Dumouriez avait déclaré que la nation n’avait ni armes, ni munitions, ni subsistances, et que les places étaient hors de défense. Vous avez donné mission aux commandants des troupes qui vous étaient dévoués de pousser à la désorganisation de l’armée, d’engager des régiments à la désertion et de leur faire passer le Rhin, pour mettre ces régiments à la disposition de vos frères et de Léopold d’Autriche, avec lequel vous étiez secrètement d’intelligence. Ces faits sont prouvés par des lettres de Toulongeon, commandant de la Franche-Comté. Louis, qu’avez-vous à répondre ?

À cette nouvelle et écrasante accusation, un silence solennel régna dans l’Assemblée, dans les tribunes ; et quoique, depuis l’ouverture de la séance, l’on se fût habitué à l’odieux et absurde système de dénégation de Louis XVI, l’on hésitait encore à croire qu’il pût y persister, en présence de ces faits accablants, les uns de notoriété publique, les autres révélés par la correspondance de Toulongeon. Erreur ! erreur ! Louis XVI répond avec un mélange de dédain et d’imperturbable assurance :

– Je n’ai aucune connaissance de tout cela. Il n’y a pas un mot de vrai dans ces accusations ! ! !

LE PRÉSIDENT. – Vous avez chargé vos agents diplomatiques de favoriser la coalition des puissances étrangères et de vos frères contre la France, et particulièrement de cimenter la paix entre la Turquie et l’Autriche, afin que celle-ci, grâce à cette paix, pût diriger un plus grand nombre de troupes contre la France. Une lettre de Choiseul-Gouffier, votre ambassadeur à Constantinople, établit le fait. Louis, qu’avez-vous à répondre ?

LOUIS XVI, impassible. – M. de Choiseul n’a pas dit la vérité : cela n’a jamais existé. (Rumeurs prolongées.)

LE PRÉSIDENT. – Depuis longtemps les Prussiens rassemblaient des troupes sur nos frontières ; on interpella, le 8 juillet 1792, votre ministre de rendre compte de l’état de nos relations politiques avec la Prusse ; vous répondîtes, le 10 du même mois, que cinquante mille Prussiens marchaient contre nous, et que vous donniez avis de ces actes d’hostilité imminente. Louis, qu’avez-vous à répondre ?

LOUIS XVI. – Je n’ai pas eu plus tôt connaissance de la marche des Prussiens ; la correspondance passait par les mains des ministres (Nouvelles rumeurs.)

LE PRÉSIDENT. – Tel a été le succès de votre conspiration, que Longwy et Verdun ont été livrés dès que l’ennemi a paru. Louis, qu’avez-vous à répondre ?

LOUIS XVI. – Ce n’est pas moi qui ai dégarni les places ; je ne me serais pas permis une pareille chose.

LE PRÉSIDENT. – Vous avez détruit notre marine. Une foule d’officiers de ce corps émigraient ; à peine en restait-il pour le service des ports. Cependant Bertrand de Molleville, votre ministre de la marine, accordait des passe-ports à tous les officiers qui en demandaient ; et lorsque, le 8 mars, le Corps législatif vous exposa la conduite coupable de votre ministre, vous affirmiez être très-satisfait de ses services. Louis, qu’avez-vous à répondre ?

LOUIS XVI. – J’ai fait ce que j’ai pu pour retenir les officiers. Quant au ministre, comme l’Assemblée ne portait contre lui aucun grief qui pût le faire mettre en état d’accusation, j’ai cru devoir le conserver. (Explosion de murmures.)

LE PRÉSIDENT. – L’intérieur de l’État était agité par des prêtres fanatiques, vous vous êtes déclaré leur protecteur, en manifestant l’intention évidente de recouvrer par eux votre ancienne puissance. Louis, qu’avez-vous à répondre ?

LOUIS XVI. – Je ne peux pas répondre à cela ; je n’ai aucune connaissance de ce projet.

LE PRÉSIDENT. – Le Corps législatif avait rendu, le 29 janvier 1791, un décret contre les prêtres factieux, vous avez suspendu l’exécution de ce décret. Louis, qu’avez-vous à répondre ?

LOUIS XVI. – La Constitution me laissait la sanction libre des décrets.

Cet aveu de l’exécrable appui qu’il prêtait aux prêtres réfractaires, instigateurs de la guerre civile, en suspendant indéfiniment, grâce à son veto, l’exécution du décret rendu contre eux par l’Assemblée, cet aveu est articulé par Louis XVI d’une voix ferme, arrogante ; cette fois, l’animation de ses traits révèle son artificieux et criminel bigotisme, car dans ces prêtres fanatiques qui tentaient de mettre la France à feu et à sang, il voyait de puissants auxiliaires.

LE PRÉSIDENT.