Complétez votre tableau.

– Non, rétorqua Margaret, contrariée. Je ne brosse pas un tableau. Je m’efforce de décrire Helstone tel qu’il est en réalité. Vous n’auriez pas dû dire cela.

– Je me repens. C’est que la description évoquait davantage un village de conte de fées qu’un lieu réel.

– Il est pourtant bien ainsi, répondit Margaret sur un ton pénétré. Tous les autres endroits que j’ai vus en Angleterre semblent moins plaisants à l’œil, bien plus quelconques, comparés à ceux de New Forest5. Helstone ressemble à un village sorti d’un poème. Un poème de Tennyson. Mais je ne tenterai plus de le décrire. Vous ne feriez que vous moquer de moi si je vous disais ce que j’en pense, ce qu’il est véritablement.

– Certainement pas. En tout cas, je vous vois fort déterminée. Alors, dites-moi ce que j’aimerais encore davantage savoir : à quoi ressemble le presbytère ?

– Oh, je ne peux pas décrire ma maison. C’est mon foyer, et je ne saurais traduire son charme en paroles.

– Je m’incline. Vous êtes plutôt sévère ce soir, Margaret.

– Comment cela ? demanda-t-elle en tournant vers lui ses grands yeux pleins de douceur. Je ne m’en rendais pas compte.

– Eh bien, parce que j’ai fait une réflexion malheureuse, vous refusez de me dire à quoi ressemble Helstone, vous refusez aussi de me décrire le presbytère, alors que je vous ai exprimé toute l’envie que j’avais d’en savoir davantage sur l’un et l’autre lieu, surtout le dernier.

– Mais voyons, je ne peux pas vous décrire ma maison. C’est un endroit dont il est impossible de parler, je crois, sauf à quelqu’un qui le connaîtrait.

– Soit, dit-il, marquant une petite pause. Alors, racontez-moi ce que vous y faites. Ici, vous lisez ou vous vous instruisez, ou encore vous vous cultivez l’esprit jusqu’à midi ; vous marchez un peu avant le déjeuner, puis vous faites une promenade en voiture avec votre tante, et dans la soirée, vous avez des obligations mondaines. Alors à présent, remplissez votre journée à Helstone. Vous y promenez-vous à cheval, en voiture ou à pied ?

– À pied, assurément. Nous n’avons pas de cheval, pas même pour l’usage de papa. Il se rend à pied aux confins de sa paroisse. Les promenades sont si belles que ce serait dommage de les faire en voiture ; et presque aussi dommage de les faire à cheval.

– Avez-vous l’intention de beaucoup jardiner ? Voilà, je crois, un passe-temps très convenable pour les jeunes filles à la campagne.

– Je ne sais pas. Je crains de trouver la tâche beaucoup trop ardue.

– Alors irez-vous à des concours de tir à l’arc ? Des pique-niques, des bals à l’occasion d’une chasse à courre ou d’une course de chevaux ?

– Oh non ! répliqua-t-elle en riant. Les revenus de papa sont très modestes ; et même si de tels divertissements existaient dans le voisinage, je doute fort que je m’y rendrais.

– Je vois que vous ne voulez rien me dire. Vous consentez seulement à me parler de ce que vous ne ferez pas. Avant la fin des vacances, je crois que j’irai vous rendre visite pour voir à quoi vous employez votre temps.

– Volontiers. Vous constaterez alors par vous-même à quel point Helstone est un bel endroit. Maintenant, je dois vous quitter. Edith s’assied au piano et je connais juste assez de musique pour lui tourner les pages ; de plus, ma tante ne sera pas contente si nous bavardons. »

Edith joua avec brio.