Je voudrais que vous soyez
ici pour écouter une fois le tir de barrage. On se croirait
au milieu d'un véritable ouragan, d'une tempête en
mer, c'est magnifique. Seulement, il ne faut pas rester
dehors, parce qu'il tombe des éclats partout qui vous
zigouilleraient. Nous en avons retrouvé dans le parc.
Pour Monot voici :
Envoyez-la vendredi soir. Elle arrivera samedi matin
et, samedi soir, moi je sortirai. J'irai la retrouver chez
madame Jordan et nous dînerons ensemble et irons
tous deux au théâtre, en soirée, le lendemain matin,
dimanche, nous partirons ensemble pour Le Mans.
Pour son logement de samedi soir, je pourrais en
parler à tante Rose : il y aura bien moyen. Seulement
pourriez-vous me répondre le plus tôt possible pour
que je fasse retenir les places au théâtre (des places pas
bien cher). Pourriez-vous donc, en conséquence,
m'envoyer la lettre suivante (tante Laure m'implore de
venir au Mans) : « Demande à Monsieur Corot de bien
vouloir t'autoriser à aller au Mans au mariage de ta
cousine29, je voudrais bien que tu y accompagnes ta
sœur. »
On a bien l'air de craindre que les boches ne
prennent Paris, un de ces jours, on en parle dans tous
les journaux. Si jamais ils venaient je m'évaderais à
pied (il sera inutile d'essayer de prendre le train),
mais c'est bien peu probable.
Notre vie à Lakanal n'est pas trop ennuyeuse. Nous
avons maintenant...
[Lettre dont la fin a été perdue.]
19
[Besançon, 1918]
[dessin]
Ma chère maman,
Il vient d'arriver une chose très triste ; le général
Vidal est mis à la retraite, ayant déjà dépassé la limite
d'âge. Il partira le 15 septembre de Besançon.


Quoique cela dût fatalement arriver, tout le monde le
regrette quand même. Madame Vidal, lui, tout le
monde m'a dit que cela leur ferait grand plaisir de
vous voir ici avant leur départ.
Merci de votre lettre. Avez-vous mes papiers
urgents ? Il est grand temps ! Envoyez vite, merci ;
c'est absolument pressé.
La nymphe du foyer se chauffe les mains un soir
d'hiver, et rêve... à qui ?
[dessin]
La nymphe du foyer.
Je viens de recevoir une très gentille lettre de Corot,
qui m'encourage, je l'adore cet homme.
Je suis très perplexe, me demandant si je ne peux
pas m'engager ces jours-ci pour être incorporé de
suite. J'attends d'ailleurs une réponse du ministère de
la Marine. Au fond, je crois que c'est aussi bien
d'attendre le 15 octobre, date probable de l'appel.
Ça me fait si grand plaisir de vous voir au mois de
septembre.
[dessin]
Je crois deviner à qui elle rêve...

Pour le moment, je travaille mon boche et aussi mes
mathématiques. Le reste du temps, je parle art avec le
sculpteur Guénod que vous avez dû voir ici, on fait
des vers, mais j'ai peu de temps.
[dessin]
Allons nous promener à Gévrieux...
[dessin]
À Gévrieux : l'infidèle !
[dessin]
Dans Gévrieux désert, quel devint mon ennui !
Racine
(Andromaque)
Arianne, ma sœur, de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée ?
Racine
(Phèdre)
Dimanche, Madame Vidal, je ne sais qui et moi
allons faire une grande excursion. Vous me dîtes de
vous donner des détails sur mon existence, mais je travaille tout le temps, c'est peu varié...
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