Et dire qu'on ne peut jouer avec tes seins, ton petit ventre sans que tu fasses des discours.

— Tu ne m'aimes pas.

— Mais si, puisque je voudrais pour m'asseoir un fauteuil de ta peau, de la peau de ton petit ventre. " Et de surprendre le corps de la bonne femme, une jambe dans chaque main, comme s'il s'agissait des bras d'un nouveau-né.

" Prêchi-prêcha.

— Bas les pattes. Quelle éducation!

— Et puis après?

— Monsieur tripote, monsieur gâche le maquillage.

— Madame se farde le nombril.

— Quel mal y a-t-il à se farder le nombril?

— Aucun mal. Du ridicule peut-être.

— Décidément, mon pauvre ami, tu ne sais rien. Au lieu de me faire la cour, suppose que tu sois avec mon danseur, l'homme le mieux fait du monde.

— Eh bien?

— Eh bien! tu verrais. Il a un rouge pour la bouche, un autre pour les narines, un troisième pour le coin des yeux, un quatrième pour le lobe des oreilles, un cinquième pour le bout des seins, un sixième pour le nombril.

— Et un septième?... "

Mon interlocutrice se fâche : " Dégoûtant personnage ", puis elle appelle : " Pepo, hé! Pepo. " La porte s'ouvre. Une soie joue un drôle de jeu autour d'une peau vernie. La danseuse ordonne : " Laisse tomber cette sortie de bal. "

Voici l'homme le mieux fait du monde tout nu.

Non. Pas nu, car à vrai dire le vrai, un maillot de crème et de poudre adhère aux moindres plis des aisselles et des cuisses. Je m'inquiète : curieux jersey. Drôle de pâte. Je ne comprends rien à ce torse, à ce ventre laqués. J'avoue préférer les surprises dont se marbrent nos pâleurs. Certes il est triste que nos corps condamnés aux vêtements perdent leur gaieté et finissent par prendre la mine des exilés, loin de leurs frontières. J'aime la couleur d'une peau bien cuite, la parure des bains de soleil, mais tous ces étalages des graisses brunes, rouges sur un corps...

La danseuse de l'homme le mieux fait du monde m'interrompt : " Tu nous ennuies. Ne l'écoute pas, mon pauvre Pepo. Un discours qui commence et nous passons dans dix minutes. Tu sais, il ne comprend rien. "

Femme, petite femme, je ne t'emmènerai jamais aux champs. Tu maquillerais le cœur des marguerites, tu poudrerais les pissenlits!

Elle hausse les épaules. L'homme le mieux fait du monde regagne sa loge. Il ne me reste qu'à suivre, sans conviction, les préparatifs de la danseuse qui, fidèle aux promesses des affiches : " Fête sur l'étang ", clignote, libellule.

Trois coups.

En scène pour le I.

" Tu m'attends.

— Oui.

— Dans ma loge, ou dans la salle?

— Je reste ici.

— à tout à l'heure.

— à tout à l'heure. "

J'ai honte. Ce qu'il me faut constater n'est pas à mon honneur. J'ai eu peur de la solitude, et voilà pourquoi je suis dans cette loge. à confesser le vrai, cette femme m'ennuie et, certes, je ne saurais à moi-même, à mes pensées préférer une petite théâtreuse qui parle sans rire de son art et, toujours sans rire, ne manque jamais l'occasion d'affirmer : " Si j'avais su, au lieu de me donner à la chorégraphie je me serais livrée à la science. " Pour moi je ne saurais envier la chorégraphie ni plaindre la science.