dit un vieux moine, au nom remémoré,

Alfus... je me souviens, jadis étant novice,
D’avoir ouï causer de ce frère égaré.
«Ce fut un moine doux qui n’avait pour délice
Que la paix, la prière et l’ardeur d’un saint feu.
Une aube il se perdit en bois, pour bénéfice.
«Bien qu’on cherchât partout, qu’on remuât tout lieu,
Jamais put-on trouver son vestige en ces landes,
Et le supposant mort on s’en tenait à Dieu!»
Alors le Saint levant les bras comme aux offrandes
Mourut, lavé du Doute. Il fut l’Élu choisi,
L’antique moine Alfus des illustres légendes.
Pour nous, selon le gré du ciel, qu’il soit ainsi!

Musiques funèbres

Quand, rêvant de la morte et du boudoir absent,
Je me sens tenaillé des fatigues physiques,
Assis au fauteuil noir, près de mon chat persan,
J’aime à m’inoculer de bizarres musiques,
Sous les lustres dont les étoiles vont versant
Leur sympathie au deuil des rêves léthargiques.
J’ai toujours adoré, plein de silence, à vivre
En des appartements solennellement clos,
Où mon âme sonnant des cloches de sanglots,
Et plongeant dans l’horreur, se donne toute à suivre,
Triste comme un son mort, close comme un vieux livre,
Ces musiques vibrant comme un éveil de flots.
Que m’importent l’amour, la plèbe et ses tocsins?
Car il me faut, à moi, des annales d’artiste;
Car je veux, aux accords d’étranges clavecins,
Me noyer dans la paix d’une existence triste
Et voir se dérouler mes ennuis assassins,
Dans le prélude où chante une âme symphoniste.
Je suis de ceux pour qui la vie est une bière
Où n’entrent que les chants hideux des croquemorts,
Où mon fantôme las, comme sous une pierre,
Bien avant dans les nuits cause avec ses remords,
Et vainement appelle, en l’ombre familière
Qui n’a pour l’écouter que l’oreille des morts.
Allons! que sous vos doigts, en rythme lent et long
Agonisent toujours ces mornes chopinades...
Ah! que je hais la vie et son noir Carillon!
Engouffrez-vous, douleurs, dans ces calmes aubades,
Ou je me pends ce soir aux portes du salon,
Pour chanter en Enfer les rouges sérénades!
Ah! funèbre instrument, clavier fou, tu me railles!
Doucement, pianiste, afin qu’on rêve encor!
Plus lentement, plaît-il?... Dans des chocs de ferrailles,
L’on descend mon cercueil, parmi l’affreux décor
Des ossements épars au champ des funérailles,
Et mon cœur a gémi comme un long cri de cor!...

Soirs hypocondriaques

Parfois je prends mon front blêmi
Sous des impulsions tragiques
Quand le clavecin a frémi,
Et que les lustres léthargiques
Plaquent leurs rayons sur mon deuil
Avec les sons noirs des musiques.
Et les pleurs mal cachés dans l’œil
Je cours affolé, par les chambres,
Trouvant partout que triste accueil.
Et de grands froids glacent mes membres:
Je cherche à me suicider
Par vos soirs affreux, ô Décembres!
Anges maudits, veuillez m’aider!

SE SAVOIR POÈTE

«L’Âme du poète»

«Tristia»

Un poète

Laissez-le vivre ainsi sans lui faire de mal!
Laissez-le s’en aller; c’est un rêveur qui passe;
C’est une âme angélique ouverte sur l’espace,
Qui porte en elle un ciel de printemps auroral.
C’est une poésie aussi triste que pure
Qui s’élève de lui dans un tourbillon d’or.
L’étoile la comprend, l’étoile qui s’endort
Dans sa blancheur céleste aux frissons de guipure.
Il ne veut rien savoir; il aime sans amour.
Ne le regardez pas! que nul ne s’en occupe!
Dites même qu’il est de son propre sort dupe!
Riez de lui!... Qu’importe! il faut mourir un jour...
Alors, dans le pays où le bon Dieu demeure,
On vous fera connaître, avec reproche amer,
Ce qu’il fut de candeur sous ce front simple et fier,
Et de tristesse dans ce grand œil gris qui pleure!

Clair de lune intellectuel

Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs;
Elle a l’éclat parfois des subtiles verdeurs
D’un golfe où le soleil abaisse ses antennes.
En un jardin sonore, au soupir des fontaines,
Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs;
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle court à jamais les blanches prétentaines,
Au pays angélique où montent ses ardeurs;
Et, loin de la matière et des brutes laideurs,
Elle rêve l’essor aux célestes Athènes.
Ma pensée est couleur de lunes d’or lointaines.

Mon âme

Mon âme a la candeur d’une chose étoilée,
D’une neige de février...
Ah! retournons au seuil de l’Enfance en allée,
Viens-t-en prier...
Ma chère, joins tes doigts et pleure et rêve et prie,
Comme tu faisais autrefois
Lorsqu’en ma chambre, aux soirs, vers la Vierge fleurie
Montait ta voix.
Ah! la fatalité d’être une âme candide
En ce monde menteur, flétri, blasé, pervers,
D’avoir une âme ainsi qu’une neige aux hivers
Que jamais ne souilla la volupté sordide!
D’avoir l’âme pareille à de la mousseline
Que manie une sœur novice de couvent,
Ou comme un luth empli des musiques du vent
Qui chante et qui frémit le soir sur la colline!
D’avoir une âme douce et mystiquement tendre,
Et cependant, toujours, de tous les maux souffrir,
Dans le regret de vivre et l’effroi de mourir,
Et d’espérer, de croire... et de toujours attendre!

Sous les faunes

Nous nous serrions, hagards, en silencieux gestes,
Aux flamboyants juins d’or, pleins de relents, lassés,
Et tels, rêvassions-nous, longuement enlacés,
Par les grands soirs tombés, triomphalement prestes.
Debout au perron gris, clair-obscuré d’agrestes
Arbres évaporant des parfums opiacés,
Et d’où l’on constatait des marbres déplacés,
Gisant en leur orgueil de massives siestes.
Parfois, cloîtrés au fond des vieux kiosques proches,
Nous écoutions clamer des peuples fous de cloches
Dont les voix aux lointains se perdaient, toutes tues,
Et nos cœurs s’emplissaient toujours de vague émoi
Quand, devant l’œil pierreux des funèbres statues,
Nous nous serrions, hagards, ma Douleur morne et moi.

Soirs d’octobre

– Oui, je souffre, ces soirs, démons mornes, chers Saints.
– Ah! donne-moi ton front, que je calme tes crises.
– Mon âme se fait dune à funèbres hantises.
– On est ainsi toujours au soupçon des Toussaints.
– Que veux-tu? Je suis tel, je suis tel dans ces villes,
Boulevardier funèbre échappé des balcons,
Et dont le rêve élude, ainsi que des faucons,
L’affluence des sots aux atmosphères viles.
Que veux-tu? je suis tel... Laisse-moi reposer
Dans la langueur, dans la fatigue et le baiser,
Chère, bien-aimée âme où vont les espoirs sobres...
Écoute! ô ce grand soir, empourpré de colères,
Qui, galopant, vainqueur des batailles solaires,
Arbore l’Étendard triomphal des Octobres.

Devant le feu

Par les hivers anciens, quand nous portions la robe,
Tout petits, frais, rosés, tapageurs et joufflus,
Avec nos grands albums, hélas! que l’on n’a plus,
Comme on croyait déjà posséder tout le globe!
Assis en rond, le soir, au coin du feu, par groupes,
Image sur image, ainsi combien joyeux
Nous feuilletions, voyant, la gloire dans les yeux,
Passer de beaux dragons qui chevauchaient en troupes!
Je fus de ces heureux d’alors, mais aujourd’hui,
Les pieds sur les chenets, le front terne d’ennui,
Moi qui me sens toujours l’amertume dans l’âme,
J’aperçois défiler, dans un album de flamme,
Ma jeunesse qui va, comme un soldat passant,
Au champ noir de la vie, arme au poing, toute en sang!

Soir d’hiver

Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu’est-ce que le spasme de vivre
À la douleur que j’ai, que j’ai!
Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire: Où vis-je? où vais-je?
Tous ses espoirs gisent gelés:
Je suis la nouvelle Norvège
D’où les blonds ciels s’en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu’est-ce que le spasme de vivre
À tout l’ennui que j’ai, que j’ai!...

La Romance du Vin

Tout se mêle en un vif éclat de gaîté verte.
Ô le beau soir de mai! Tous les oiseaux en chœur,
Ainsi que les espoirs naguères à mon cœur,
Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.
Ô le beau soir de mai! le joyeux soir de mai!
Un orgue au loin éclate en froides mélopées;
Et les rayons, ainsi que de pourpres épées,
Percent le cœur du jour qui se meurt parfumé.
Je suis gai! je suis gai! Dans le cristal qui chante,
Verse, verse le vin! verse encore et toujours,
Que je puisse oublier la tristesse des jours,
Dans le dédain que j’ai de la foule méchante!
Je suis gai! je suis gai! Vive le vin et l’Art!...
J’ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d’automne au loin passant dans le brouillard.
C’est le règne du rire amer et de la rage
De se savoir poète et l’objet du mépris,
De se savoir un cœur et de n’être compris
Que par le clair de lune et les grands soirs d’orage!
Femmes! je bois à vous qui riez du chemin
Où l’Idéal m’appelle en ouvrant ses bras roses;
Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses
Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main!
Pendant que tout l’azur s’étoile dans la gloire,
Et qu’un hymne s’entonne au renouveau doré,
Sur le jour expirant je n’ai donc pas pleuré,
Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire!
Je suis gai! je suis gai! Vive le soir de mai!
Je suis follement gai, sans être pourtant ivre!...
Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre;
Enfin mon cœur est-il guéri d’avoir aimé?
Les cloches ont chanté; le vent du soir odore...
Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore,
Oh! si gai, que j’ai peur d’éclater en sanglots!

La Vierge Noire

Elle a les yeux pareils à d’étranges flambeaux
Et ses cheveux d’or faux sur ses maigres épaules,
Dans des subtils frissons de feuillages de saules,
L’habillent comme font les cyprès des tombeaux.
Elle porte toujours ses robes par lambeaux,
Elle est noire et méchante; or qu’on la mette aux geôles,
Qu’on la batte à jamais à grands fouets de tôles.
Gare d’elle, mortels, c’est la chair des corbeaux!
Elle m’avait souri d’une bonté profonde,
Je l’aurais crue aimable et, sans souci du monde,
Nous nous serions tenus, Elle et moi par les mains.
Mais, quand je lui parlai, le regard noir d’envie,
Elle me dit: «Tes pas ont souillé mes chemins.»
Certes, tu la connais, on l’appelle la Vie!

Je sens voler en moi les oiseaux du génie
Je sens voler en moi les oiseaux du génie,
Mais j’ai tendu si mal mon piège qu’ils ont pris
Dans l’azur cérébral leurs vols blancs, bruns et gris,
Et que mon cœur brisé râle son agonie.

Je plaque lentement les doigts de mes névroses
Je plaque lentement les doigts de mes névroses,
Chargés des anneaux noirs de mes dégoûts mondains,
Sur le sombre clavier de la vie et des choses.

Je veux m’éluder dans les rires
Je veux m’éluder dans les rires,
Dans des tourbes de gaîté brusque,
Oui, je voudrais me tromper jusque
En des ouragans de délires.
Pitié! quels monstrueux vampires
Vont suçant mon cœur qui s’offusque!
Ô je veux être fou, ne fût-ce que
Pour narguer mes Détresses pires!
Latent comme un monstre cadavre
Mon cœur vaisseau s’amarre au havre
De toute hétéromorphe engeance.
Que je bénis ces gueux de rosses
Dont les hilarités féroces
Raillent la vierge Intelligence.

Banquet macabre

À la santé du rire! Et j’élève ma coupe,
Et je bois follement comme un rapin joyeux.
Ô le rire! Ha! ha! ha! qui met la flamme aux yeux,
Ce vaisseau d’or qui glisse avec l’amour en poupe!
Vogue pour la gaîté de Riquet à la Houppe!
En bons bossus joufflus gouaillons pour le mieux.
Que les bruits du cristal éveillent nos aïeux
Du grand sommeil de pierre où s’entasse leur groupe.
Ils nous viennent, claquant leurs vieux os: les voilà!
Qu’on les assoie en ronde au souper de gala.
À la santé du rire et des pères squelettes!
Versez le vin funèbre aux verres par longs flots,
Et buvons à la Mort dans leurs crânes, poètes,
Pour étouffer en nous la rage des sanglots!

Déraison

Or, j’ai la vision d’ombres sanguinolentes
Et de chevaux fougueux piaffants,
Et c’est comme des cris de gueux, hoquets d’enfants,
Râles d’expirations lentes.
D’où me viennent, dis-moi, tous ces ouragans rauques,
Rages de fifre ou de tambour?
On dirait des dragons en galopade au bourg,
Avec des casques flambant glauques...

Le Fou

Gondolar! Gondolar!
Tu n’es plus sur le chemin très tard.
On assassina l’pauvre idiot,
On l’écrasa sous un chariot,
Et puis l’chien après l’idiot.
On leur fit un grand, grand trou là.
Dies iræ, dies illa.
    À genoux devant ce trou-là!

Ténèbres

La Détresse a jeté sur mon cœur ses noirs voiles
Et les croassements de ses corbeaux latents;
Et je rêve toujours au vaisseau des Vingt ans,
Depuis qu’il a sombré dans la mer des étoiles.
Ah! quand pourrai-je encor comme des crucifix
Étreindre entre mes doigts les chères paix anciennes,
Dont je n’entends jamais les voix musiciennes
Monter dans tout le trouble où je geins, où je vis?
Et je voudrais rêver longuement, l’âme entière,
Sous les cyprès de mort, au coin du cimetière
Où gît ma belle enfance au glacial tombeau.
Mais je ne pourrai plus; je sens des bras funèbres
M’asservir au Réel, dont le fumeux flambeau
Embrase au fond des Nuits mes bizarres Ténèbres!

Le Vaisseau d’Or

C’était un grand Vaisseau taillé dans l’or massif.
Ses mâts touchaient l’azur sur des mers inconnues;
La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues,
S’étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.
Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose ont entre eux disputés.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève?
Qu’est devenu mon cœur, navire déserté?
Hélas! Il a sombré dans l’abîme du Rêve!

FRAGMENTS ET ÉBAUCHES DE POÈMES

Le soir sème l’Amour
Le soir sème l’Amour, et les Rogations
S’agenouillent avec le Songe.

La Mort de la prière

Il entend lui venir, comme un divin reproche,
Sur un thème qui pleure, angéliquement doux,
Des conseils l’invitant à prier... une cloche!
Mais Arouet est là, qui lui tient les genoux.

Ohé! ohé! quel chapelet
Ohé! ohé! quel chapelet
Se dit là derrière les portes?...
Belle laitière aux hanches fortes.

Veux-tu m’astraliser la nuit?

Veux-tu m’astraliser la nuit?

Jumeau de l’Idéal,
ô brun enfant d’Apelle!

Jumeau de l’Idéal, ô brun enfant d’Apelle!

[Perroquets verts]

Je les eus de Bâton Rouge
Jacassant des mots de bouge:
Bavards, yeux clairs comme l’eau;
Sous lampes leur ombre a coupe:
Gretchen leur tend la soucoupe
Au son de mon piccolo.

[Sonnet de Gretchen sur
trois perroquets morts…]

Tel un trio spectral de pailles immobiles,
Sur la corniche où vibre un effroi de sébiles,
Se juxtaposera leur vieille intimité.

Le passage d’une vie à l’autre vie…
Le passage d’une vie à l’autre vie...
Chant du départ des soutanes...
Violon d’adieusement...
Déraison plus, jamais pas...
Isabella Pathouille...
Sur le tombeau des ionas...
L’idiote...
Frère Ange...

REPÈRES CHRONOLOGIQUES

I. L’enfance: 1879-1885

Naissance d’Émile Nelligan, à Montréal, le 24 décembre 1879, 602, rue Lagauchetière. Il est le premier enfant de David Nelligan, employé des postes, et de Émilie Amanda Hudon. Il aura deux sœurs: Béatrice Éva (née le 28 octobre 1881) et Gertrude Fréda (née le 23 août 1883).

II. Les études: 1886-1897

En août 1886 Émile entre à l’école Olier après avoir fréquenté pendant un an l’académie de l’Archevêché. En septembre 1890, il est externe au Mont-Saint-Louis et, trois ans après, il passe au Collège de Montréal. Il est à l’écart de toute institution scolaire à l’automne et à l’hiver de 1895, n’entrant au Collège Sainte-Marie qu’en mars 1896. Le 8 mars précisément, il rédige un devoir dont la copie sera bien plus tard imprimée: «C’était l’automne… et les feuilles tombaient toujours». Mauvais élève — il doit reprendre ses Éléments latins puis sa Syntaxe —, il ne s’intéresse qu’à la poésie. Il quitte définitivement l’école en janvier 1897, au grand mécontentement de ses parents. À partir de 1886, presque chaque année jusqu’en 1898, Nelligan passe ses vacances d’été à Cacouna, station balnéaire près de Rivière-du-Loup.

III. La découverte de la poésie: 1895-1897

Nelligan ne rêve que de poésie, au grand désespoir de son père. Il s’intéresse aux romantiques: Millevoye, Lamartine, Musset… Très tôt il découvre Verlaine, Baudelaire, Rodenbach, Heredia, Leconte de Lisle. Signé du pseudonyme Émile Kovar, son premier poème, «Rêve fantasque», paraît dans Le Samedi du 13 juin 1896. Sous le même pseudonyme, il publiera de la même façon huit autres poèmes, en l’espace de trois mois. Cinq sonnets, signés Émil Nellighan, paraîtront en 1897 dans Le Monde illustré.

IV. À l’École littéraire de Montréal: 1897-1898

Le 10 février 1897, après avoir soumis au comité d’admission deux poèmes: «Berceuse» et «Le Voyageur», Émile Nelligan est élu membre de l’École littéraire de Montréal, fondée en 1895 par Louvigny de Montigny et Jean Charbonneau. Émile est le cadet du groupe. Le 25 février, il assiste pour la première fois aux délibérations de l’École: il récite «Tristia», «Sonnet d’une villageoise» et «Cari Vondher est mourant». En mars il lira d’autres poèmes: «Aubade», «Sonnet hivernal», «Harem céleste». Deux poèmes manuscrits datent de cette époque: «Vasque», dédié à sa «très chère, ultime amie», Édith Larrivée (16 mars [1897]); et «Salons allemands», sonnet offert à son ami, Louis-Joseph Béliveau, poète-libraire, à l’occasion de ses noces (septembre 1897).

V. Le rêveur solitaire: 1898-1899

Dépressif, replié sur lui-même, tantôt enfermé dans sa petite chambre à l’étage au 260 de l’avenue Laval, tantôt en promenade au centre de la ville, Nelligan se plaît à fréquenter les marchés Bonsecours et Jacques Cartier, s’arrête à l’occasion dans une église. On connaît peu de femmes dans son entourage (Édith Larrivée, Idola Saint-Jean ou Robertine Barry).