– Je demande communication des accusations que je viens d’entendre et des pièces qui y sont jointes ; je demande, en outre, la faculté de choisir un conseil pour me défendre.

Vous venez d’assister, fils de Joël, à l’interrogatoire de Louis Capet : ses réponses hypocrites, évasives ou tissues d’impostures ; ses dénégations effrontées, opiniâtrement opposées à des faits avérés ; son complet oubli de toute pudeur morale, de toute dignité, sinon comme roi, du moins comme homme, vous ont révoltés, ont éteint en vous jusqu’à la moindre pitié pour ce misérable prince, qui n’avait ni le courage d’avouer ses crimes flagrants, ni la noblesse de s’en repentir, et recourait, pour sa défense, aux lâches expédients des plus vils criminels : la dénégation et le mensonge ; il vous semble impossible que l’accusé descende plus bas dans l’opinion des honnêtes gens ! Non, non, écoutez et jugez :

Louis XVI ayant demandé communication des pièces relatives aux chefs d’accusations portées contre lui, le citoyen Valazé, membre de la Convention, se rend à la barre, muni d’une liasse de papiers, desquels il donne, ainsi qu’il suit, connaissance à l’accusé, en les mettant au fur et à mesure sous ses yeux.

VALAZÉ. – Mémoire de Laporte, qui établit entre Louis Capet, Mirabeau et quelques autres des projets contre-révolutionnaires.

LOUIS XVI, impassible. – Je ne reconnais pas ce mémoire. (Profond étonnement.)

VALAZÉ. – Lettre de Louis Capet, datée du 20 juin 1790, établissant ses rapports avec Mirabeau et La Fayette, pour opérer une révolution anticonstitutionnelle.

LOUIS XVI. – J’expliquerai le contenu de cette lettre.

VALAZÉ. – Lettre de Laporte à Louis Capet, du 22 avril, relative à des entretiens au sujet des Jacobins. Elle est datée de la main de Louis Capet.

LOUIS XVI. – Je ne la connais pas.

VALAZÉ. – Cette date est de votre main ?

LOUIS XVI. – Je ne la connais pas.

VALAZÉ. – Lettre de Laporte, du jeudi 3 mars 1791, apostillée de la main de Louis Capet.

LOUIS XVI. – Je ne la connais pas.

VALAZÉ. – Quoi ! malgré votre apostille ?

LOUIS XVI, toujours impassible. – Je ne la connais pas. (Mouvement d’indignation croissante et prolongée.)

VALAZÉ. – Lettre de Laporte, sans date, mais apostillée de la main de Louis Capet, contenant des détails sur les derniers moments de Mirabeau, sur les soins pris pour dérober à la connaissance des hommes des papiers d’un grand intérêt dont Mirabeau était dépositaire.

LOUIS XVI. – Je ne reconnais pas davantage cette lettre que les autres. (Explosion de violents murmures ; le président obtient à grand’peine le silence.)

VALAZÉ. – Projet de révision de constitution, signé La Fayette, adressé, le 6 avril 1790, à Louis Capet, et apostillé d’une lettre de sa main. (À Louis XVI.) Connaissez-vous cette écriture ?

LOUIS XVI. – Non.

VALAZÉ. – Votre apostille ?

LOUIS XVI. – Non. (Mouvement prolongé dans l’Assemblée ; explosion de cris, de huées dans les tribunes.)

VALAZÉ. – Lettre de Laporte, du 19 avril 1791, apostillée par Louis Capet, et mentionnant un entretien avec Rivarol.

LOUIS XVI. – Je ne la connais pas.

VALAZÉ. – Lettre de Laporte, du 10 avril 1791, apostillée de Louis Capet, et dans laquelle on paraît se plaindre de Mirabeau, de l’abbé de Périgord, de M. d’André et de M. de Beaumetz, qui ne semblent pas reconnaissants des sacrifices d’argent que l’on a faits pour eux ?

LOUIS XVI. – Je ne connais point cette lettre.

VALAZÉ. – Plusieurs autres pièces enfermées dans l’armoire de fer.

LE PRÉSIDENT.