Votre maître nous attend.»

La vieille obéit, en silence.

Ayant suivi un long couloir sinueux, ils arrivèrent à une porte que Levita ouvrit sans plus de cérémonies, et ils se trouvèrent dans le laboratoire de l'astrologue qui était en même temps un alchimiste.

C'était une grande pièce à haute voûte cintrée qu'éclairait une lampe suspendue à un crampon de fer. Des ombres irrégulières se jouaient sur les murs noircis de fumée. Il y avait peu de meubles mais beaucoup d'objets et ustensiles de science: fourneaux, soufflets, cornues, fioles, alambics, sphères, compas, équerres, sabliers, métaux, pierres, plantes desséchées, animaux empaillés, squelettes, ossements, une tête de mort à mâchoire démesurée entre autres, mille autres bric-à-brac accrochés, pendus, posés sur des planches, entassés ou épars sur le sol. Perché sur une carcasse mobile, au fond d'un angle obscur, un hibou se balançait en roulant dans l'ombre ses yeux lumineux et sinistres.

La comtesse frissonna; Don Jorge leva les épaules avec une grimace. Quant à Levita, il souriait.

Dans le coin le plus éloigné se trouvait une table singulièrement encombrée. Une petite lampe mobile projetait une lumière assez vive sur ce pêle-mêle. Dans un grand livre ouvert, posé sur un vieux pupitre, lisait l'astrologue. Sa tête chauve, où brillait le reflet de la lampe, reposait immobile entre ses deux mains. Il était tellement absorbé qu'il n'entendit pas les visiteurs entrer.

Jorge, se penchant sur le livre, aperçut un grimoire indéchiffrable qui lui donna une opinion médiocre de l'orthodoxie du maître. Mais comme il ne s'en souciait pas autrement, il lui frappa sur l'épaule:

«Hé! l'ami, voici que vous rend visite une dame de condition suffisamment élevée pour que vous preniez la peine de vous lever. Debout donc!»

Don Jorge, vieux militaire, affectait un langage simple et cru.

Maître Max Jacobi se leva en effet, salua gravement la comtesse et attendit. Son aspect n'allait pas sans en imposer: son front était vaste, ses yeux longs brillaient d'un regard intérieur, un regard de savant accoutumé à transformer en abstractions imprévues les images fournies à la méditation par la contemplation de la nature; sa tête présentait les modifications énergiques dues à des habitudes ascétiques.

«Que voulez-vous savoir? madame, dit-il.

—L'avenir de mon plus jeune fils.

—Quelle partie de la science désirez-vous consulter, la chiromancie, la sciomancie, la néomancie, la nécromancie, l'oniromancie?

—Parlez chrétien, interrompit brusquement Don Jorge. Madame n'entend pas l'hébreu!

—Je vous demande, madame, s'il vous plaît d'interroger les signes de la main, les nombres ou les morts?...

—Pas les morts! s'écria la comtesse avec effroi.

—Les songes, continuait Jacobi, les astres...

—Oui, les songes et les astres.

—Les mains et les jeux de cartes, reprit Don Jorge d'un air entendu, cela est bon pour les petites gens qui se font tirer la bonne aventure à un maravédis par tête. Les songes me plaisent médiocrement, puisque toutes les vieilles commères s'en mêlent... Je me fais cependant une raison à leur endroit. Mais ce qui me convient tout à fait, ce sont les étoiles. Elles sont d'usage chez les princes et dans les familles considérables. Parlez donc, maître astrologue, mais faites-moi le plaisir de ne prédire à ma belle-sœur que choses agréables... Nous aurions autrement à en découdre ensemble. Je suis maître des hommes d'armes du Grand Capitaine et n'ai point le poignet pourri. Faites-en votre compte.

—Monseigneur, répliqua l'astrologue, je ne suis que l'interprète des arrêts du ciel et ne dois point en subir les responsabilités.

—Cela est juste, Don Jorge, dit la comtesse. Je vous prie de laisser parler en toute franchise le savant homme que j'interroge. Comment me pourrait-il dire la vérité s'il n'était pas libre de ses paroles?

—N'en parlons plus. Ce qui est dit est dit. À bon entendeur, salut!

«J'ai souvent rêvé, dit la comtesse à la demande de l'astrologue, que, pendant mon sommeil, un serpent se réfugiait dans mon sein pour s'y réchauffer. Éperdue d'horreur et de crainte par le contact de ses écailles glacées, je voulais le rejeter loin de moi. Mais il était si beau, il me regardait avec des yeux si doux et si tristes que je n'avais plus le courage de m'en défaire. Alors il se mettait à siffler langoureusement, comme pour me remercier, et je me rendormais le cœur attendri et troublé...

—Ensuite?

—La première fois, le rêve se termina là... Un autre jour, je vis les fleurs de mon jardin s'agiter en même temps, couvertes de sang, et le serpent glissait rapidement au milieu d'elles. Et j'entendis que les fleurs chantaient, et elles disaient: «Justice! justice! Il nous tue.» Mais le serpent enroulé près de moi reprenait: «Ne les crois pas.