LUTTE CONTRE LA SOLITUDE

(Cap-Juby, 1927-1928)

En 1927, Antoine est nommé chef d'aéroplace à Cap-Juby.

 

Ma petite maman, quelle vie de moine je mène dans le coin le plus perdu de toute l'Afrique, en plein Sahara espagnol. Un fort sur la plage, notre baraque qui s'y adosse, et plus rien pendant des centaines de kilomètres [...]

La mer, à l'heure des marées, nous baigne complètement, et si je m'accoude, la nuit, contre ma lucarne à barreaux de prison – nous sommes en dissidence – j'ai la mer sous moi, aussi proche qu'en barque. Et elle frappe des coups toute la nuit contre mon mur.

L'autre façade donne sur le désert.

C'est un dépouillement total. Un lit fait d'une planche et d'une paillasse maigre, une cuvette, un pot à eau. J'oublie les bibelots : la machine à écrire et les papiers de l'aéroplace. Une chambre de monastère.

Les avions passent tous les huit jours. Entre eux c'est trois jours de silence. Et quand mes avions partent, c'est comme mes poussins. Et je suis inquiet jusqu'à ce que la T.S.F. m'ait annoncé leur passage à l'escale suivante – à mille kilomètres de là. Et je suis prêt à partir à la recherche des égarés.

« LIGNE » BUENOS-AYRES

(1929-1931)

Et voici que commence la grande aventure. Elle conduit Antoine par-dessus les Andes, jusqu'en Patagonie. Il est nommé directeur de l'« Aeroposta Argentina ». Il écrit :

 

Je pense que vous êtes contente, moi, je suis un peu triste. J'aimais bien mon existence ancienne.

Il me semble que ça me fait vieillir.

Je piloterai d'ailleurs encore, mais pour des inspections ou reconnaissances de lignes nouvelles...

 

De son expérience de pilote en Afrique comme en Amérique du Sud naissent : Courrier Sud, Vol de nuit, Terre des hommes.

Antoine se marie. Il a rencontré à Buenos-Ayres Consuelo Suncin, veuve de l'écrivain argentin Gómez Carillo. Être exotique et charmant, son extrême fantaisie et son refus d'admettre tout partage, même celui qu'exige un travail intellectuel, rendront la vie commune difficile. Cependant Antoine l'a aimée, et sa sollicitude l'a entourée jusqu'à la fin. Le Petit Prince et les lettres d'Afrique en sont l'émouvant témoignage.

Ce qui rend la vie difficile aussi, c'est la dissolution de l'Aéropostale en mars 1931.

LUTTE CONTRE L'INJUSTICE

(Marignane, 1932)

Pour avoir soutenu ses amis de la Compagnie Aéropostale, Antoine est traité sans aménité par « Air-France » qui a repris l'affaire en liquidation.

De nouveau, sans situation, acculé par les difficultés, il est obligé de reprendre du service comme simple pilote.