoire :
« La religion, – écrivait saint Boniface
au pape Zacharie, – est partout foulée aux pieds ; les évêchés
sont presque toujours donnés à des laïques avides de
richesses, on à des prêtres débauchés et prévaricateurs
qui en jouissent selon le monde. J’ai trouvé, parmi les diacres,
des hommes habitués dès l’enfance à la débauche, à l’adultère,
aux vices les plus infâmes ; ils ont dans leur lit, pendant la
nuit, quatre ou cinq concubines et même davantage ; tout
récemment on a vu des gens de cette espèce monter ainsi de grade en
grade jusqu’à l’épiscopat…, etc., etc. »
Vous avez eu et vous aurez connaissance, chers
lecteurs, des crimes et des mœurs de ces rois franks, nos
premiers rois de droit divin, ainsi que disent les royalistes
et les ultramontains ; quant aux mœurs des seigneurs ducs et
des seigneurs comtes franks, leurs compagnons de pillage, de viol
et de massacre, nous emprunterons au hasard à Grégoire de Tours
quelques traits caractéristiques des habitudes de nos doux
conquérants :
« Le comte Amal s’éprit d’amour
pour une jeune fille de condition libre ; quand vint la nuit,
pris de vin, il envoya des serviteurs chargés d’enlever la jeune
fille et de l’amener dans son lit. Comme elle résistait, on la
conduisit de force dans la demeure du comte, et comme ou lui
donnait des soufflets, le sang coulait à flots de ses narines, et
le lit du comte en fut tout rempli ; lui-même lui donna des
coups de poing, des soufflets et autres coups ; puis il la
prit dans ses bras et s’endormit accablé par le sommeil. »
(L. IX, p. 331).
Un autre de ces seigneurs franks, amis et
complices des évêques, le duc Runking, était plus inventif
et plus recherché dans ses cruautés :
« Si un esclave tenait devant lui un
cierge allumé, comme c’est l’usage pendant son repas, il lui
faisait mettre les jambes à nu et le forçait d’y serrer avec force
le flambeau jusqu’à ce qu’il fût éteint ; quand on l’avait
rallumé, il faisait recommencer jusqu’à ce que les jambes de
l’esclave fussent toutes brûlées. » (L. V.,
p. 175).
Une autre fois, on lui demanda de ne pas
séparer deux de ses esclaves, un jeune homme et une jeune fille qui
s’aimaient : « – Il le promet, et les fait enterrer tous
deux vivants, disant : Je ne manque pas au serment que
j’ai fait de ne pas les séparer. » (Ibid., V.,
p. 177.)
Je vais donc tâcher, chers lecteurs, dans le
récit suivant, de retracer à vos yeux cette funeste période de
notre histoire : la conquête de la Gaule par l’invasion
franque, appelée, soutenue par les évêques. Ce récit nous le
ferons moins encore au point de vue de la fondation de la royauté
de droit divin et de l’énorme puissance de l’Église, qu’au
point de vue de l’asservissement, des douleurs, des misères du
peuple. Hélas ! ce peuple gaulois que nous avons vu jadis sous
l’influence druidique, si fier, si vaillant, si intelligent, si
patriote, si impatient du joug de l’étranger, nous allons le
retrouver déchu de ses mâles et patriotiques vertus des temps
passés, hébété, craintif, soumis devant les Franks et les
évêques ; il n’a plus de Gaulois que le nom, et ce nom, il ne
le conservera pas longtemps. Aux lueurs divines de l’Évangile
émancipateur, vers lesquelles ce peuple a d’abord couru confiant et
crédule à la voix des premiers apôtres prêchant l’égalité, la
fraternité, la communauté, ont succédé pour lui les menaçantes
ténèbres de l’obscurantisme, mettant le salut au prix de
l’ignorance, de l’asservissement et de la douleur. Le souffle
mortel, cadavéreux de l’Église romaine, a glacé ce noble peuple
jusque dans la moelle des os, refroidi son sang, arrêté les
battements de son cœur, autrefois palpitant d’héroïsme et
d’enthousiasme, à ces mots sacrés : patrie et liberté.
Cependant, pour quelque temps encore, l’antique patriotisme de la
vieille Gaule s’est réfugié dans un coin de ce vaste pays,
l’indomptable Bretagne, encore toute imbue de la foi druidique, si
étroitement liée au sentiment d’indépendance et de nationalité,
mais rajeunie, vivifiée par l’idée purement chrétienne et
libératrice, l’indomptable Bretagne avec ses dolmens surmontés
de la croix, avec ses vieux chênes druidiques greffés de
christianisme, ainsi que l’ont dit les historiens, résista
seule, résistera seule jusqu’au huitième siècle, luttant contre
la Gaule… Que disons-nous ! les conquérants lui ont,
hélas ! volé jusqu’à son nom ! résistera seule, luttant
contre la FRANCE royale et catholique. Ceci, comme toutes
les leçons de l’histoire, porte en soi, un grave enseignement.
L’Église de Rome a de tout temps été fatale, mortelle à la liberté
des peuples ; voyez même à cette heure, les états purement
catholiques ne sont-ils pas encore plus ou moins asservis, la
Pologne, la Hongrie, l’Irlande, l’Espagne ? dites quel est
leur sort ? Et cet abominable système d’abrutissement
superstitieux et d’esclavage, le parti absolutiste et ultramontain
rêve encore de nous l’imposer. N’avez-vous pas entendu à la tribune
un représentant de ce parti demander une expédition de Rome à
l’intérieur de la France ? N’entendez-vous pas chaque
jour les nombreux journaux de ce parti répéter, selon le mot
d’ordre des ennemis de la révolution et de la république,
« la société menacée n’a plus de salut que dans
l’antique monarchie de droit divin, soutenue par une religion
d’État puissamment organisée, et au besoin défendue par une
formidable armée étrangère. Écoutez les absolutistes ultramontains,
que disent-ils tous les jours ? Nous aimons mieux les
Cosaques que la République. »
Oui, le jésuite pour anéantir l’âme, le
Cosaque pour garrotter le corps, l’inquisiteur pour appliquer la
torture ou la mort aux mécréants rebelles, voilà l’idéal de ce
parti qui n’a pas changé depuis quatorze siècles, tel est son
désir, tel est son espoir dans sa réalité brutale. Un de nos amis,
causant un jour avec un des plus fougueux champions du parti
clérical, lui disait :
« – Je vous crois fort peu
patriote ; cependant, avouez que vous ne verriez pas sans
honte une nouvelle invasion étrangère occuper la France… votre
pays, puisque, après tout, vous êtes Français ?…
« – Je ne suis pas plus Français
qu’Anglais ou Allemand, – répondit l’ultramontain avec un éclat de
rire sardonique, – je suis citoyen des États de l’Église ; mon
souverain est à Rome, seule capitale du monde catholique ;
quant à votre France, je verrais sans déplaisir les
Cosaques chargés de la police en ce pays, ils n’entendent point le
français, l’on ne pourrait les pervertir, comme on a
malheureusement perverti notre armée. »
Voilà donc le dernier mot du parti clérical et
absolutiste : appeler de tous ses vœux l’invasion des
Cosaques, de même qu’il y a quatorze siècles, il appelait, par la
voix des évêques, l’invasion des Franks…
Qui sait ? quelque nouveau saint
Rémi rêve peut-être à cette heure, sous sa cagoule, le baptême
de l’hérétique Nicolas de Russie dans la basilique de Notre-Dame de
Paris, espérant dire à son tour à l’autocrate du Nord :
« Courbe la tête, fier Sicambre… te voici catholique,
partageons-nous la France… »
Nous allons donc tâcher, chers lecteurs, de
vous montrer au vrai quel a été le berceau de la monarchie
de droit divin et de la terrible puissance de l’Église catholique,
apostolique et romaine.
Eugène SUE,
Représentant du Peuple.
18 septembre 1850.
LA GARDE DU POIGNARD KARADEUK-LE BAGAUDE
ET RONAN-LE VAGRE
PROLOGUE. – LES KORRIGANS – 375-529.
Le vieil Araïm. – Danse magique des
Korrigans et des Dûs. – Le colporteur. – Le roi
Hlod-Wig et ses crimes. – Sa femme Chrotechild.
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