J'ai revu ici un type de Saint-Jean, Berg, qui est
venu me voir au parloir aujourd'hui, drôle de se rencontrer.
Je vais très bien. J'ai communié dimanche.
Monsieur Pagès nous a fait un petit spitch8 en nous
disant : « Ceux qui ne se sentent pas l'estomac assez
dur pour absorber la petite tranche de mathématiques
que Monsieur Corot et moi allons vous servir feront
bien de quitter maintenant. Si vous aimez les maths
vous n'en manquerez pas ! Je vous le jure. » On travaille d'une façon intensive : je suis (sens de suivre)
toujours et en suis très fier. Ça ira, vous en faites pas.
Je vous embrasse tendrement,
Votre fils qui vous aime,
ANTOINE.
Ce sont les pistons qui sont nos ennemis mortels.
D'ailleurs on les méprise, « ingénieur » étant une carrière méprisable et « antiflottarique » (pour Monot).
P.-S. Faites-moi faire des truffes en chocolat,
envoyez-moi des choses de ce genre, en quantité, ça
fera bien dans le paysage de mon estomac.
(Je n'aime pas les rissoles de la mère Bossue, inutile
que cette illustre personne se dévoue : j'aime la vraie
pâtisserie, les macarons, les truffes en chocolat (pas
pralinées !!!) et les bonbons.
Vous êtes bien renseignée.
Antoine propose et la famille dispose.
Disposez vite, et ravitaillez-moi en bonbons.
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[Paris, Lycée Saint-Louis, 1917]
Maman que j'aime,
Je suis toujours ravi. Je bûche toujours comme un
nègre. Ce matin composition. Écrivez-moi tous les
jours, ça me fait tant de plaisir, et ça rapproche tant.
J'ai vu l'aumônier. Il a connu papa à Sainte-Croix9,
où il était dans la même classe. Il fait très beau, d'ailleurs maintenant nous sommes chauffés. Je ne
manque de rien, si ce n'est de timbres, envoyez-m'en
deux carnets, s'il vous plaît.
Je vous quitte, maman que j'aime. Et vous
embrasse bien fort.
Votre fils respectueux,
ANTOINE.
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[Paris, Lycée Saint-Louis, 1917]
Maman chérie,
Je trouve enfin quelques moments pour vous écrire.
Je viens de passer une colle de math et j'ai 10, c'est
pas mal pour moi...
Les Sinety10 sont à Paris. Ils m'ont invité pour
dimanche mais je suis consigné (consigné c'est simplement ne pas sortir, à part ça on est libre de son
temps). Comme j'ai terriblement à travailler ça ne
m'ennuie pas trop.
Le lycée Saint-Louis est fort agréable mais
12 heures de consigne y équivalent à 5 minutes d'arrêt
dans une autre boîte. Quand on en prend son parti, on
ne s'en fait pas.
Je suis toujours ravi, enchanté, aux anges et si je
vous avais près de moi je serais au troisième ciel.
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