– J’ai fait connaître ce traité lorsqu’il est venu à ma connaissance ; le reste regarde les ministres.
LE PRÉSIDENT. – La ville d’Arles avait levé l’étendard contre-révolutionnaire ; vous avez favorisé la rébellion en envoyant des commissaires qui, loin de réprimer les attentats des royalistes, les ont justifiés. Louis, qu’avez-vous à répondre ?
LOUIS XVI. – Je ne connais aucun de ces commissaires ; cela regarde les ministres.
LE PRÉSIDENT. – Arles et le comtat Venaissin, rendus à la France, ont été le théâtre de la guerre civile fomentée par les commissaires nommés par vous pour la réprimer. Louis, qu’avez-vous à répondre ?
LOUIS XVI, impassible. – Cela regarde les ministres.
LE PRÉSIDENT. – Vous avez envoyé vingt-deux bataillons contre les Marseillais qui marchaient pour réduire les contre-révolutionnaires du Midi. Louis, qu’avez-vous à répondre ?
LOUIS XVI. – Il faudrait que j’eusse les pièces pour répondre à cela.
LE PRÉSIDENT. – Vous avez donné le commandement du Midi à Wigenstein, qui vous écrivait, le 21 avril 1792, après qu’il eut été destitué : « – Quelques instants de plus, et je rappelais pour toujours autour du trône de Votre Majesté des milliers de Français redevenus dignes des vœux qu’elle forme pour leur bonheur. » Louis, qu’avez-vous à répondre ?
LOUIS XVI. – Cette lettre est postérieure au rappel de ce général ; il n’a pas été employé depuis, et je ne me souviens plus de la lettre.
LE PRÉSIDENT. – Vous avez payé vos ci-devant gardes du corps émigrés à Coblentz ; les registres de Septeuil en font foi.
LOUIS XVI. – Lorsque j’ai su que mes gardes du corps se formaient en armes de l’autre côté du Rhin, j’ai défendu qu’ils touchassent aucun payement.
– Mais, puisque l’état des payements effectués aux gardes du corps émigrés se trouve dans les registres de Septeuil ! – s’écrie un conventionnel, exaspéré de tant de mensonges soutenus par Louis XVI avec une imperturbable placidité. L’interrupteur est rappelé à l’ordre par le président ; puis celui-ci, s’adressant à l’accusé :
– Louis, vos frères, ennemis de l’État, ont rallié les émigrés sous leurs drapeaux ; ils ont levé des régiments, fait des emprunts et contracté avec l’étranger des alliances en votre nom ; vous n’avez désavoué les manœuvres de vos frères qu’alors que vous saviez ne pouvoir plus nuire à leurs projets. Votre intelligence avec eux est prouvée par un billet écrit de la main de Louis-Stanislas-Xavier, et signé de vos deux frères. Ce billet à vous adressé est ainsi conçu :
« Je vous ai écrit, mais c’était par la poste, et je n’ai pu rien vous dire. Nous sommes ici deux qui n’en font qu’un : mêmes sentiments, mêmes principes, même ardeur pour vous servir ; nous gardons le silence, mais, c’est qu’en le rompant trop tôt, nous vous compromettrions ; mais nous parlerons dès que nous serons sûrs de l’appui général (de l’étranger). Ce moment est proche. Si l’on nous parle de la part de ces gens-là, nous n’écouterons rien ; si c’est de la vôtre, nous écouterons, mais nous irons toujours droit notre chemin ; ainsi, si l’on exige de vous que vous nous fassiez dire quelque chose, ne vous gênez pas. Soyez tranquille sur votre sûreté, nous n’existons que pour vous servir, nous y travaillons avec ardeur, ET TOUT VA BIEN ; nos ennemis mêmes ont trop d’intérêt à votre conservation pour commettre un crime inutile, ce qui achèverait de les perdre. Adieu.
» LOUIS-STANISLAS-XAVIER, CHARLES-PHILIPPE. »
– Louis, qu’avez-vous à répondre au sujet de ce billet ?
LOUIS XVI. – J’ai désavoué toutes les démarches de mes frères aussitôt que je les ai connues. Je n’ai aucune connaissance de ce billet.
Il est impossible de peindre la stupeur, puis l’indignation dont les hommes les plus froids furent saisis en entendant l’incroyable réponse de Louis XVI au sujet de cette lettre de ses frères, trouvée aux Tuileries dans l’armoire de fer, lettre foudroyante, dont chaque mot, chaque ligne révélait les intelligences, les complots noués par ce parjure, par ce traître avec l’étranger, qu’il sollicitait incessamment d’envahir la France. L’agitation causée par cet incident, et dans la salle, et dans les tribunes, s’apaise à la fin, grâce aux efforts du président, qui, interpellant de nouveau l’accusé :
– Louis, vous avez négligé de pourvoir à la sûreté extérieure de l’État. Narbonne, votre ministre, avait demandé une levée de cinquante mille hommes : il arrêta le recrutement à vingt-cinq mille hommes, assurant que tout était prêt pour la guerre ; rien ne l’était. Servan, alors, proposa la formation d’un camp de vingt mille hommes sous Paris ; l’Assemblée le décréta : vous avez refusé votre sanction à ce décret. Louis, qu’avez-vous à répondre ?
LOUIS XVI. – J’avais donné des ordres aux ministres ; s’ils se sont trompés, ce n’est pas ma faute.
LE PRÉSIDENT. – Un élan de patriotisme faisait partir de tous côtés des citoyens pour Paris : vous fîtes une proclamation tendant à paralyser cet élan ; cependant, nos armées étaient dépourvues de soldats.
1 comment