J'ai touché d'un doigt délicat sa peau nacrée.
le voyais ses pieds délicats
qui posaient sans bruit sur le sable.
Syracuse.
Barque à fond plat ; ciel bas, qui parfois descendait
jusqu'à nous en pluie tiède ; odeur de vase des plantes
d'eau, froissement des tiges.
La profondeur de l'eau dissimule l'abondant jaillissement de cette source bleue. Aucun bruit ; c'est, dans
cette campagne solitaire, dans cette naturelle vasque
évasée, comme une éclosion d'eau entre les papyrus.
Tunis.
Dans tout l'azur, rien que ce qu'il fallait de blanc
pour une voile, de vert pour son ombre dans l'eau.
La nuit. Bagues qui luisent dans l'ombre.
Clartés de la lune, où l'on erre. Pensées différentes
de celles du jour.
Néfaste clarté de la lune au désert. Les démons
rôdeurs des cimetières. Les pieds nus sur les dalles
bleues.
Malte.
Extraordinaire ivresse des crépuscules d'été sur les
places, quand il fait encore très clair et que pourtant
on n'a plus d'ombres. Exaltation très spéciale.
Nathanaël, je te raconterai les plus beaux jardins
que j'ai vus :
A Florence, on vendait des roses : certains jours la
ville tout entière embaumait. Je me promenais chaque
soir aux Cascines et le dimanche aux jardins Boboli
sans fleurs.
A Séville, il y a, près de la Giralda, une ancienne
cour de mosquée ; des orangers y poussent par places,
symétriques ; le reste de la cour est dallé ; les jours de
grand soleil, on n'y a qu'une petite ombre restreinte ;
c'est une cour carrée, entourée de murs ; elle est d'une
grande beauté ; je ne sais pas t'expliquer pourquoi.
Hors de la ville, dans un énorme jardin clos de
grilles, croissent beaucoup d'arbres des pays chauds ;
je n'y suis pas entré, mais, à travers les grilles, j'ai
regardé ; j'ai vu courir des pintades et j'ai pensé qu'il y
avait là beaucoup d'animaux apprivoisés.
Que te dirais-je de l'Alcazar ? jardin semblant de
merveille persane ; je crois, en t'en parlant, que je le
préfère à tous les autres. J'y pense, en relisant
Hafiz :
Apportez-moi du vin
Que je tache ma robe,
Car je chancelle d'amour
Et l'on m'appelle sage.
Des jeux d'eau sont préparés dans les allées ; les
allées sont dallées de marbre, bordées de myrtes et de
cyprès. Des deux côtés sont des bassins de marbre, où
les amantes du roi se lavaient. On n'y voit d'autres
fleurs que des roses, des narcisses et des fleurs de
laurier. Au fond du jardin, il y a un arbre gigantesque,
où l'on se figure un bulbul épinglé. Près du palais,
d'autres bassins de très mauvais goût rappellent ceux
des cours de la Résidence à Munich, où il y a des
statues faites tout en coquilles.
C'est dans les jardins royaux de Munich que j'allai,
un printemps, goûter les glaces à l'herbe de mai, près
d'une obstinée musique militaire. Un public inélégant,
mais mélomane.
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