Ce sont elles qui m'ont blessé avec leurs épines. Ce sang que tu vois est le mien. Sauve-moi.» Il paraissait souffrir autant que les fleurs. Je me mis à pleurer. Il but mes larmes, et nous nous rendormîmes tous les deux.
«Une autre fois, c'étaient des colombes blanches qui voletaient autour de moi en poussant des cris désespérés. Le serpent se jouait autour de mon cou et caressait mes cheveux. «Il a dévoré nos petits, disaient les colombes, venge-nous...» Mais le serpent murmura à mon oreille: «Elles se trompent... L'aigle a mangé leurs petits, et moi j'ai tué l'aigle.» Se penchant sur mon épaule, il me montra un grand oiseau de proie qui se débattait à terre dans les convulsions de l'agonie. Puis il redressa la tête en sifflant d'une manière terrible. Les colombes s'enfuirent en criant: «Malheur à toi! malheur à toi!»
«La dernière nuit enfin, je me sentis piquée au cœur. «Ingrat, m'écriais-je, assassin de ta bienfaitrice!» Et j'arrachai le serpent de mon sein. Tombé à terre, il y resta sans mouvement. Mais il me dit avec tant de douceur que j'en fus navrée: «Plains-moi si je t'ai tuée, c'est parce que je t'aime. Je vivais par toi, je n'ai pas voulu mourir sans toi.» Il se métamorphosa en fleur. Moi, je me trouvai changée en colombe. Je saisis la fleur, mais elle s'était changée en aigle. L'aigle me prit dans ses serres et m'emporta dans le soleil où nous fûmes consumés ensemble.
«Je n'ai plus rêvé depuis.»
—Vos rêves ont une signification claire, dit maître Jacobi. Ce serpent, c'est votre fils.
—Hum, hum, gronda Jorge.
—Ce serpent, disais-je, représente votre fils. Ces fleurs sont l'emblème de la joie, les colombes de l'affection, l'aigle du courage, le soleil de la gloire. C'est la loi des contrastes qui règle la divination de l'onirocritique, et les songes disent le contraire de ce qu'ils semblent dire. Ainsi votre songe signifie que vous aurez un fils dont la tendresse fera votre bonheur et la vaillance votre gloire.
—Les bonnes paroles, maître, s'écria la comtesse toute joyeuse. Comptez sur ma reconnaissance.
—L'explication est convenable, daigna approuver Jorge.
—Maître, reprit la comtesse, je vous prie maintenant de consulter les astres. Puisse leur réponse être aussi favorable que l'a été celle des songes!
—Il me faudrait l'état du ciel au moment de la naissance.
—Je l'ai dressé très exactement, dit Levita, tirant un papier de sa poche.
L'astrologue examina le dessin tout en murmurant des formules cabalistiques.
«Orion vers l'Orient. Bras gauche en l'air. Sirius au plus haut. Hum! hum! Le cœur. Jupiter en conjonction avec le Taureau. Aldebaran, étoile de la Bohême. Vénus absente. C'est bien, très bien...
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