Les Mystères du peuple - Tome V

Les Mystères du peuple - Tome V
Eugène Sue
Published: 1849
Type(s): Novels, History
Source: http://www.ebooksgratuits.com
A propos de Sue:
Écrivain français, il fut une des initiateurs du roman
feuilleton avec ce qui fut le premier grand succès du genre, «Les
Mystères de Paris». Il écrivit aussi «Le Juif errant» et les
«Mystères du peuple».
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Les Mystères du peuple -
Tome I (1849)
Les Mystères du peuple -
Tome II (1849)
Les Mystères du peuple -
Tome III (1849)
Les Mystères du peuple -
Tome IV (1849)
Les Mystères du peuple -
Tome VI (1849)
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Il n’est pas une réforme religieuse,
sociale ou politique que nos pères n’aient été forcés de conquérir,
de siècle en siècle, au prix de leur sang, par
l’INSURRECTION.
Correspondance avec les Éditeurs étrangers
L’éditeur des Mystères du Peuple
offre aux éditeurs étrangers, de leur donner des épreuves de
l’ouvrage, quinze jours avant l’apparition des livraisons à Paris,
moyennant 15 francs par feuille, et de leur fournir des gravures
tirées sur beau papier, avec ou sans la lettre, au prix de 10
francs le cent.
***
Travailleurs qui ont concouru à la publication du
volume :
Protes et Imprimeurs : Richard
Morris, Stanislas Dondey-Dupré, Nicolas Mock, Jules Desmarest,
Louis Dessoins, Michel Choque, Charles Mennecier, Victor Peseux,
Étienne Bouchicot, Georges Masquin, Romain Sibillat, Alphonse
Perrève, Hy père, Marcq fils, Verjeau, Adolphe Lemaître, Auguste
Mignot, Benjamin.
Clicheurs : Curmer et ses
ouvriers.
Fabricants de papiers : Maubanc
et ses ouvriers, Desgranges et ses ouvriers.
Artistes Dessinateurs :
Charpentier, Castelli.
Artistes Graveurs : Ottweit,
Langlois, Lechard, Audibran, Roze, Frilley, Hopwood, Massard,
Masson.
Planeurs d’acier : Héran et ses
ouvriers.
Imprimeurs en taille-douce :
Drouart et ses ouvriers.
Fabricants pour les primes, Associations
fraternelles d’Horlogers et d’ouvriers en Bronze :
Duchâteau, Deschiens, Journeux, Suireau, Lecas, Ducerf, Renardeux,
etc., etc.
Employés et correspondants de
l'Administration : Maubanc, Gavet, Berthier,
Henry, Rostaing, Jamot, Biais, Rousseau, Toussaint,
Rodier, Swinnens, Porcheron, Gavet fils, Dallet, Delaval, Renoux,
Vincent, Charpentier, Dally, Berlin, Sermet, Cbalenton, Blot,
Thomas, Gogain, Philibert, Nachon, Lebel, Plunus, Grossetête,
Charles, Poncin, Vacheron, Colin, Carillan, Constant, Fonteney,
Boucher, Dams, Adolphe, Renoux, Lyons, Letellier, Alexandre, Nadon,
Normand, Rongelet, Bouvet, Auzurs, Dailhaux, Lecerf, Bailly,
Baptiste, Debray, Saunier, Tuloup, Richer, Daran, Camus, Foucaud,
Salmon, Strenl, Seran, Tetu, Sermet, Chauffour, Caillaut, Fondary,
C. de Poix, Bresch, Misery, Bride, Canon, Charles, Celcis,
Chartier, Lacoste, Dulac, Delaby, Kaufried, Cbappuis, etc., etc.,
de Paris ; Férand, Collier, Petit-Bertrand, Périé, Plantier,
Etche-gorey, Giraudier, Gaudin, Saar, Dath-Godard, Hourdequin,
Weelen, Bonniol, Alix, Mengelle, Pradel, Manlius Salles, Vergnes,
Verlé, Sagnier, Samson, Ay, Falick, Jaulin, Fort-Mussat, Freund,
Robert, Carrière, Guy, Gilliard, Collet, Ch. Celles, Laurent,
Castillon, Drevet, Jourdan Moral, Bonnard, Legros, Genesley,
Bréjot, Ginon, Féraud, Vandeuil, Châtonier, Bayard, Besson,
Delcroix, Delon, Bruchet, Fournier, Tronel, Binger, Molini, Bailly,
Fort-Mussot, Laudet, Bonamici, Pillette, Morel, Chaigneau, Goyet,
Colin-Morard, Gerbaldi, Fruges, Raynaut, Chatelin, Bellue, etc.,
etc., des principales villes de France et de
l’étranger.
La liste sera ultérieurement complétée, dès
que nos fabricants et nos correspondants des départements, nous
auront envoyé les noms des ouvriers et des employés qui concourent
avec eux à la publication et à la propagation de l’ouvrage.
Le Directeur de l’Administration.
Paris – Typ.
Dondey-Dupré, rue Saint-Louis, 46, au Marais.
L’AUTEUR AUX ABONNÉS DES MYSTÈRES DU
PEUPLE.
Chers lecteurs,
Nous avons cru devoir donner de longs
développements à l’épisode de Ronan le Vagre, ce récit
vous retraçait la conquête de la Gaule, notre mère patrie, l’un des
faits les plus capitaux de l’histoire des siècles passés, puisque
les partisans de la royauté du droit divin et les ultramontains
revendiquent encore aujourd’hui pour leurs rois et pour
leur foi, cette sanglante et inique origine. Dernièrement
encore, à l’Assemblée nationale, (séance du 15 janvier 1851),
n’avons-nous pas entendu le plus éloquent défenseur du parti
légitimiste prononcer ces paroles à propos de HENRI V :
« En rentrant en France… il ne peut être que le premier
des Français… le ROI… de ce pays que ses aïeux ont
CONQUIS… » – Quelques jours auparavant, lors de la discussion
du projet de loi sur l’observance forcée du dimanche, n’avons-nous
pas entendu M. Montalembert invoquer LA FOI DE CLOVIS !
La foi de Clovis ! jugez, chers lecteurs, vous qui connaissez
Clovis, sa foi et les actes de ce fervent catholique.
Telle est donc, de l’aveu même des partisans
du droit divin, l’origine de ce droit : la conquête,
c’est-à-dire, la violence, la spoliation, le massacre…
Certes, nous ne prétendons point que les légitimistes d’aujourd’hui
soient des hommes de violence, de spoliation, de massacre ;
mais l’inexorable fatalité des faits, l’histoire en un mot, prouve
à chacune de ses pages l’abominable et oppressive iniquité de ce
prétendu droit divin, alors consacré par l’odieuse complicité de
l’Église catholique. Puis vous aurez remarqué, chers lecteurs, la
part que le clergé gaulois a prise à cette conquête, dont il a
partagé les dépouilles ensanglantées.
Nous étudierons dans les récits suivants les
conséquences de cette conquête, le sort des peuples
toujours réduits aux douleurs et aux misères de l’esclavage, les
désastres de la Gaule incessamment déchirée par les guerres civiles
ou ravagée par les invasions des Arabes au huitième siècle, et des
Normands au neuvième et au dixième… Oui, des Arabes, car, chose
étrange, Abd-el-Kader, cet intrépide et dernier défenseur
de la nationalité arabe (car tout en rendant un juste hommage à
l’admirable bravoure de notre armée, n’oublions pas que lui aussi,
comme les Gaulois du vieux temps, combattait pour son foyer, pour
sa religion, pour sa patrie…) tandis que Abd-el-Kader est
aujourd’hui prisonnier au château de Blois, il y a onze siècles les
ancêtres de cet émir, alors maîtres de presque tout le midi de la
Gaule, où ils s’établirent durant de longues années, poussèrent
leurs excursions guerrières jusqu’à Bordeaux, jusqu’à
Tours, jusqu’à Poitiers, jusqu’à Blois…
à Blois où à cette heure Abd-el-Kader, par un étrange
revirement du sort des nations, semble expier la conquête de ses
ancêtres, maîtres en ces temps-là d’une partie de notre sol, comme
nous sommes aujourd’hui maîtres de l’Afrique.
Vous allez enfin, chers lecteurs, dans
l’épisode de la Crosse abbatiale, assister à des scènes
étranges qui se passent au milieu d’un couvent de femmes. Ces
étrangetés, je dois les justifier par quelques citations relatives
à de semblables scènes rapportées par les chroniqueurs
contemporains.
« ……… Chrodielde et plusieurs de ses
religieuses retournèrent à Poitiers et se mirent en sûreté dans la
basilique de Saint-Hilaire, réunissant autour d’elles des voleurs,
des meurtriers, des adultères, des criminels de toute espèce, car
elles se préparaient à combattre…
»……… Les scandales que le diable avait fait
naître dans le monastère de Poitiers devenaient de plus en plus
déplorables… On accusait l’abbesse d’ouvrir les bains du monastère
à des hommes, d’avoir continuellement autour d’elle des jeunes gens
habillés en femmes, etc., etc. » (Grégoire, évêque de Tours,
liv. IX, X et suivants.)
Un autre évêque, nommé Venance
Fortunat, écrivait à deux religieuses les vers suivants pour
rendre hommage aux repas succulents qu’elles lui préparaient de
leurs mains chéries :
« ……… Au milieu des délices variées,
lorsque tout flattait mon goût, je dormais et je mangeais tour à
tour, j’ouvrais la bouche, je fermais les yeux, toutes les sauces
tentaient mon appétit ; croyez-le bien, mes chéries,
j’avais l’esprit troublé, il m’eût été difficile de m’exprimer
librement ; ni mes doigts ni ma plume ne pouvaient tracer des
vers : l’ivresse de ma muse avait rendu mes mains incertaines,
car je ne suis pas à l’abri des accidents qui menacent le
commun des buveurs ; la table même me semblait nager dans
le vin, etc. » (Poésies de VENANCE FORTUNAT, liv.
VII, p. 24.)
Un dernier mot de gratitude, chers lecteurs,
pour vous remercier de votre intérêt constant pour cette œuvre, que
les prétentions monarchiques et cléricales, coalisées contre la
république démocratique et sociale, rendent presque de
circonstance.
Paris, 20 janvier 1851
EUGÈNE SUE,
Représentant du peuple pour le département de
la Seine.
LA CROSSE ABBATIALE OU BONAÏK L’ORFÈVRE
ET SEPTIMINE LA COLIBERTE. – 615-793.
CHAPITRE PREMIER.
Les Arabes en Gaule. – Ils ravagent la
Bourgogne, le Limousin ; prennent Bordeaux et s’avancent
jusqu’à Blois, Tours et Poitiers. –
Abd-el-Malek. – Abd-el-Kader et ses cinq fils à
Narbonne. – Rosen-aër. – Arrivée de
Karl-Martel(ou Marteau). – Le monastère de Saint-Saturnin.
– Septiminela Coliberte. – Le dernier rejeton
de Clovis. – CommentAmael avait changé son nom
pour celui de Berthoald, capitaine aventurier. –
Karl-Martel.
Moi, Amael, pour accomplir le vœu de notre
ancêtre Joël, le brenn de la tribu de Karnak, j’ai écrit
les récits suivants : Né en l’année 712, j’avais pour père
Guen-aël, pour grand-père Wanoch, pour bisaïeul
Alan, fils de Grégor, petit-fils de Ronan le
Vagre, mort en 616, dans la vallée de Charolles, paisible
colonie ou, à l’abri des guerres civiles qui désolaient la Gaule,
la descendance de Ronan vécut libre et heureuse jusqu’en 732. À
cette époque, les Arabes, depuis longtemps établis dans le midi de
la Gaule, envahirent la Bourgogne, pillèrent et incendièrent
Châlons-sur-Saône, ravagèrent la vallée de Charolles, et emmenèrent
esclaves le peu d’habitants qui avaient survécu à une défense
désespérée. Pendant les cent vingt ans qui s’écoulèrent entre la
mort de Ronan et l’année 737, où commence ce récit, dix rois de la
race de CLOVIS régnèrent sur la Gaule :
Clotaire II, justicier de Brunehaut, mourut en
628 ; Dagobert en 638, Clovis II en
660, Childérik II en 673,
Thierry III en 690, Clovis III
en 695, Childebert III en 711,
Dagobert II en 715, Chilpérik II en
720, Thierry IV en 736.
Après la mort de Dagobert Ier,
commença le véritable règne des maires du palais,
fonctions devenues presque toujours héréditaires, entre autres dans
la famille de Pépin d’Héristal, famille de race franke,
issue de l’évêque Arnulf, dont les immenses domaines, dus
à la sanglante iniquité de la conquête, embrassaient une grande
partie de l’est de la Gaule. La plupart des rois descendant de
Clovis, dépossédés de l’exercice de la royauté par l’ambition
toujours croissante des maires du palais, se montrèrent dignes de
leur royale lignée par leurs vices, leurs crimes, leurs précoces et
honteuses débauches. N’ayant de rois que le nom, ils furent appelés
rois fainéants. Sauf la Bretagne, toujours rebelle au joug
des Franks, et la Bourgogne, qui trouvait sa sécurité dans son
éloignement des contrées que les Francs d’Austrasie et les Franks
de Neustrie se disputaient dans de sanglantes batailles, la Gaule
continua d’être livrée à toutes les misères de l’esclavage, à tous
les désastres des guerres civiles, désastres portés à leur comble
en 719 par la première invasion des Arabes venus d’Afrique à
travers l’Espagne, leur première conquête. Ces fils de Mahomet,
après s’être établis en Languedoc, en Provence et en Roussillon,
ravagèrent la Bourgogne, s’avancèrent jusqu’à la Loire, prirent la
cité de Bordeaux, pillèrent Tours, Blois, Poitiers, ville près de
laquelle ils furent battus, en 732, par Karl-Martel, maire du
palais de Thierry IV et bâtard de Pépin d’Héristal. Malgré
cette défaite, les Arabes conservèrent le Languedoc, où ils
vivaient en maîtres depuis plus de vingt ans.
Les premiers événements de cette nouvelle
légende de notre famille se passent en Languedoc, pays cher à nos
souvenirs ; l’époux de Siomara, cette vaillante
Gauloise, aïeule de Margarid, femme de Joel,
n’était-il pas chef d’une des tribus originaires de cette contrée,
qui allèrent en Asie fonder l’empire oriental des Gaules ?
Plus tard, grand nombre des mêmes peuplades accompagnèrent Brennus
lors de cette campagne d’Italie, où il fit payer rançon à Rome,
rançon que la Rome des empereurs et que la Rome des papes n’a fait
que trop chèrement payer à la Gaule, conquise à son tour ! Les
funestes divisions suscitées par les descendants des rois détrônés
et rasés par Ritta-Gaür vinrent ensuite ébranler et
désunir la glorieuse république des Gaules, à qui le pays,
sous la sage et patriotique inspiration des druides, avait dû tant
de siècles de grandeur et de prospérité ; alors le Languedoc,
presque livré à ses propres forces pour résister à l’invasion
romaine, combattit intrépidement, ayant à sa tête Budok,
ce guerrier géant, qui, dédaigneux de la mort, allait demi-nu, à la
bataille, armé d’une massue de fer ; Bituit, un des
plus vaillants hommes de l’Auvergne, ce chef qui donnait pour repas
à sa meute de guerre une légion romaine, se joignit à
Budok ; mais, malgré leur résistance héroïque, ils
furent écrasés par les forces supérieures des Romains, et ceux-ci
établirent en Gaule leur première colonie, dont Narbonne
fut la capitale. Triste souvenir !… ce fut non loin de
Narbonne que notre aïeul SYLVEST, livré aux animaux
féroces dans le cirque d’Orange, échappa à une mort presque
certaine, pour entendre les cris déchirants de sa sœur
Siomara, la courtisane, expirant dans les tortures sous
les yeux de Faustine, la patricienne. Lors de la grande
insurrection nationale de Vindex, le Languedoc, à la voix
de ses druides, se souleva de nouveau. À cette formidable
insurrection, ce pays gagna d’être régi par ses propres lois,
d’élire ses chefs, et de faire respecter le culte druidique, dont
les innombrables monuments sont encore debout, à cette heure…
pierres sacrées qui défieront les âges ! Cette fertile
province, sous le nom de Gaule narbonnaise, grandit de
nouveau en prospérité, en richesse ; et au temps où vivait
Victoria la Grande, nulle contrée ne fut plus opulente,
plus civilisée ; partout les arts, les lettres
florissaient ; partout s’élevaient des écoles dont le renom
s’étendait jusqu’aux confins du monde connu ; les vaisseaux de
commerce sillonnaient la Méditerranée ou naviguaient sur la Garonne
et sur le Rhône ; mais bientôt les prêtres catholique
envahirent ces provinces, prêchant d’abord, ainsi qu’ils le firent
partout ailleurs, la divine parole de Jésus ; puis, lui
substituant peu à peu, en abusant de la confiante crédulité
populaire, la religion des papes de Rome, ils commencèrent, là
comme ailleurs, à dégrader, à hébéter les peuples.
Lors de l’invasion des hordes venues des
forêts du Nord, les Franks de Clovis conquirent le nord de la
Gaule ; les Wisigoths, autres tribus franques, conquirent le
midi, et, après des ravages sans nombre, ils s’établirent en
Languedoc, vers 460, sous leur chef Théodorik. Les peuples
du midi de la Gaule avaient jusqu’alors professé
l’arianisme, secte dissidente, qui, se rapprochant
davantage du primitif Évangile, voyait avec raison dans Jésus, le
charpentier de Nazareth, non pas un Dieu, mais un sage. Les
Évêques, après avoir, selon leur coutume, lâchement adulé et
consacré la conquête des Wisigoths, afin de partager avec eux la
puissance et le butin, appelèrent à leur aide Clovis, l’orthodoxe,
contre Théodorik, roi de ces Wisigoths, dont le crime était de
tolérer l’hérésie arienne.
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