de Buffon allait jusqu’à quatorze ! » Le 9 août : « Le mal de tête ne me quitte plus, faute de sommeil. Ma nuit dernière a été de quatre heures ! » Le lendemain : « Mon ardeur à la besogne frise l’aliénation mentale. Avant-hier, j’ai fait une journée de dix-huit heures ! » Enfin, le 17 août : « Hier, à 1 heure de nuit, j’ai terminé mon Cœur simple, et je le recopie. Maintenant je m’aperçois de ma fatigue, je souffle, oppressé comme un gros bœuf qui a trop labouré. »

Il rédige le troisième conte, Hérodias, de novembre 1876 à février 1877.

Le 14 février, il écrit : « Encore une chose faite ! Mon volume peut paraître le 16 avril. Il sera court, mais cocasse, je crois. » L’échéance ne fut retardée que de huit jours.

LES SOURCES

Les sources d’Un cœur simple se trouvent, pour le principal, en Flaubert lui-même : ce sont ses souvenirs, ce sont les thèmes anciens de la chronique familiale, ce sont les voyages ou promenades qu’il fit pour les raviver*1. Nous en signalons dans notre annotation, d’après biographes et exégètes, les points les plus caractéristiques. Certains épisodes l’obligèrent cependant à se documenter, servitude qui toujours soutenait son imagination plutôt qu’elle ne l’abattait : « Le bon Laporte, écrit-il à sa nièce Caroline le 3 août 1876, […] m’a prêté le livre d’un chantre de Couronne pour m’instruire dans les processions, et un autre de médecine, où je puise des renseignements sur les pneumonies. Actuellement j’ai donc sur ma table, autour du perroquet… » – ce perroquet déjà rencontré, que nous retrouverons plus à loisir dans notre annotation, prenait alors pour lui une dimension mythologique – « … autour du perroquet : le bréviaire du susdit chantre, ton paroissien, les quatre volumes du paroissien appartenant à ton époux ; de plus : l’Eucologe de Lisieux, ayant appartenu à ton arrière-grand-mère. »

LA RÉCEPTION

Dans l’ensemble, la presse fut bonne et même excellente. Le plus chaleureux des articles fut sans doute celui que Banville donna le 14 mai dans Le National :

Ces contes sont trois chefs-d’œuvre absolus et parfaits, créés avec la puissance d’un poète sûr de son art, et dont il ne faut parler qu’avec la respectueuse admiration due au génie. J’ai dit un poète, et ce mot doit être pris dans son sens rigoureux.

Quant aux lettres que reçut Flaubert, il faut évidemment y faire la part de la complaisance, de la politesse, de l’affection.

On retiendra celle de l’érudit Clermont-Ganneau qui nous paraît constituer, en peu de lignes, l’une des analyses les plus pénétrantes et les plus sensibles que l’on ait jamais données de Trois Contes :

Cela fait une admirable et exquise trilogie où le savant trouve son compte tout autant que le poète. Ces trois êtres si divers qui se tiennent par la main, font la chaîne du passé au présent ; toute l’histoire humaine est là, et vos trois illuminés m’ont tout l’air de s’éclairer au même rayon, à travers les siècles. Vous avez prouvé une fois de plus que vous êtes passé maître dans la biologie des choses mortes et dans l’exégèse des choses vivantes.

SAMUEL S. DE SACY

*1. Les références de Flaubert à son expérience vécue sont nombreuses, précises et exceptionnellement directes ; elles ont été relevées en détail par Gérard-Gailly dans son livre Les Fantômes de Trouville (1930), auquel nous renvoyons ici une fois pour toutes.

Pont-l’Évêque, Honfleur, Trouville, Deauville sont pour le romancier des lieux chargés de significations familiales et sentimentales ; il les visita encore en avril 1876 pour raviver ses souvenirs. Sa mère était née à Pont-l’Évêque et y avait ses origines. L’original de Mme Aubain était une de ses parentes, sensiblement plus âgée que lui et dans la réalité beaucoup plus riche que le personnage romanesque (d’après une lettre de Flaubert du 25 novembre 1841, elle aurait laissé en mourant une fortune de plus de 700 000 francs). L’original de Félicité semble avoir été une humble et fidèle servante fille-mère qu’il avait observée à Trouville chez son ami Pierre Barbey, ancien capitaine au long cours.

Les fermes de Toucques et de Geffosses avaient appartenu, sous les mêmes noms, à sa mère ; à la mort de celle-ci la seconde revint à son frère, et la première à lui-même, qui devait la vendre en 1875, pour 200 000 francs, au moment de l’affaire Commanville : c’est alors aussi que, comme Mme Aubain, il quitta son logement parisien pour un appartement moins onéreux.

BIBLIOGRAPHIE

ŒUVRES DE GUSTAVE FLAUBERT

Bouvard et Pécuchet, avec un choix des scénarios, du Sottisier, L’Album de la Marquise et Le Dictionnaire des idées reçues, édition présentée et établie par Claudine Gothot-Mersch, Gallimard, « Folio classique », 1999 (1re éd. : 1979).

L’Éducation sentimentale, notice et notes de S. de Sacy, Gallimard, « Folio classique », 1996 (1re éd. : 1972).

Madame Bovary, éd. Thierry Laget, Gallimard, « Folio classique », 2001 (1re éd. : 1972).

Salammbô, introduction et notes de Pierre Moreau, Gallimard, « Folio classique », 1996 (1re éd. : 1974).

La Tentation de saint Antoine, éd. Claudine Gothot-Mersch, Gallimard, « Folio classique », 1990 (1re éd. : 1983).

Trois contes, éd. Samuel S. de Sacy, Gallimard, « Folio classique », 1999 (1re éd. : 1973).

Par les champs et par les grèves, éd. Adrianne J. Tooke, Genève, Droz, 1987.

Les Mémoires d’un fou, Novembre, Pyrénées-Corse, Voyage en Italie, éd. Claudine Gothot-Mersch, Gallimard, « Folio classique », 2001.

Œuvres, éd. René Dumesnil et Albert Thibaudet, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1951, 2 vol.

Œuvres complètes, Club de l’honnête homme, 1971-1975, 16 vol.

Œuvres de jeunesse (Œuvres complètes, t. I [1831-1846]), éd. Claudine Gothot-Mersch et Guy Sagnes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2001.

Œuvres complètes, éd. sous la direction de Claudine Gothot-Mersch, t. II [1845-1851] et III [1851-1862], Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2013.

Correspondance, éd. Jean Bruneau, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1973-1998, 4 vol. parus (jusqu’en 1875).

—, choix et présentation de Bernard Masson, Gallimard, « Folio classique », 1998.

DOCUMENTS ET ÉTUDES BIOGRAPHIQUES

BRUNEAU Jean et DUCOURNEAU Jean A., Album Flaubert, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1972.

DUMESNIL René, Le Grand Amour de Flaubert, Genève, Éditions du milieu du monde, 1945.

—, La Vocation de Gustave Flaubert, Gallimard, « Vocations », 1961.

RACZYMOW Henri, Pauvre Bouilhet, Gallimard, « L’un et l’autre », 1998.

LOTTMAN Herbert, Gustave Flaubert, trad. Marianne Véron, Hachette-Pluriel, 1990 (1re éd. : Fayard, 1989).

DU CAMP Maxime, Souvenirs littéraires, Hachette, 1906, 2 vol.

DE GONCOURT Edmond et Jules, Journal, éd.