Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d'eau sur de la mousse !
La voix vous fut connue (et chère ?),
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée
Pourtant comme elle encore fière,
Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d'automne,
Cache et montre au coeur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.
Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie
Rien ne reste, la mort venue.
Elle parle aussi de la gloire
D'être simple sans plus attendre,
Et de noces d'or et du tendre
Bonheur d'une paix sans victoire.
Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame.
Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste !
Elle est en peine et de passage,
L'âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire !...
Ecoutez la chanson bien sage.
XVII
Les chères mains qui furent miennes,
Toutes petites, toutes belles,
Après ces méprises mortelles
Et toutes ces choses païennes,
Après les rades et les grèves,
Et les pays et les provinces,
Royales mieux qu'au temps des princes,
Les chères mains m'ouvrent les rêves.
Mains en songe, mains sur mon âme,
Sais-je, moi, ce que vous daignâtes,
Parmi ces rumeurs scélérates,
Dire à cette âme qui se pâme ?
Ment-elle, ma vision chaste
D'affinité spirituelle,
De complicité maternelle,
D'affection étroite et vaste ?
Remords si chers, peine très bonne,
Rêves bénits, mains consacrées,
O ces mains, ces mains vénérées,
Faites le geste qui pardonne !
XVIII
Et j'ai revu l'enfant unique : Il m'a semblé Que s'ouvrait dans mon coeur la dernière blessure, Celle dont la douleur plus exquise m'assure D'une mort désirable en un jour consolé.
La bonne flèche aiguë et sa fraîcheur qui dure !
En ces instants choisis elles ont éveillé Les rêves un peu lourds du scrupule ennuyé, Et tout mon sang chrétien chanta la Chanson pure.
J'entends encor, je vois encor ! Loi du devoir Si douce ! Enfin, je sais ce qu'est entendre et voir, J'entends, je vois toujours ! Voix des bonnes pensées !
Innocence, avenir ! Sage et silencieux, Que je vais vous aimer, vous un instant pressées, Belles petites mains qui fermerez nos yeux !
XIX
Voix de l'Orgueil : un cri Puissant comme d'un cor, Des étoiles de sang sur des cuirasses d'or.
On trébuche à travers des chaleurs d'incendie...
Mais en somme la voix s'en va, comme d'un cor.
Voix de la Haine : cloche en mer, fausse, assourdie De neige lente. Il fait si froid ! Lourde, affadie, La vie a peur et court follement sur le quai Loin de la cloche qui devient plus assourdie.
Voix de la Chair : un gros tapage fatigué.
Des gens ont bu. L'endroit fait semblant d'être gai.
Des yeux, des noms, et l'air plein de parfums atroces Où vient mourir le gros tapage fatigué.
Voix d'Autrui : des lointains dans des brouillards. Des noces Vont et viennent. Des tas d'embarras. Des négoces, Et tout le cirque des civilisations
Au son trotte-menu du violon des noces.
Colères, soupirs noirs, regrets, tentations Qu'il a fallu pourtant que nous entendissions Pour l'assourdissement des silences honnêtes, Colères, soupirs noirs, regrets, tentations, Ah ! les Voix, mourez donc, mourantes que vous êtes, Sentences, mots en vain, métaphores mal faites, Toute la rhétorique en fuite des péchés, Ah ! les Voix, mourez donc, mourantes que vous êtes !
Nous ne sommes plus ceux que vous auriez cherchés.
Mourez à nous, mourez aux humbles voeux cachés Que nourrit la douceur de la Parole forte, Car notre coeur n'est plus de ceux que vous cherchez !
Mourez parmi la voix que la prière emporte Au ciel, dont elle seule ouvre et ferme la porte Et dont elle tiendra les sceaux au dernier jour, Mourez parmi la voix que la prière apporte, Mourez parmi la voix terrible de l'Amour !
XX
L'ennemi se déguise en l'Ennui
Et me dit : « A quoi bon, pauvre dupe ? »
Moi je passe et me moque de lui.
L'ennemi se déguise en la Chair
Et me dit : « Bah, bah, vive une jupe ! »
Moi j'écarte le conseil amer.
L'ennemi se transforme en un Ange
De lumière et dit : « Qu'est ton effort A côté des tributs de louange
Et de Foi dus au Père céleste ?
Ton Amour va-t-il jusqu'à la mort ? »
Je réponds : « L'Espérance me reste. »
Comme c'est le vieux logicien,
Il a fait bientôt de me réduire
A ne plus vouloir répliquer rien.
Mais sachant qui c'est, épouvanté
De ne plus sentir les mondes luire,
Je prierai pour de l'humilité.
XXI
Va ton chemin sans plus t'inquiéter !
La route est droite et tu n'as qu'à monter, Portant d'ailleurs le seul trésor qui vaille, Et l'arme unique au cas d'une bataille, La pauvreté d'esprit et Dieu pour toi.
Surtout il faut garder toute espérance.
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