Cet homme, nommé Harold-le-Normand, se livrait, ainsi que bon nombre de descendants des pirates du vieux Rolf, au commerce des reliques(16), sur lesquelles ils larronnaient outrageusement, donnant aux fidèles, pour de saints débris, les ossements qu’ils enlevaient, durant la nuit, aux gibets seigneuriaux. Non loin d’Harold-le-Normand marchaient deux moines ; lorsqu’ils se parlaient, ils échangeaient les noms de Simon et de Yéronimo. Le capuchon abaissé du froc de Simon cachait complètement sa figure ; mais le capuchon de Yéronimo, rabattu sur ses épaules, laissait voir le brun et maigre visage de ce moine, que ses gros sourcils, aussi noirs que sa barbe, rendaient d’une dureté farouche. À quelques pas derrière ces prêtres venait, monté sur une belle mule blanche, aux formes rebondies, au poil lustré, brillant comme de l’argent, un citadin de Nantes. Son négoce était de trafiquer par mer avec l’Espagne et l’Angleterre ; on le nommait Bezenecq-le-Riche, en raison de ses grands biens. Encore dans la force de l’âge, d’une figure ouverte, intelligente et affable, il portait un chaperon de feutre noir, une robe de fin drap bleu, serrée à sa taille par une ceinture de cuir à laquelle pendait une pochette brodée. Derrière lui, et sur une partie de la selle façonnée à cet usage, se tenait en croupe sa fille Isoline, jouvencelle de dix-huit ans, aux yeux bleus, aux cheveux bruns, aux dents blanches, au visage rose comme une rose de mai, et aussi jolie qu’avenante ; la longue robe gris de perle d’Isoline cachait ses petits pieds, sa mante de voyage, d’une moelleuse étoffe vert foncé, cachait sa taille élégante et souple ; mais le capuchon de cette mante, doublé d’incarnat, découvrait à demi son frais et riant visage. On devinait les sentiments de tendre sollicitude que se portaient le père et la fille aux regards et aux sourires d’affection qu’ils échangeaient souvent, ainsi qu’aux petits soins qu’ils se rendaient l’un à l’autre ; la sérénité d’un bonheur sans mélange, les douces joies du cœur, se lisaient sur leurs traits empreints d’une félicité radieuse. Un serviteur bien vêtu, alerte et vigoureux, conduisait à pied une seconde mule chargée des bagages du marchand ; de chaque côté du bât pendait une épée dans son fourreau, car en ces temps l’on ne marchait jamais sans armes ; Bezenecq-le-Riche s’était conformé à l’usage, quoique ce bon et digne citadin fût d’un naturel peu batailleur. Les voyageurs arrivèrent à un carrefour où la grande route de Nantes à Angers se bifurquait ; à l’entrée de chacun des deux chemins se dressait un gibet seigneurial, symbole et preuve parlante du droit de haute et basse justice exercé par les seigneurs dans leurs domaines ; ce massif pilier de pierre se terminait à son sommet par quatre fourches de fer scellées à angle droit et en potence ; au gibet élevé à l’embranchement du chemin de l’ouest pendaient enfourchés par le cou trois cadavres : le premier, déjà réduit à l’état de squelette, le second, à demi putréfié ; des corbeaux, distraits de leur sanglante curée par l’approche des voyageurs, tournoyaient encore dans les airs au-dessus du troisième cadavre. Ce frêle corps de jeune fille, absolument nu, n’ayant pas autour de lui un lambeau de haillon (les seigneurs féodaux ne respectaient pas même la pudeur dans la mort), ce corps était celui de Perrine-la-Chèvre, torturée, suppliciée à l’aube du jour, selon les menaces de Garin-Mange-Vilain. Les épais cheveux noirs de la victime tombaient sur son visage contracté par l’agonie et sillonné de longues traces de sang desséché, épandu, la veille, de ses yeux crevés ; ses dents serraient encore une figurine de cire longue de deux ou trois pouces, vêtue d’une robe d’évêque et coiffée d’une mitre en miniature façonnée avec un petit morceau d’étoffe d’or. Les sorcières, pour accomplir leurs charmes diaboliques, faisaient souvent placer de ces figurines entre les dents des pendus au moment où ils rendaient l’âme ; les sorcières appelaient ces magies : des envoûtements(17). À côté de ce gibet s’élevait le poteau seigneurial de Neroweg VI, seigneur et comte du pays de Plouernel ; ce poteau, indiquant les limites de la seigneurie traversée par la route de l’ouest, était surmonté d’un écusson rouge, au milieu duquel se voyaient trois serres d’aigle peintes en jaune d’or. Un autre poteau, portant pour emblème un serpent-dragon de couleur verte peint sur fond blanc, indiquait la route de l’est, qui coupait les domaines de DRACO (Dragon), SEIGNEUR DE CASTEL-REDON, et accostait aussi un gibet à quatre fourches patibulaires ; deux d’entre elles seulement étaient garnies : à l’une pendait le cadavre d’un enfant de quatorze ans au plus ; à l’autre le corps d’un vieillard, tous deux à demi déchiquetés par les corbeaux. Isoline, fille de Bezenecq-le-Riche, poussa un cri d’effroi à la vue de ce spectacle lugubre, et se serrant contre le marchand, derrière qui elle se tenait en croupe, murmura tout bas : – Mon père ! oh ! mon père !… vois donc ces pendus… et à l’autre gibet, là-bas, il y a une pauvre femme !
– Ne regarde pas de ce côté, mon enfant, – répondit tristement le bourgeois de Nantes, en se tournant vers sa fille afin de cacher à ses yeux ce funèbre tableau. – Plus d’une fois, durant notre route, nous ferons de ces sinistres rencontres ; hélas ! aux limites de chaque seigneurie on trouve des fourches patibulaires !
– Ah ! mon père, – reprit Isoline, dont le visage, naguère si riant, s’attrista douloureusement, – malgré moi, j’ai peur que cette rencontre ne soit d’un funeste augure pour notre voyage !
– Ma fille chérie ! – reprit le marchand avec angoisse, – ne t’alarme pas ainsi vainement. Sans doute nous vivons en des temps où l’on ne peut sortir des villes et entreprendre de longs trajets avec sécurité ; sans cela, depuis longtemps déjà je serais allé visiter en la cité de LAON mon bon frère Gildas, dont je suis séparé depuis tant d’années ; malheureusement il y a trop loin d’ici en Picardie, pour pouvoir s’aventurer en une telle chevauchée. Mais rassure-toi, le voyage que nous entreprenons durera deux jours à peine, il sera aussi heureux qu’il mérite de l’être. N’accomplissons-nous pas un devoir sacré en nous rendant aux désirs de ton aïeule ? Parvenue à un grand âge, elle ne veut pas mourir sans t’embrasser ; ta présence la consolera du moins du chagrin que lui a laissé la perte de ta pauvre mère, qu’elle regrette aussi douloureusement aujourd’hui qu’à l’époque où elle nous a été ravie !
– Mon père, j’aurai du courage.
– Tiens, mon enfant, s’il ne s’agissait d’un devoir aussi impérieux, je te dirais : retournons dans notre paisible maison de Nantes ; là, du moins, je te verrai, comme par le passé, heureuse et gaie du soir au matin ; car si ton sourire épanouit mon âme, – ajouta Bezenecq d’une voix profondément attendrie, – chacune de tes larmes tombe sur mon cœur !
– Regarde-moi, – reprit Isoline ; – est-ce que maintenant j’ai l’air soucieux, alarmé ? – En parlant ainsi, elle tendait au marchand sa charmante figure redevenue confiante et sereine. Le citadin contempla un instant, silencieux, les traits chéris de sa fille, afin de pénétrer si elle ne cherchait pas seulement à le rassurer ; puis, bientôt convaincu de la sincérité des paroles d’Isoline, une larme de joie lui vint aux yeux, et il s’écria, cherchant à dissimuler son émotion : – Au diable les selles de croupe ! on ne peut pas seulement embrasser son enfant à son aise ! – La jeune fille, alors, par un mouvement rempli de grâce, jeta ses deux bras sur les épaules de son père, et avança son frais visage tellement près de Bezenecq qu’il n’eut qu’à tourner la tête pour baiser la jouvencelle au front et sur les joues ; ce qu’il fit à plusieurs reprises avec un bonheur inexprimable. Pendant ce tendre échange de paroles et de caresses entre le marchand et sa fille, les voyageurs, avant de s’engager dans l’une des deux routes qui s’offraient à eux, s’étaient réunis au milieu du carrefour afin de se concerter sur leur choix ; elles conduisaient également à Angers ; mais l’une, celle qu’indiquait le poteau surmonté d’un serpent-dragon, faisant un long circuit, était d’une longueur double de l’autre. Chacun de ces chemins ayant ses avantages et ses inconvénients, plusieurs voyageurs insistaient pour que l’on prît la route du poteau des trois serres d’aigle ; Simon, le moine dont le capuchon rabattu cachait presque entièrement les traits, s’efforçait, au contraire, d’engager ses compagnons à prendre l’autre chemin. – Mes chers frères ! je vous en conjure ! – s’écriait Simon, – croyez-moi… ne passez pas sur les terres du seigneur de Plouernel… On l’a surnommé Pire-qu’un-Loup, et ce monstrueux scélérat justifie son surnom… Chaque jour l’on parle des voyageurs qu’il arrête et dévalise à leur passage sur ses terres.
– Mon cher frère, – reprenait un citadin, – je sais comme vous que le châtelain de Plouernel est un terrible homme, et que son donjon est un terrible donjon… Plus d’une fois, du haut des remparts de notre cité de Nantes, nous avons vu les gens du comte piller, incendier, ravager le territoire de notre évêque, avec lequel il était en guerre pour la possession de l’ancienne abbaye de Meriadek.
– Cette abbaye où il se fit un si prodigieux miracle, il y a quatre cents ans et plus ? – dit un autre bourgeois. – Sainte Méroflède, abbesse de ce monastère, sommée par les soldats de Karl-Martel de leur céder la place, invoqua le ciel, et ces mécréants, écrasés sous une pluie de pierres et de feu, furent noyés dans des flots de soufre et de bitume enflammés où les entraînèrent des démons cornus, velus et griffus d’un épouvantable aspect… Aussi la vénérable abbesse est-elle morte en grande odeur de sainteté.
– Odeur ineffable qui s’est perpétuée jusqu’à ce jour ; car moi j’ai une dévotion particulière à la chapelle de Sainte-Méroflède, bâtie près du lieu même où s’est accompli cet étonnant miracle à la voix de la pieuse abbesse de Meriadek, – reprit un autre citadin. – J’ai vu des prodiges non moins surprenants arrivés de notre temps, grâce à l’intercession de sainte Méroflède. Elle est incomparable pour remédier à la stérilité des femmes. Mon épouse Simone ne m’avait jamais donné de rejeton, elle a accompli avec mon neveu Thomas-casse-grain un pèlerinage à la chapelle de Sainte-Méroflède, or, neuf mois après, jour pour jour, j’étais père de deux gros jumeaux !
– Il est vrai, la chapelle ne désemplit pas, surtout la nuit, et les offrandes sont d’un gros revenu pour le chapelain ; aussi le seigneur de Plouernel voulut-il revendiquer la propriété de cette chapelle : de là des guerres entre le comte et l’évêque de Nantes. Redoutables guerres, mes compères : elles arrivèrent en ce temps où l’évêque mariait sa dernière fille, à laquelle il donnait en dot la cure de Saint-Paterne.
– Ce fut un beau mariage… l’épouse du seigneur évêque était superbement parée. – Du moment où l’on avait prononcé le nom de l’évêque de Nantes, Simon le moine avait rabaissé davantage le capuchon de son froc, comme s’il eût voulu complètement cacher ses traits. – Certes, mes dignes compères, – reprit un autre citadin, – nous savons que le seigneur Pire-qu’un-Loup est des plus formidables ; mais croit-on que le sire Draco, seigneur de Castel-Redon, soit un agneau ? Non, non ; il est aussi dangereux de passer sur les terres de l’un que sur celles de l’autre, et comment éviter ce passage ? le chemin de l’est, barré par une rivière, aboutit à un pont gardé par les gens du seigneur de Castel-Redon ; le chemin de l’ouest, bordé d’immenses marais, aboutit à une chaussée gardée par les gens du seigneur de Plouernel : prenons la moins longue de ces deux routes, nos dangers seront réduits de moitié.
– Oui… oui… – dirent plusieurs voix ; – ce digne homme a raison.
– Mes chers frères, prenez garde ! – s’écria Simon le moine ; – le seigneur de Plouernel est un monstre de férocité ; il s’adonne à la sorcellerie avec une magicienne, sa concubine… et, pour comble d’horreur, on dit qu’elle est juive !
– Au diable les Juifs ! – s’écria Harold-le-Normand, marchand de reliques. – Quoi ! il en reste encore ? Les Juifs n’ont-ils pas été tous pendus, brûlés, noyés, égorgés, écartelés, lors de la chasse qu’on leur a faite dans toutes les provinces, comme à des bêtes fauves ?
– Et depuis le supplice des hérétiques d’Orléans, qui périrent par le feu, – reprit le moine Yéronimo, – jamais extermination de bêtes immondes ne fut plus méritoire que celle de ces juifs maudits ! N’ont-ils pas poussé les Sarrasins de Palestine à détruire le temple de Salomon à Jérusalem ?
– Quoi ! cher frère, – dit un citadin, – les juifs de ce pays-ci auraient poussé de si loin à la destruction du temple de Jérusalem par les Sarrasins ?
– Oui, mes frères, car les abominables maléfices de ces juifs bravent le temps et l’espace… Mais patience ! viendra bientôt le jour où, par la volonté divine, ce ne seront plus des pèlerins isolés qui s’en iront gémir et prier à Jérusalem sur le tombeau de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais la chrétienté tout entière qui marchera en armes vers la terre sainte, pour exterminer les infidèles et délivrer de leur présence sacrilège le sépulcre du Sauveur du monde !
À ce moment, Bezenecq-le-Riche se rapprocha du groupe des voyageurs ; il apprit bientôt le motif de la discussion, et craignant surtout d’effrayer de nouveau sa fille, il dit : – M’est avis qu’il vaut mieux choisir la route la plus courte ; quant à vos alarmes, elles sont exagérées ; lorsque nous aurons payé aux péagers du seigneur de Plouernel le droit de librement circuler sur les routes et de traverser ses bourgs et ses villages, qu’aura-t-il à réclamer de nous ? Est-ce que nous sommes ses serfs, ses vilains ?
– Vous, homme à barbe grise, pouvez-vous dire de telles choses ? – reprit Simon-le-moine. – Est-ce que ces seigneurs endiablés se soucient du juste et de l’injuste ?
– Mais moi, je m’en soucie, fort ! – reprit Bezenecq-le-Riche ; – si le seigneur de Plouernel me violentait, moi bourgeois de Nantes, j’en appellerais à Wilhelm IX, duc d’Aquitaine, dont relève le seigneur de Plouernel, de même que Wilhelm IX relève de Philippe Ier, roi des Français.
– Et ce serait en appeler du loup au tigre, – reprit Simon-le-moine en haussant les épaules ; – y pensez-vous ? En appeler à Wilhelm IX, duc d’Aquitaine, ce scélérat qui voulut, le poignard sur la gorge, forcer Pierre, évêque de Poitiers, à lui donner l’absolution de ses crimes ! Wilhelm ! cet adultère qui, après des milliers de crimes pareils, a enlevé Malborgiane, femme du vicomte de Châtellerault, grande impudique, dont il ose porter le portrait peint sur son bouclier. Wilhelm ! cet impie, qui osa répondre à Gérard, évêque d’Angoulême, qui lui reprochait ce nouvel adultère : « Évêque, je renverrai Malborgiane lorsque tu friseras tes cheveux ! » Raillerie scélérate, puisque le vénérable prélat était chauve… Wilhelm ! cet abominable débauché, qui veut, dit-il, fonder à Poitiers une abbaye de filles perdues, dont l’abbesse serait la plus forcenée ribaude du Poitou. Wilhelm ! ce sacrilège ! qui, une nuit de Pâques, entendant un sermon sur la résurrection de notre Sauveur Jésus-Christ, s’écria en pleine église : « Fables ! mensonges que tout cela ! » « – Si ce sont des mensonges, – lui dit le prédicateur, – pourquoi rester dans le saint lieu, seigneur duc ? » « – Pour y regarder les jolies femmes, » – répondit ce damné(18). Tel est donc l’homme à qui l’on veut appeler des violences du seigneur de Plouernel !
– Ce Wilhelm IX est certainement un grand criminel, – reprit Yéronimo ; – mais il s’est montré, rendons-lui cette justice, le plus implacable exterminateur des juifs. Pas un de ceux qui habitaient ses domaines n’a échappé au supplice !
– On dit qu’à la vue d’un juif cet homme indomptable et impie pâlit d’horreur et que, si libertin qu’il soit, une juive, fût-elle un astre de beauté, le ferait fuir au bout du monde.
– Tout cela n’empêche point, – reprit Simon-le-Moine, – que si, pour obtenir justice des violences du seigneur de Plouernel, vous comptez sur le duc d’Aquitaine, vous agirez en insensés !
– Si Wilhelm IX ne nous rend pas justice, – reprit Bezenecq-le-Riche, – nous en appellerons au roi Philippe. Oh ! oh ! nous autres citadins, quoique souvent opprimés par les seigneurs des villes, nous ne nous laissons pas, comme les pauvres malheureux serfs, tyranniser sans protester ! Nous savons rédiger une requête…
– Hé ! quel souci prendra de votre requête le roi Philippe ? Ce sardanapale ! ce glouton ! ce fainéant ! ce double adultère ! et qui pis est, ce soliveau ! dont les seigneurs, ses grands vassaux, se raillent à la journée ! Quoi ! c’est à lui que vous iriez demander justice si le duc d’Aquitaine vous la refusait ? Et d’ailleurs, celui-ci voulût-il, comme suzerain du seigneur de Plouernel, le punir de sa violence contre vous, en aurait-il le pouvoir ?
– Certes ! – dit Bezenecq-le-Riche, – il entrerait sur le territoire du seigneur de Plouernel et l’assiégerait dans son château.
Simon-le-Moine secoua tristement la tête, et reprit : – Non, non ! les seigneurs réservent leurs forces pour venger leurs propres offenses, jamais ils ne soutiennent la cause des petites gens, si juste qu’elle soit.
– Nous vivons, je le sais, en de tristes temps, et les temps passés ne valaient guère mieux, – ajouta le citadin en soupirant et jetant sur sa fille un regard inquiet, car elle semblait s’alarmer de nouveau ; – mais il ne faut point, je le répète, nous exagérer le danger ; nous avons à choisir entre deux routes ; supposons qu’il y ait péril égal à les traverser… le bon sens veut que nous prenions la plus courte.
– Et moi, je soutiens le contraire ! – s’écria Simon-le-Moine, qui paraissait plus que personne redouter de passer sur les terres de la seigneurie de Plouernel ; – si la route est plus courte, elle est aussi doublement périlleuse.
– Hélas ! mon père, – dit Isoline au marchand, – est-il donc vrai qu’il y ait tant de dangers à redouter ?
– Non, non, chère enfant… Ce pauvre moine a l’esprit troublé par la peur. – Le Normand, marchand de reliques, ayant entendu les dernières paroles d’Isoline à son père, s’approcha d’elle, et lui dit avec componction : – Jolie jouvencelle, j’ai là, dans mon coffre de reliques, une superbe Dent provenant de la bienheureuse mâchoire d’un saint homme mort à Jérusalem, martyr des Sarrasins.
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