– Avant de continuer l’interrogatoire à ce sujet, je demande à poser à l’accusé une question préliminaire. (S’adressant à Louis XVI.) Avez-vous fait construire une armoire de fer aux Tuileries et y avez-vous renfermé des papiers ?

LOUIS XVI. – Je n’ai aucune connaissance de cela.

– Menteur ! infâme menteur ! – s’écrie l’un des patriotes des tribunes exaspéré, montrant le poing à Louis Capet, – c’est moi, entends-tu, Capet ? c’est moi et deux de mes amis que voilà, combattants du 10 août, qui avons découvert l’armoire aux Tuileries et porté les papiers qu’elle contenait à la barre de l’Assemblée nationale, et tu as le front de nier l’existence de cette armoire !

Une vive agitation se manifeste après cet incident. L’incroyable audace de Louis XVI niant des lettres, des apostilles écrites de sa main et à lui représentées, niant enfin l’existence de l’armoire de fer, a soulevé une indignation à peine contenue, même chez les conventionnels. Le président parvient enfin à rétablir le silence.

VALAZÉ. – Reconnaissez-vous, Louis, cet état de pensions des gardes du corps et cent-suisses pour l’année 1792 ?

LOUIS XVI. – Je ne le reconnais pas.

VALAZÉ. – Plusieurs pièces relatives à la conspiration royaliste du camp de Jalès, dont les originaux sont déposés au secrétariat du département de l’Ardèche ?

LOUIS XVI. – Je n’en ai aucune connaissance.

VALAZÉ. – Reconnaissez-vous cette lettre de Bouillé, datée de Mayence, portant compte de 993.000 livres reçues de Louis Capet ?

LOUIS XVI. – Non.

VALAZÉ. – Cette ordonnance de payement de 161.800 livres, signée Louis, et au dos signée de Bonnière, avec une lettre du même, les reconnaissez-vous ?

LOUIS XVI. – Non.

VALAZÉ. – Deux pièces relatives à un don fait à la femme Polignac et aux sieurs de La Vauguyon et de Choiseul, les reconnaissez-vous ?

LOUIS XVI. – Pas plus que les autres.

VALAZÉ. – Et ce billet signé de vos deux frères, cité dans l’acte énonciatif, le reconnaissez-vous ?

LOUIS XVI. – Pas davantage.

VALAZÉ. – Ces pièces concernent l’ambassade de Choiseul à Constantinople, les reconnaissez-vous ?

LOUIS XVI. – Non.

VALAZÉ. – Cette lettre de vous à l’évêque de Clermont, avec réponse dudit, 16 avril 1791 ?

LOUIS XVI. – Je ne la reconnais pas.

VALAZÉ. – Elle est écrite de votre main, signée de votre main ?

LOUIS XVI. – Je ne la reconnais pas.

VALAZÉ. – Reconnaissez-vous cet état de sommes payées à Gilles, par votre ordre ?

LOUIS XVI. – Non.

LE PRÉSIDENT. – La communication des pièces est achevée ; Louis, retirez-vous dans la salle des conférences, l’Assemblée va délibérer.

LOUIS XVI. – J’ai demandé un conseil.

LE PRÉSIDENT. – L’Assemblée va délibérer à ce sujet.

Louis XVI se lève, revêt sa redingote, prend son chapeau et sort de la salle de même qu’il y était entré, en donnant le bras aux généraux Santerre et Witenkoff, suivi du maire de Paris, de Jean Lebrenn et de l’autre officier municipal.

Après le départ de l’accusé, le conventionnel Treilhard propose le décret suivant : « Louis Capet peut choisir un ou plusieurs conseils. »

ALBITTE. – Cette question est trop importante pour qu’on la décide en ce moment. Si la motion de Treilhard est acceptée, je demande son ajournement.

(L’ajournement est rejeté à une grande majorité.)

GARAT.