Renoue amitié avec eux et explique-leur que le grand cheik Ibn Jad vient vers eux avec des intentions pacifiques. Il désire visiter la cité de Nimmr, et remettra de magnifiques présents à ceux qui l’y conduiront. Va ! Tu auras ta part de mes largesses !

– Je t’obéirai, maître, dit Fejjuan, qui voyait enfin se présenter l’occasion qu’il avait tant attendue. Quand dois-je partir ?

– Prépare-toi cette nuit et quitte le camp demain, dès l’aube », dit le cheik.

*

* *

C’est ainsi que Fejjuan, l’esclave Galla, ayant marché sans arrêt tout le matin, se trouva vers midi sur une piste bien frayée qui conduisait vers l’Ouest.

Fejjuan était un guerrier avisé et il n’ignorait pas qu’il lui serait sans doute difficile de convaincre les Gallas qu’il était de leur sang, il était vêtu comme un Arabe et, de plus, il avait oublié le langage de ses frères, qu’il n’avait plus parlé depuis qu’il avait été enlevé de son pays.

Mais Fejjuan était brave, et il acceptait résolument d’être pris pour l’un de ces Arabes que les hommes de sa race haïssaient.

Il arriva, sans s’en douter, à proximité d’un village et fut brusquement entouré par un groupe de guerriers Gallas à l’attitude belliqueuse.

Aussitôt, Fejjuan leva les bras et sourit, en signe de paix.

« Que fais-tu dans le pays des Gallas ? lui demanda l’un des guerriers.

– Je suis à la recherche de la maison de mon père, répondit Fejjuan.

– La maison de ton père n’est pas dans le pays Galla, rétorqua le guerrier. Toi et tes frères arabes, vous venez nous piller et enlever nos enfants !

– Non ! dit Fejjuan. Je suis un Galla.

– Si tu disais vrai, tu parlerais mieux le langage de ton peuplé. Tu n’as point l’accent des Gallas !

– J’ai été volé à mes parents lorsque j’étais enfant, et j’ai dû vivre parmi les Bédouins et parler leur langage.

– Quel est ton nom ?

– Les Arabes m’appellent Fejjuan, mais mon nom Galla est Ulal.

– Crois-tu qu’il dise vrai ? murmura un jeune guerrier à son compagnon. Autrefois, j’ai eu un frère qui s’appelait Ulal !

– Qu’est-il devenu ? demanda l’autre.

– Nous n’en savons rien. Un jour, il a disparu, mangé par le lion ou enlevé par les Arabes, qui sait ?

– Alors cet homme dit peut-être la vérité, reprit l’autre guerrier. Il serait bien étrange qu’il fût ton frère ! Demande-lui le nom de son père ! »

Le jeune guerrier se tourna vers Fejjuan :

« Quel était le nom de ton père, étranger ? lui demanda-t-il.

– Naliny », répondit Fejjuan sans hésiter.

À cette réponse, les guerriers Gallas semblèrent surpris et se mirent à chuchoter entre eux. À la fin de ce conciliabule, le jeune guerrier se tourna de nouveau vers Fejjuan.

« Avais-tu un frère, du temps que tu vivais dans la maison de tes parents ?

– Oui, un frère plus jeune : Tabo ! »

Alors le jeune guerrier laissa tomber sa lance et se jeta sur Fejjuan qu’il étreignit avec transport.

« Ulal ! s’écria-t-il. C’est bien mon frère. Ulal, me reconnais-tu ? Je suis Tabo ! »

Fejjuan, ou plutôt Ulal, serra son frère sur sa poitrine, puis le repoussa légèrement pour le contempler :

« Non, dit-il d’une voix émue, je ne t’aurais pas reconnu, Tabo, car tu étais bien petit lorsque je fus enlevé et, maintenant, tu es un grand guerrier. Où sont notre père et notre mère ? Sont-ils encore en vie ?

– Tous deux sont en bonne santé, Ulal, dit Tabo. Ils se trouvent aujourd’hui chez le chef, car il y a grand conseil à cause de l’arrivée des hommes du désert dans notre pays. Es-tu venu avec ceux-ci ?

– Oui, j’étais leur esclave, dit Ulal. Ne puis-je me rendre chez le chef ? Je voudrais voir nos parents et, en même temps, parler avec le chef au sujet des Arabes.

– Viens, frère ! s’écria Tabo. Oh ! quelle va être la joie et la surprise de notre mère, qui t’a cru mort pendant si longtemps ! Mais dis-moi, depuis tant d’années que tu vis chez les Arabes, n’es-tu pas devenu semblable à eux ? Peut-être as-tu pris une épouse arabe ? Es-tu sûr que tu ne préfères pas maintenant ta seconde patrie ?

– Certes non ! fit Ulal avec énergie. Je n’ai point épousé d’étrangère, et j’ai toujours conservé l’espoir de revenir dans les montagnes de mon pays, sous le toit de mon père ! Je ne hais pas les Arabes, mais je ne les aime pas non plus. Ils ne sont pas du même sang que moi ! »

*

* *

La rencontre d’Ulal et de ses parents fut émouvante. Les pauvres gens avaient peine à croire qu’ils retrouvaient ainsi, miraculeusement, le fils aîné qu’ils avaient si longtemps pleuré.

Lorsque la première émotion fut un peu calmée, Fejjuan, sur sa demande, fut conduit auprès du chef de la tribu.

Batando était un sage vieillard et, en apprenant le retour inattendu d’Ulal, il avait flairé une ruse des Arabes. Aussi soumit-il le nouveau venu à un interrogatoire habile auquel celui-ci n’opposa que des réponses franches qui convainquirent rapidement le chef de sa bonne foi.

« Je vois maintenant que tu es bien Ulal ! s’écria-t-il. Sois le bienvenu dans le pays de tes pères, et dis-moi ce que les Arabes viennent faire ici. Cherchent-ils des esclaves ?

– Ce n’est pas leur but principal. Ibn Jad veut conquérir le trésor.

– Quel trésor ? questionna Batando.

– Il a entendu parler du trésor de la Cité de Nimmr, répondit Ulal, et il cherche le chemin de la ville fabuleuse. C’est pour cette raison qu’il m’a envoyé demander aux Gallas de le guider, et il promet de grands présents en récompense.

– Ses paroles sont-elles sincères ? s’informa Batando.

– Ibn Jad a plusieurs paroles, selon les circonstances, répliqua Ulal avec mépris.

– Et, par conséquent, si le trésor de Nimmr ne répond pas à son attente, ou s’il ne peut le conquérir, Ibn Jad est capable de piller le pays Galla et d’emporter nos enfants comme esclaves, afin de compenser les pertes de ce long voyage, n’est-ce pas ? fit Batando.

– Ta sagesse est égale au grand nombre de tes années, ô Batando, répondit Ulal.

– Que sait-il de la cité fabuleuse ? demanda encore le chef, après avoir réfléchi un instant.

– Rien d’autre que les fables qui lui ont été contées par un vieux nécromant arabe. Celui-ci a affirmé à Ibn Jad qu’un trésor incalculable était caché quelque part dans la Cité de Nimmr et qu’il s’en emparerait aisément, s’il réussissait à découvrir le chemin qui mène à la ville mystérieuse.

– C’est tout ce qu’il lui a dit ? insista le vieillard. Ne l’a-t-il pas averti qu’il pourrait bien se heurter à de grandes difficultés en essayant de pénétrer dans la vallée interdite ? »

Ulal réfléchit un instant. Il avait assisté à la plupart des entretiens d’Ibn Jad avec le mage, car sa qualité d’esclave lui valait d’être considéré plutôt comme un animal domestique que comme un homme par Ibn Jad, et celui-ci ne songeait pas même à se méfier de lui.

« Non, dit-il fermement. Je ne crois pas.

– Dans ce cas, nous conduirons volontiers les Arabes jusqu’à l’entrée de la vallée », murmura lentement Batando avec un sourire indéfinissable.

CHAPITRE XI

MESSIRE JAMES

Pendant qu’il cheminait en sa compagnie, Zeyd avait eu l’occasion de mieux connaître Tarzan, et une grande admiration s’était emparée du jeune Arabe à l’égard de cet homme mystérieux.

« Grand Seigneur de la Jungle, lui dit-il un jour, tu as comblé le pauvre Zeyd de tant de faveurs qu’il s’enhardit à te demander une dernière grâce.

– Qu’est-ce ? fit Tarzan.

– Ateja, ma fiancée, sera en grand danger, dans cette sauvage contrée, tant que Fahd sera auprès d’elle.