(Seulement, ce n'est pas son chant qui est en cause, car si les réverbères l'entendaient chanter, ils en resteraient bleus (comme à Paris).

Réflexion faite, j'ai beaucoup d'esprit.

Une des plus belles étoiles de cette maison que je viens de croquer sur le vif. Comment est-ce ?

 

[dessin]

 

Spécimen homme.

 

Je vous quitte. Mes dessins sont trop affreux et je suis trop mal pour écrire.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

Votre fils respectueux,

 

ANTOINE.

22

[Paris, 30 juin 1919]

 

Ma chère maman,

 

Je suis de retour à Paris où je reçois votre lettre. Je réponds télégraphiquement à votre bonhomme [...] Je serai si heureux de vous revoir et d'être un peu seul avec vous. Je suis désespéré de vous sentir malade. Votre fièvre tombe-t-elle ?

Ce serait épatant d'être sur un sommet tous les deux. (Comme on dit en Suisse, « que serait-ce pour un sommet ? » Les Alpes ? Le mont Blanc ? Vous feriez des croquis et des aquarelles. Et puis nous combinerions de grandes pièces de théâtre... et puis... et puis... bien des choses. Et surtout vous vous retaperiez !

Si vous montez dans les hauteurs avant mon arrivée, écrivez-moi où vous allez, que je vous y rejoigne.

Je suis allé hier au grand guignol avec Louis de Bonnevie, pièce macabre selon la tradition du lieu. Ça se termine sur l'image enchantée d'un hara-kiri selon les règles (remarquablement bien joué).

Vous m'annoncez une lettre de Monot, mais vous ne joignez rien à la vôtre...

L'oncle Guillaume est paraît-il à Saint-Maurice, vous ne le verrez pas ?

Il ne fait pas chaud ces jours-ci, mais je préférerais cuire, rôtir, griller et vous savoir dans une atmosphère meilleure pour vous ! Avez-vous toujours si froid ?

J'ai reçu de la seconde des Menthon une longue lettre de 4 pages avec photos, images, etc., à l'occasion de mon anniversaire (j'ai eu 19 ans hier). Oui, j'ai eu 19 ans le premier jour de la paix... C'est assez cocasse !

Je ne sais plus quoi vous dire.

 

[dessin]

 

Je ne sais pas dessiner... Zut !

Alors je vous quitte, car je n'ai décidément plus rien à vous dire.

Votre fils respectueux,

 

ANTOINE.

 

Je vous embrasse bien fort.

23

[Paris, 1919]

 

Ma chère maman,

 

Voilà quinze jours que je n'ai pas une lettre de personne. C'est bizarre ces périodes où tout le monde se donne le mot, sans se connaître...

Je vais bien. Je n'ai pas trop le cafard ces temps-ci mais pas mal de travail. Je suis sorti à peu près tout le temps chez tante Churchill30 qui décidément me plaît fort.