Ma mère cuisinait dans une marmite de fer à trois pieds installée sur un feu au centre de la hutte ou à l’extérieur. Tout ce que nous mangions, nous le cultivions et le préparions nous-mêmes. Ma mère semait et récoltait son propre maïs. On le moissonnait quand il était dur et sec. On le conservait dans des sacs ou des trous creusés dans le sol. Les femmes utilisaient plusieurs méthodes pour le préparer. Elles écrasaient les épis entre deux pierres pour faire du pain, ou elles le faisaient bouillir d’abord pour obtenir de l’umphothulo (farine de maïs qu’on mange avec du lait caillé) ou de l’umngqusho (gruau qu’on mange seul ou mélangé à des haricots). Contrairement au maïs, qui manquait parfois, les vaches et les chèvres nous fournissaient du lait en quantité.
Très jeune, j’ai passé l’essentiel de mon temps dans le veld à jouer et à me battre avec les autres garçons du village. Un garçon qui restait à la maison dans les jupes de sa mère était considéré comme une femmelette. La nuit, je partageais mon repas et ma couverture avec ces mêmes garçons. Je n’avais pas plus de cinq ans quand j’ai commencé à garder les moutons et les veaux dans les prés. J’ai découvert l’attachement presque mystique des Xhosas pour le bétail, non seulement comme source de nourriture et de richesse, mais comme bénédiction de Dieu et source de bonheur. C’est dans les prairies que j’ai appris à tuer des oiseaux avec une fronde, à récolter du miel sauvage, des fruits et des racines comestibles, à boire le lait chaud et sucré directement au pis de la vache, à nager dans les ruisseaux clairs et froids et à attraper des poissons avec un fil et un morceau de fil de fer aiguisé. J’ai appris le combat avec un bâton – un savoir essentiel à tout garçon africain de la campagne – et je suis devenu expert à ses diverses techniques : parer les coups, faire une fausse attaque dans une direction et frapper dans une autre, échapper à un adversaire par un jeu de jambes rapide. C’est de cette époque que date mon amour du veld, des grands espaces, de la beauté simple de la nature, de la ligne pure de l’horizon.
Les garçons étaient pratiquement livrés à eux-mêmes. Nous jouions avec des jouets que nous fabriquions. Nous façonnions des animaux et des oiseaux en argile. Avec des branches, nous construisions des traîneaux que tiraient les bœufs. La nature était notre terrain de jeu. Les collines au-dessus de Qunu étaient parsemées d’énormes rochers que nous transformions en montagnes russes. Nous nous asseyions sur des pierres plates et nous nous laissions glisser sur les rochers jusqu’à ce que nous ayons tellement mal au derrière que nous puissions à peine nous asseoir. J’ai appris à monter sur des veaux sevrés ; quand on a été jeté à terre plusieurs fois, on prend le coup.
Un jour, un âne récalcitrant m’a donné une leçon. Nous montions sur son dos l’un après l’autre et, quand mon tour est arrivé, il a foncé dans un buisson d’épines. Il a baissé la tête pour me faire tomber, ce qui est arrivé, mais seulement après que les épines m’eurent griffé et écorché le visage, en m’humiliant devant mes camarades. Comme les Asiatiques, les Africains ont un sens très développé de la dignité, ce que les Chinois appellent « ne pas perdre la face ». J’avais perdu la face devant mes amis. Ce n’était qu’un âne qui m’avait fait tomber mais j’ai appris qu’humilier quelqu’un, c’est le faire souffrir inutilement. Même quand j’étais enfant, j’ai appris à vaincre mes adversaires sans les déshonorer.
En général, les garçons jouaient entre eux, mais nous permettions parfois à nos sœurs de nous rejoindre. Les garçons et les filles jouaient à des jeux comme ndize (cache-cache) et icekwa (chat). Mais le jeu auquel je préférais jouer avec les filles était ce que nous appelions khetha, ou choisissez-qui-vous-plaît.
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