une cloche῀!
Mais Arouet est là, qui lui tient les genoux.
Ohé῀! ohé῀! quel chapelet
Se dit là derrière les portes῀?...
Belle laitière aux hanches fortes.
Veux-tu m’astraliser la nuit῀?
Jumeau de l’Idéal, ô brun enfant d’Apelle῀!
Je les eus de Bâton Rouge
Jacassant des mots de bouge῀:
Bavards, yeux clairs comme l’eau῀;
Sous lampes leur ombre a coupe῀:
Gretchen leur tend la soucoupe
Au son de mon piccolo.
Tel un trio spectral de pailles immobiles,
Sur la corniche où vibre un effroi de sébiles,
Se juxtaposera leur vieille intimité.
Le passage d’une vie à l’autre vie...
Chant du départ des soutanes...
Violon d’adieusement...
Déraison plus, jamais pas...
Isabella Pathouille...
Sur le tombeau des ionas...
L’idiote...
Frère Ange...
I. L’enfance῀: 1879-1885
Naissance d’Émile Nelligan, à Montréal, le 24 décembre 1879, 602, rue Lagauchetière. Il est le premier enfant de David Nelligan, employé des postes, et de Émilie Amanda Hudon. Il aura deux sœurs῀: Béatrice Éva (née le 28 octobre 1881) et Gertrude Fréda (née le 23 août 1883).
II. Les études῀: 1886-1897
En août 1886 Émile entre à l’école Olier après avoir fréquenté pendant un an l’académie de l’Archevêché. En septembre 1890, il est externe au Mont-Saint-Louis et, trois ans après, il passe au Collège de Montréal. Il est à l’écart de toute institution scolaire à l’automne et à l’hiver de 1895, n’entrant au Collège Sainte-Marie qu’en mars 1896. Le 8 mars précisément, il rédige un devoir dont la copie sera bien plus tard imprimée῀: «῀C’était l’automne… et les feuilles tombaient toujours῀». Mauvais élève — il doit reprendre ses Éléments latins puis sa Syntaxe —, il ne s’intéresse qu’à la poésie. Il quitte définitivement l’école en janvier 1897, au grand mécontentement de ses parents. À partir de 1886, presque chaque année jusqu’en 1898, Nelligan passe ses vacances d’été à Cacouna, station balnéaire près de Rivière-du-Loup.
III. La découverte de la poésie῀: 1895-1897
Nelligan ne rêve que de poésie, au grand désespoir de son père. Il s’intéresse aux romantiques῀: Millevoye, Lamartine, Musset… Très tôt il découvre Verlaine, Baudelaire, Rodenbach, Heredia, Leconte de Lisle. Signé du pseudonyme Émile Kovar, son premier poème, «῀Rêve fantasque῀», paraît dans Le Samedi du 13 juin 1896. Sous le même pseudonyme, il publiera de la même façon huit autres poèmes, en l’espace de trois mois. Cinq sonnets, signés Émil Nellighan, paraîtront en 1897 dans Le Monde illustré.
IV. À l’École littéraire de Montréal῀: 1897-1898
Le 10 février 1897, après avoir soumis au comité d’admission deux poèmes῀: «῀Berceuse῀» et «῀Le Voyageur῀», Émile Nelligan est élu membre de l’École littéraire de Montréal, fondée en 1895 par Louvigny de Montigny et Jean Charbonneau. Émile est le cadet du groupe. Le 25 février, il assiste pour la première fois aux délibérations de l’École῀: il récite «῀Tristia῀», «῀Sonnet d’une villageoise῀» et «῀Cari Vondher est mourant῀». En mars il lira d’autres poèmes῀: «῀Aubade῀», «῀Sonnet hivernal῀», «῀Harem céleste῀». Deux poèmes manuscrits datent de cette époque῀: «῀Vasque῀», dédié à sa «῀très chère, ultime amie῀», Édith Larrivée (16 mars [1897])῀; et «῀Salons allemands῀», sonnet offert à son ami, Louis-Joseph Béliveau, poète-libraire, à l’occasion de ses noces (septembre 1897).
V. Le rêveur solitaire῀: 1898-1899
Dépressif, replié sur lui-même, tantôt enfermé dans sa petite chambre à l’étage au 260 de l’avenue Laval, tantôt en promenade au centre de la ville, Nelligan se plaît à fréquenter les marchés Bonsecours et Jacques Cartier, s’arrête à l’occasion dans une église. On connaît peu de femmes dans son entourage (Édith Larrivée, Idola Saint-Jean ou Robertine Barry). Il aurait, dit-on, vécu une idylle champêtre avec une Suissesse allemande à l’automne de 1895, mais on n’en connaît pas grand-chose῀; le même mystère entoure une certaine Gretchen à partir de 1897. La femme chez Nelligan, tantôt réelle, tantôt fictive —artiste, apparition, allusion mythique, négresse lointaine —, est bellement ancrée dans l’imaginaire. Et par-dessus tout le monde des rêveries amoureuses reflété dans ses poèmes, le portrait de sa mère et celui de sainte Cécile projettent sa hantise d’aimer.
VI. Le créateur fulgurant῀: 1898-1899
Le 9 décembre 1898, Nelligan est réadmis à l’École littéraire de Montréal qui prépare une série de séances publiques. La première rencontre avec le public, sous la présidence de Louis Fréchette, a lieu au château de Ramezay, le 29 décembre 1898. Nelligan récite trois de ses poèmes῀: «῀Un rêve de Watteau῀», «῀Le Récital des Anges῀» et «῀L’Idiote aux cloches῀». À la deuxième séance qui se tient au Monument-National le 24 février 1899, Nelligan déclame «῀Le Perroquet῀», «῀Bohème blanche῀», «῀Les Carmélites῀», «῀Nocturne séraphique῀», «῀Le Roi du souper῀» et «῀Notre-Dame-des-Neiges῀».
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