Je me présente moi-même, eu égard à la difficulté de trouver dans ce train des relations qui nous seraient communes. Je suis le prince Mony Vibescu, hospodar héréditaire. Mademoiselle que voici, c’est-à-dire Mariette, qui, sans doute, a quitté le service du Grand-Hôtel pour le vôtre, m’a laissé contracter envers elle une dette de reconnaissance dont je veux m’acquitter aujourd’hui même. Je veux la marier à mon valet de chambre et je leur constitue à chacun une dot de cinquante mille francs.
– Je n’y vois aucun inconvénient, dit la dame, mais voici quelque chose qui n’a pas l’air d’être mal constitué. À qui le destinez-vous ?
La bitte de Mony avait trouvé une issue et montrait sa tête rubiconde entre deux boutons, devant le prince qui rougit en faisant disparaître l’engin. La dame se prit à rire.
– Heureusement que vous êtes placé de façon à ce que personne ne vous ait vu... ça en aurait fait du joli... Mais répondez donc, pour qui cet engin redoutable ?
– Permettez-moi, dit galamment Mony, d’en faire l’hommage à votre beauté souveraine.
– Nous verrons ça, dit la dame, en attendant et puisque vous vous êtes présenté, je vais me présenter, aussi... Estelle Ronange...
– La grande actrice du Français ? demanda Mony.
La dame inclina la tête.
Mony, fou de joie, s’écria :
– Estelle, j’eusse dû vous reconnaître. Depuis longtemps j’étais votre admirateur passionné. En ai-je passé des soirées au Théâtre-Français, vous regardant dans vos rôles d’amoureuse ? et pour calmer mon excitation, ne pouvant me branler en public, je me fourrais les doigts dans le nez, j’en tirais de la morve consistante et je la mangeais ! C’était bon ! C’était bon !
– Mariette, allez dîner avec votre fiancé, dit Estelle, Prince, dînez avec moi.
Dès qu’ils furent en face l’un de l’autre, le prince et l’actrice se regardèrent amoureusement :
– Où allez-vous ? demanda Mony.
– À Vienne, jouer devant l’Empereur.
– Et le décret de Moscou ?
– Le décret de Moscou, je m’en fous ; je vais envoyer demain ma démission à Claretie... On me met à l’écart... On me fait jouer des pannes... on me refuse le rôle d’Eorakâ dans la nouvelle pièce de notre Mounet-Sully... Je pars... On n’étouffera pas mon talent.
– Récitez-moi quelque chose... des vers, demanda Mony.
Elle lui récita, tandis qu’on changeait les assiettes, L’Invitation au Voyage. Tandis que se déroulait l’admirable poème où Baudelaire a mis un peu de sa tristesse amoureuse, de sa nostalgie passionnée, Mony sentit que les petits pieds de l’actrice montaient le long de ses jambes : ils atteignirent sous le raglan le vit de Mony qui pendait tristement hors de la braguette. Là, les pieds s’arrêtèrent et, prenant délicatement le vit entre eux, ils commencèrent un mouvement de va-et-vient assez curieux. Durci subitement, le vit du jeune homme se laissa branler par les souliers délicats d’Estelle Ronange. Bientôt il commença à jouir et improvisa ce sonnet, qu’il récita à l’actrice dont le travail pédestre ne cessa pas jusqu’au dernier vers :
Épithalame
Tes mains introduiront mon beau membre asinin
Dans le sacré bordel ouvert entre tes cuisses
Et je veux l’avouer, en dépit d’Avinain,
Que me fait ton amour pourvu que tu jouisses !
Ma bouche à tes seins blancs comme des petits suisses
Fera l’honneur abject des suçons sans venin.
De ma mentule mâle en ton con féminin
Le sperme tombera comme l’or dans les sluices.
Ô ma tendre putain ! tes fesses ont vaincu
De tous les fruits pulpeux le savoureux mystère,
L’humble rotondité sans sexe de la terre.
La lune, chaque mois, si vaine de son cul
Et de tes yeux jaillit même quand tu les voiles
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles.
Et comme le vit était arrivé à la limite de l’excitation, Estelle baissa ses pieds en disant :
– Mon prince, ne le faisons pas cracher dans le wagon-restaurant ; que penserait-on de nous ?... Laissez-moi vous remercier pour l’hommage rendu à Corneille dans la pointe de votre sonnet. Bien que sur le point de quitter la Comédie-Française, tout ce qui intéresse la maison fait l’objet de mes constantes préoccupations.
– Mais, dit Mony, après avoir joué devant François-Joseph, que comptez-vous faire ?
– Mon rêve, dit Estelle, serait de devenir étoile de café-concert.
– Prenez garde ! repartit Mony. L’obscur Monsieur Claretie qui tombe les étoiles vous fera des procès sans fin.
– T’occupe pas de ça, Mony, fais-moi encore des vers avant d’aller au dodo.
– Bien, dit Mony, et il improvisa ces délicats sonnets mythologiques.
Hercule et Omphale
Le cul
D’Omphale
Vaincu
S’affale.
– « Sens-tu
Mon phalle
Aigu ?
– « Quel mâle ?...
Le chien
Me crève !...
Quel rêve ?...
– ... Tiens bien ? »
Hercule
L’encule.
Pyrame et Thisbé
Madame
Thisbé
Se pâme :
« Bébé ! »
Pyrame
Courbé
L’entame :
« Hébé ! »
La belle
Dit : « Oui ! »
Puis elle
Jouit,
Tout comme
Son homme.
– C’est exquis ! délicieux ! admirable ! Mony, tu es un poète archi-divin, viens me baiser dans le sleeping-car, j’ai l’âme foutative.
Mony régla les additions. Mariette et Cornabœux se regardaient langoureusement. Dans le couloir Mony glissa cinquante francs à l’employé de la Compagnie des Wagons-Lits qui laissa les deux couples s’introduire dans la même cabine :
– Vous vous arrangerez avec la douane, dit le prince à l’homme en casquette, nous n’avons rien à déclarer. Par exemple, deux minutes avant le passage de la frontière vous frapperez à notre porte.
Dans la cabine, ils se mirent tous les quatre à poil. Mariette fut la première nue. Mony ne l’avait jamais vue ainsi, mais il reconnut ses grosses cuisses rondes et la forêt de poils qui ombrageait son con rebondi.
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